Suite aux mouvements que connaît ces derniers temps la Bourse des valeurs mobilières de Tunis, nous avons voulu en savoir davantage. Pour ce faire, nous avons contacté Ali Mellouli, DG Groupe INI, qui nous explique, entre autres, pourquoi les valeurs de fonds de portefeuille ont été entraînées dans la baisse, pourquoi l'imposition des plus-values, outre le souci d'équité fiscale, pourrait mettre un frein à la spéculation, quels en sont les risques éventuels, etc. Entretien Webmanagercenter : Le repli du Tunindex, suite à la fiscalisation des plus-values, n'est-il pas disproportionné? Ali Mellouli: Oui, sans doute. Le marché aurait, selon moi, ignoré deux éléments. D'abord, les anciens portefeuilles n'étant pas concernés par cette mesure, se trouvent à l'abri. Par ailleurs, les achats jusqu'à la date du 31 décembre 2010 y échappent également. Je ne m'explique pas cette précipitation pour vendre. Cette nouvelle mesure pouvait provoquer un mouvement d'ajustement des portefeuilles mais pas cette vague de ventes. Il y a eu de la précipitation de mon point de vue et beaucoup s'apercevront qu'ils ont raté la sortie et ont quitté le marché, dans l'urgence, de manière intempestive On peut comprendre que les valeurs spéculatives soient affectées. Mais, comment expliquer que les "blue ships" (valeurs de fonds de portefeuille) aient été entraînées dans la baisse? On peut l'expliquer par une incompréhension, tout à fait injustifiée à mon sens. Je considère personnellement que le contexte ainsi créé favoriserait les achats. Comment cela a-t-il pu échapper à la majorité des gens, épargnants et investisseurs, je me le demande. Toutefois, je présume que les épargnants qui ont un profil d'investisseur sont à l'affût, un peu en «chiens de fusil» et ne vont pas tarder à réagir et à rafler la mise. Je pense qu'ils «jouent la courbe», comme disent les cambistes, c'est-à-dire qu'ils laissent les cours se tasser au maximum avant de se manifester. C'est d'usage, sur les marchés, en pareille circonstance. Le rebond est une option tout à fait plausible. Selon vous, l'imposition des plus-values, outre le souci d'équité fiscale, serait de nature à mettre un frein à la spéculation? Le souci d'équité fiscale est tout à fait légitime et on ne peut le contester. Il pourrait contribuer à atténuer la spéculation. Mais cette dernière a du bon car elle apporte de la liquidité au marché. Que la spéculation puisse contribuer au budget de l'Etat n'est pas une hérésie, en soi. Cela fait-il peser un risque d'atonie sur le marché et à terme une fuite de l'épargne vers d'autres secteurs tel l'immobilier, par exemple? Je ne le crois pas. Le marché a connu d'autres moments de tension. Je peux citer les épisodes de 1995, et en 1996 lors de l'introduction de la cotation électronique, puis plus tard en 2003 quand a éclaté la guerre du Golfe. Mais on peut observer que les spéculateurs sont toujours là et c'est tant mieux d'une certaine façon car ils animent le marché. Personnellement, je crois à un mouvement de bouderie momentanée. L'hypothèse d'un retrait significatif me paraît éloignée. Les communications financières au 30.09.10 font état de résultats en progression pour la majorité des valeurs. Comment expliquer que cela n'a pas servi à infléchir la baisse? Les communications financières ont eu lieu après que le mouvement s'est amorcé. Je vous ferais toutefois observer que cela a contenu la vigueur de la baisse. Nous étions au début de la vague à des sommets de 20 et même 25 millions de dinars par jour. Depuis, et certainement grâce à ces communications, l'amplitude de la baisse s'est beaucoup tassée. On est passé à 10 MDT puis actuellement à 5 MDT. On a donc fait l'économie de plusieurs paliers. Toujours est-il que le marché n'a pas entièrement recouvré toute sa sérénité. Est-ce bien le poids important des "petits porteurs"? Partiellement, je dirais. J'ai pu observer, pendant le mouvement de retrait des fonds d'investissement internationaux, suite à le crise des «subprimes» et au moment de la faillite de «Lehman Brothers» que les nationaux ont offert la contrepartie et c'est la preuve que les investisseurs institutionnels et les investisseurs privés ont acquis une certaine surface conférant au marché un répondant conséquent et de la maturité. Cependant, les «petits porteurs» provoquent et entretiennent une pression à la baisse même quand ils ne dominent pas le marché. Selon vous le contexte nouveau créé par la fiscalisation ne favorise-t-il pas l'investissement en CEA? Affirmatif. Il va sans dire que cela fait les beaux jours du CEA qui connaîtra, inévitablement, un regain d'intérêt. En votre qualité de DG de SICAV, comment expliquer que les SICAV n'aient pas fait une offensive promotionnelle pour le CEA afin de récupérer les épargnants? Cela va venir. Il faut tenir compte d'un certain temps de réponse. Je pense que ce contexte nouveau fera la part belle aux SICAV dédiées au CEA. Le nouveau contexte ne vous paraît-il pas favorable à la relance de l'épargne salariale, également? C'est à l'évidence un sujet qui est à l'ordre du jour. Mais cela ne dépend pas que des autorités du marché ou des organismes de placement collectifs, c'est surtout l'affaire des entreprises. Et là, je persiste et signe, que le contexte est tout à fait propice et opportun. Selon vous, l'épargne salariale peut-elle servir de véhicule de complément de retraite? Et en ce cas, peut-elle aider au dynamisme du marché? Tout à fait. Et cela rejoint le débat actuel. C'est une piste qu'il faudra explorer et qui apportera une réponse conséquente à la question en faisant le bonheur du marché, et c'est tant mieux.