Dans une étude intitulée «Finances publiques : bilan et perspectives», des économistes tunisiens relèvent la nécessité d'engager la réflexion sur l'avenir des finances publiques, mettant en exergue la nécessité d'une meilleure mobilisation des recettes et d'une bonne affectation des dépenses publiques. Il s'agit de conduire des politiques budgétaires actives et pragmatiques qui contribuent à stabiliser la conjoncture économique tout en préservant les équilibres macroéconomiques. Synthèse. Un jour sur trois, une société travaille pour l'Etat. Et pourtant, le résultat est décevant. L'impôt sur les sociétés n'atteint que 15% des recettes fiscales de l'Etat en moyenne sur la période 2000-2010. A l'inverse, l'impôt sur le revenu représente environ 20% en moyenne des recettes fiscales sur la même période. En pourcentage du PIB, les impôts sur le revenu, ainsi que les impôts sur les sociétés sont passés respectivement de 1,5% et 1,9% en 1990 à 4% et 3,8% en 2010. Cependant, force est de constater qu'à cause des généreuses incitations fiscales à l'investissement, la part des recettes fiscales tirées des impôts sur le revenu des personnes physiques est bien plus élevée que celle provenant des entreprises. Depuis longtemps et encore plus aujourd'hui, l'assiette de l'impôt sur les sociétés est sérieusement érodée par les incitations fiscales. A l'appui de ce constat, il est fort à craindre qu'un fardeau fiscal élevé sur le revenu du travail amoindrit le pouvoir d'achat du consommateur et pourrait porter préjudice à l'équité du système fiscal et aux objectifs de répartition. Même si le rapport entre l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés tend vers l'unité depuis 2007, il demeure tout de même disproportionné. Il va sans dire donc que les incitations fiscales nécessitent une réflexion profonde et stratégique afin de les rendre plus efficaces. A ce propos, il est urgent de réviser les incitations fiscales et réduire en contrepartie le taux légal de l'impôt sur les sociétés tout en l'appliquant à une large assiette. Au même titre que les incitations fiscales, le système de taxation forfaitaire devrait faire l'objet d'une réforme en profondeur. Même si ce système a le mérite de simplifier les procédures, il réduit fortement l'assiette d'imposition et ne garantit pas l'équité dans la mesure où des activités, qui ont des marges de profit très différentes, sont taxées au même montant. Au total, la réforme fiscale doit porter essentiellement sur le renforcement de la mobilisation des recettes, la redistribution de la pression fiscale et l'amélioration de la neutralité de l'impôt. Il apparaît ainsi que le système fiscal tunisien accuse des faiblesses visibles et de régimes préférentiels multiples qui réduisent manifestement les chances d'une meilleure allocation des recettes fiscales et créent des distorsions dans le milieu des affaires. Face aux défis imposés par la révolution, des règles de gouvernance des finances publiques pour nous conduire sur un chemin vertueux s'imposent. Il est urgent de réorienter le cadre de gestion des finances publiques qui devrait être compatible avec les objectifs économiques, politiques et sociaux. Gestion budgétaire par objectif En matière de recettes, la réforme doit chercher à réduire le nombre de régimes fiscaux préférentiels, optimiser la taxation des employés (réviser le barème de l'impôt sur le revenu), réduire la multiplicité des régimes de TVA, réduire l'impôt sur les sociétés pour élargir l'assiette fiscale et réviser le système d'imposition forfaitaire ainsi que les incitations fiscales à l'investissement. En matière de dépenses, la réforme doit viser réellement à consacrer la gestion budgétaire par objectifs et à accroître la flexibilité dans la gestion des dépenses. Dans ce contexte, le passage à une gestion budgétaire par objectifs devrait permettre de relier le nouveau schéma de développement économique et social post révolution et la politique budgétaire. Cependant, et avant d'œuvrer à le généraliser à tous les ministères, il est désormais utile de mettre en place un environnement institutionnel plus efficace et de moderniser les méthodes de travail des services impliqués. Il s'agit d'améliorer les fondements et les procédures de choix dans l'allocation des ressources budgétaires publiques, puis de juger les résultats obtenus. Pour ce faire, il faut prendre des mesures rapides pour contenir la masse salariale publique en pourcentage du PIB, revoir le système d'incitation dans la fonction publique, suivre et évaluer l'efficacité des programmes d'investissement public, commencer la transition à une gestion active de la dette publique. A cet égard, trois éléments fondamentaux devraient guider la réflexion, à savoir une stratégie, une programmation et un consensus. Car une réforme des finances publiques digne de ce nom suppose des idées directrices et de la méthode. La stratégie optimale serait celle qui est fondée sur l'anticipation. Il ne serait, en effet, pas acceptable d'attendre d'être au pied du mur pour prendre en compte les défis à venir. Une telle stratégie doit combiner un examen sans complaisance de nos dépenses et de nos recettes publiques et la conduite de réformes structurelles permettant d'améliorer le sentier de croissance. Pour ce faire, de bonnes institutions et des règles de gouvernance adaptées sont indispensables pour une conduite optimale des finances publiques.