Jusqu'ici, les stratèges de la promotion se sont employés à vendre une image multidimensionnelle de la Tunisie. Elle est tantôt promue destination touristique, tantôt future place financière régionale, tantôt site international de production industrielle Force est de constater que ces stratégies promotionnelles ont permis, certes, d'obtenir de bons résultats (amélioration de la visibilité du site), mais aussi de moins bons (pollution, dégradation de l'environnement). Au final, elles n'ont pas été assez déterminantes pour donner de la Tunisie une forte image pérenne, celle d'un site spécialisé dans un créneau structurant bien déterminé. Le désavantage de telles stratégies est justement de donner une image diffuse et éparse du site Tunisie. Pourtant, au regard des mutations rapides que connaissent les modèles de développement dans le monde, l'heure est à «la spécialisation», et ce ne sont pas les filières émergentes qui manquent. La Tunisie a ainsi tout intérêt à explorer, dans les meilleurs délais, d'autres pistes dont, en premier lieu, la piste de la production propre. Celle-là même qui consiste à prévenir la pollution intégrée aux procédés, produits et services, à réduire les risques pour la santé des êtres humains et l'environnement, à réduire la production de déchets et à en optimiser le traitement, et à éviter toutes sortes de surcoûts générés par les matières premières, eau, énergie . L'avantage macroéconomique est double : la compétitivité et la viabilité de l'économie seront inscrites dans la durée, tandis que les ressources naturelles du pays seront préservées. Les pouvoirs publics en sont conscients mais les initiatives prises, à cette fin, demeurent très timides. Le projet de production propre tunisien (PPPT) vient à peine d'être lancé (17 juin 2010). Financé par l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) et le secrétariat d'Etat Suisse à l'économie (SECO), ce projet a pour objectif de développer une expertise tunisienne en matière de maîtrise des outils basiques et services innovants de production propre (traçabilité des produits et services, responsabilité sociétale des entreprises, écologie industrielle, conformité aux normes de qualité écologiques, Ecolabel, ISO 14001 et ISO 14040). Les secteurs ciblés sont le textile, le cuir et chaussure, l'agroalimentaire, l'hôtellerie, les industries mécaniques, électriques et chimiques. L'objectif national est d'adapter, à l'horizon 2014, 500 entreprises à la norme écologique ISO 2014 et de favoriser l'émergence d'entreprises amies de l'environnement et d'activités économiques durables. Cet objectif, bien qu'il soit ambitieux, mérite d'être intensifié et optimisé d'autant plus que les bailleurs de fonds et agences spécialisées sont disposés plus que jamais à apporter, aux pays qui en expriment le désir, assistance technique et financière. L'enjeu est de taille, particulièrement pour l'industrie. Cette activité est appelée à migrer vers ce qu'on appelle l'«Ecologie industrielle» (EI). En harmonie avec la biosphère, cette activité, qui privilégie les bonnes pratiques environnementales, engrange de gains et d'avantages compétitifs certains pour les entreprises. Selon le ministre de l'Environnement et du Développement durable, M. Nadhir Hamada, les délais de retour sur investissement de la mise en place de pratiques de rationalisation de la consommation d'eau et d'énergie sont très courts. Ils sont de l'ordre de 1 à 2 mois pour l'eau et 4 mois pour l'énergie. Il a jouté que des études de benchmarking réalisées à l'échelle nationale ont montré tout l'intérêt qu'il y a pour les entreprises tunisiennes à produire propre. Ces études ont révélé que la production d'un litre de lait en Tunisie nécessite environ trois fois plus d'eau pour la production de la même quantité de lait dans les pays de l'Union européenne. De même pour le secteur de la tannerie, a-t-il-dit, la quantité d'eau nécessaire pour la production d'une tonne de cuir est deux fois supérieure à la quantité d'eau utilisée pour la production de la même quantité de cuir en Europe. Autre exemple cité par le ministre: la production d'un kilogramme de fromage en Tunisie nécessite environ 4 fois plus de quantité d'eau que celle utilisée pour la production de la même quantité de fromage dans les pays de l'Union européenne. C'est pour dire enfin que l'option pour la production propre n'est pas uniquement le choix d'un meilleur cadre où il fait bon de vivre mais également le choix d'un modèle de développement qui favorise du business propre et des gains de compétitivité.