Le Centre-Ouest et le Nord-Ouest sont les régions les plus pauvres, constate l'INS dans une cartographie nationale soulignant que les inégalités entre les régions se creusent de plus en plus. Mais qui sont les régions les plus pauvres? Et au fait, c'est quoi être pauvre en Tunisie aujourd'hui ? La pauvreté et les déséquilibres demeurent toujours patents entre les régions, selon les chiffres publiés mercredi 23 septembre 202 par l'Institut National de la Statistique (INS). Les taux de pauvreté les plus élevés sont localisés dans la partie rurale des régions du Nord-Ouest et du Centre-Ouest avec 25 % pour une population de 3.471.488 personnes. Les régions les plus riches sont celles du Grand Tunis (5,3%) et du Centre-Est (11,4%).
Ainsi et selon l'INS, les gouvernorats de Kasserine, El Kef et Kairouan affichent les taux de pauvreté les plus élevés. Les trois délégations les plus pauvres appartiennent, d'ailleurs, au gouvernorat de Kasserine. Il s'agit de la délégation de Hassi Frid avec un taux de 53,5 %, suivie de Jedeliane (53,1 %) et Al Ayoun (50,1 %).
Pour augmenter le pouvoir d'achat des pauvres et améliorer leurs conditions de vie, le gouvernement a mis en place un plan de développement régional. Pas suffisant, d'autant que les inégalités se sont accentuées de plus en plus. Et comme les mesures politiques ont favorisé la compétitivité industrielle et l'ouverture commerciale, les flux migratoires vers les villes les plus dynamiques ont augmenté accentuant les inégalités spatiales.
Que veut dire alors être « pauvre » ? Il est difficile de faire la différence entre les pauvres et le reste de la population. L'INS estime que le taux de pauvreté dépend des variables économiques et éducatives. Voici comment l'INS définit alors cette notion : « La pauvreté est définie suivant deux dimensions principales, à savoir : L'insuffisance de revenus ; et le manque d'accès aux infrastructures et aux services de base comme la santé, l'eau, l'électricité, l'éducation de base… etc.» Il en ressort que le taux de pauvreté en Tunisie est de l'ordre de 15,2 % selon une base de données de 2015. L'urbanisation, le chômage, l'accès à l'infrastructure et aux services de base et l'éducation sont les principales dimensions prises en compte.
La migration interne accentue la pauvreté Sous l'effet de l'augmentation de la migration interne, le pays s'urbanise de plus en plus, souligne l'étude. Cela dit, de nouveaux problèmes liés à la pauvreté comme la prolifération des quartiers périphériques des grandes villes se sont produits à cause de ce phénomène. Toutefois, certaines études estiment que la migration interne facilite la réduction de la pauvreté car les économies basées sur l'agriculture s'ouvrent progressivement à de nouveaux secteurs à rémunération plus élevée. En Tunisie, la pauvreté est un phénomène à prédominance rurale, indique l'INS, dénotant d'une tendance inverse entre taux de pauvreté et taux d'urbanisation.
Et les chômeurs sont-ils considérés comme pauvres ? Les actifs au chômage, indique l'Institut, sont beaucoup plus souvent exposés au risque de pauvreté que les actifs en situation d'emploi. Néanmoins, il est important d'intégrer les ressources monétaires du conjoint et/ou les transferts sociaux dans l'analyse de la pauvreté, qui atténuent l'insuffisance du revenu individuel d'activité. Alors le chômage constitue l'un des facteurs aggravent la pauvreté. C'est pourquoi la corrélation simple entre le taux de chômage et le taux de pauvreté par délégation est positive.
Etre pauvre, c'est aussi ne pas avoir accès aux infrastructures de base
« La lutte contre la pauvreté exige une offre suffisante et adéquate d'infrastructures de base », soulignent les études (Craig, D., Porter, D. 2003, Dollar, D. et A. Kraay, 2000). En effet, les analyses effectuées sur plusieurs pays en développement, montrent, en effet, que la pauvreté est une fonction décroissante de l'accessibilité aux infrastructures de base. Ce qui confirme les données tunisiennes démontrant que les délégations les plus faiblement raccordées aux services de base (eau potable, assainissement, gaz, électricité) sont les plus pauvres.
Les pauvres sont aussi les sans-abri ! Sous nos cieux, il existe encore des personnes vivant dans des conditions lamentables sans compter celles vivant à la rue. Ces gens-là se sont considérés comme pauvres, selon l'étude de l'INS. Car en effet, le logement forme l'une des dimensions de la pauvreté dans la mesure où il reflète les conditions de vie d'un ménage. Dans ce sens, la cartographie montre bel et bien la relation positive entre la pauvreté et le logement rudimentaire.
Les biens et services dans les ménages sous la loupe Ne pas avoir une télé, un ordinateur ou une connexion Internet, c'est aussi l'une des facteurs de pauvreté selon la cartographie de l'INS. C'est pour cela que certains biens ou services dont disposent les ménages ont été pris en considération. Il se dégage alors que les délégations les plus pauvres sont celles qui sont les plus dépourvues de ces biens et services.
Le dur chemin vers l'école aussi ! La difficulté d'accès à l'éducation figure, selon l'INS, parmi les aspects multidimensionnels de la pauvreté. « Les familles les plus pauvres sont également celles qui ont les enfants les moins scolarisés ou qui abandonnent l'école dès le niveau primaire», confirment les études (Michaelowa, K. 2000 et Morrison, C. 2002) La relation de causalité entre l'éducation et la pauvreté est expliquée par le fait que les problèmes financiers impactent négativement la capacité des enfants à apprendre. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les enfants quittent les bancs de l'école et cherchent à travailler malgré leur jeune âge. A cet âge, l'enfant peut souffrir de faim, de fatigue et de malaise psychologique. L'exemple de Maha Gadhgadhi qui, en novembre 2019, a été emportée par les eaux d'un oued en crue alors qu'elle était sur le chemin de retour depuis son école, illustre la difficile vie éducative des enfants vivant dans les zones rurales démunies.
Retenons que les zones rurales, où se crée la richesse du pays, sont les plus touchées par la pauvreté, la priorité est d'assurer l'équilibre socioéconomique et de redoubler d'effort contre les inégalités régionales. Dans nos contrées, où les indicateurs à l'instar du taux de chômage et celui de pauvreté ne cessent d'augmenter, rompre avec les anciennes politiques qui ne donnent que les mêmes problèmes serait déjà un bon début.