La question qui se pose, selon M. Ayari, serait de revoir la multiplication des incitations fiscales en tant que moyen de développement économique et facteur de compétitivité en passant, d'abord, par l'amélioration du régime fiscal de droit commun. Le rôle de la fiscalité, outre le fait de prélever les financements nécessaires aux services vitaux, renforcer les institutions publiques, mobiliser les ressources budgétaires nationales et fournir aux gouvernements des recettes durables et générées à l'interne, est d'être un facteur d'incitation économique. Un régime fiscal stable, transparent et équitable est ressenti par les investisseurs comme un signe fort d'une primauté du droit. Selon Andrew Stone*, spécialiste du développement du secteur privé à la Banque mondiale, le pire dans un système fiscal est la mise en place de plusieurs instruments fiscaux qui créent peu de revenus mais ont un important coût de recouvrement, le pire également c'est la focalisation sur les entreprises régulièrement contrôlées, et l'application de taux élevés à un faible pourcentage d'entreprises, ainsi que l'existence de beaucoup d'exceptions et d'exemptions appliqués à certains secteurs d'activités. Est-ce le cas dans notre pays ? Nous ne sommes pas dans le pire des scénarios mais nous gagnerons à apporter quelques améliorations estime Kamel Ayari, car l'utilisation des trêves fiscales et des taux différentiels doivent être adossés aux performances économiques. Sans oublier le fait que l'absence de statistiques sur le nombre des mesures incitatives -comme au Maroc où elles s'élèvent à 337 et en France où elles ont atteint les 400, ce qui laisse penser qu'en Tunisie, elles se montent à pareil chiffre- fait penser à une législation mouvante, estime M. Ayari. Depuis 1993, plus de 43 articles ont été revus, accompagnés de 68 changements, ainsi que 14 lois de finances et 9 autres lois. Les bonnes intentions, au départ, du législateur n'excluent pas le fait que certaines réformes n'ont pas l'effet escompté dans la pratique, précise un expert fiscal, c'est ce qui explique que notre administration continue son programme de mise à niveau du système fiscal. Mise à niveau qui a son importance d'autant plus que les entreprises étrangères vont devenir imposables. Ce qui implique que le système fiscal corresponde aux normes internationales les plus avancées. A ce jour, pour l'investisseur, et même pour l'administration, un aussi grand nombre de réformes les rend illisibles, estime M. Ayari. «Ce n'est pas à l'investisseur de les comprendre ou de les expliquer, il faut recourir aux spécialistes qui, eux, les comprennent et ont la capacité de les mettre en pratique», rétorque l'expert fiscal. Les incitations fiscales pour l'investisseur La simplification des incitations fiscales a son importance mais elle n'est pas déterminante dans la décision de l'investisseur, car elle arrive au 6ème rang, précédée par la qualification de la main-d'œuvre et sa productivité, la taille du marché, l'infrastructure, la stabilité politique et la transparence du système, précise Kamel Ayari. Les encouragements ou les incitations mis en place par l'Etat souffriraient, d'après lui, d'une efficacité douteuse. D'autre part, dans certaines activités, les incitations sont plutôt absentes d'où des industriels convertis en commerçants importateurs (désindustrialisation). Le coût financier des incitations fiscales s'élèverait quant à lui à environ 2% du PIB, le coût de l'aide de l'Etat a presque doublé (173%) en dix ans. Quant au coût administratif et de contrôle en Tunisie, il est supérieur au taux moyen de l'OCDE (Organisation de coopération pour le développement économique). Pour équilibrer les finances publiques, on a tendance à compenser par d'autres impôts et taxes (TVA...) ce qui serait de nature à augmenter l'injustice fiscale. Le risque, selon M. Ayari, est que dans un climat de discrimination fiscale, la transparence de l'entreprise devienne une sanction, d'autant plus que la politique de rationalisation des avantages est sans cesse reportée. Devant cet état des choses, l'essentiel pour garantir une bonne politique fiscale serait, d'après Adrew Stone, de réduire les instruments fiscaux (directs et indirects) en veillant au respect de la fiscalité, de renforcer l'auto-évaluation par les entreprises avec des audits basés sur les profils de risques, de se référer à des taux comparables dans la région et largement appliqués et d'éliminer la majorité des exceptions et des exemptions. Notre pays serait, d'après les représentants de l'Administration, sur la bonne voie en la matière.