Alors que la misère semble baisser dans le monde, les inégalités persistent en Tunisie où, paradoxalement au constat positif tangible sur l'amélioration de la condition humaine, la misère semble s'accentuer dans le pays d'autant plus que l'écart entre le niveau de vie de la classe moyenne et des pauvres semble se réduire dans les régions de l'intérieur. Un phénomène source de tensions qui rend compte des conditions de vie difficiles dans les contrées de l'intérieur. Il suffit de se rendre dans les régions frontalières pour se rendre compte de la misère généralisée qui est la conséquence directe de la hausse du coût de la vie et de l'incapacité des uns et des autres à joindre les deux bouts à la fin du mois, notamment pour les salariés et tout particulièrement les personnes en chômage ou vivant dans la précarité, dans les zones rurales. L'un des aspects de cette triste réalité trouve son illustration dans la prolifération du chômage, notamment parmi les diplômés de l'université. Conditions de logement très précaires Selon les chiffres de 2018 fournis par l'Institut national de la statistique (INS), la pauvreté touche actuellement près de 1,7 million de Tunisiens dont 28,4% dans la seule région du Nord-Ouest où l'on recense le plus grand nombre de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté. C'est surtout la femme qui est la plus touchée par le phénomène de la pauvreté, en ce qu'elle n'a pas un accès facile au marché du travail, excepté dans le secteur agricole où l'emploi est encore précaire et tributaire des saisons agricoles et des caprices de la nature. Même si les statistiques réelles manquent cruellement sur le marché de l'emploi et des conditions de vie, une visite dans certaines régions de Jendouba, Siliana, Kasserine montre que la réalité humaine est très difficile. Les conditions de logement demeurent très précaires au vu du nombre élevé des taudis dans les contrées rurales et même dans certains quartiers populaires qui sont devenus des ceintures rouges incontrôlables et sans infrastructure de base, notamment en matière d'assainissement et de voirie, ce qui rend plus difficile l'intégration sociale de leurs habitants et transformant ces quartiers en zones rouges où se développent toutes les formes d'exclusion et de criminalité. Dans certaines localités comme Fernana (gouvernorat de Jendouba), le développement de certaines maladies liées à la consanguinité et l'inaction d'une partie de la population livrée à la misère et au dénuement le plus total sont légion. Certains habitants nous expliquent qu'ils n'ont pas accès aux soins et qu'il leur faut parcourir plus de 15 km, souvent à dos d'âne, pour se rendre à l'hôpital de Fernana ou de Jendouba non sans peine aussi, car les moyens de transport font défaut et la route est tortueuse et présente des dangers pour les usagers, de quoi décourager même les quelques propriétaires de camionnettes de l'utiliser de façon régulière. Absence des commodités de base Le topo est le même dans d'autres localités de Kasserine où la misère est encore plus cruelle, comme à Hassi Fridh et dans certaines localités du Kef où également des propriétaires d'animaux (des ovins surtout) viennent pratiquer la transhumance. Ils débarquent dans des champs loués à la saison sur lesquels ils dressent des tentes de fortune pour y habiter, sans eau, ni autres commodités de base. Une image qui ramène le visiteur à l'ère primitive. Interrogés sur leur sort, certains ne savent rien des programmes de paix sociale et estiment même qu'il s'agit pour eux d'un simple leurre et d'un miroir aux alouettes, car ils n'ont jamais été contactés par les services sociaux de la région ce qui les pousse, le plus souvent à compter sur leurs propres moyens pour survivre, tout en sacrifiant la scolarité de leurs enfants. «A quoi cela sert de les envoyer à l'école pour les voir ensuite en chômage», nous confie un homme d'un certain âge, originaire de Kasserine, rencontré sur l'un des champs de la région de Dahmani (gouvernorat du Kef) en train de surveiller un troupeau de moutons de plus de 100 têtes. « Il faut apprendre à ses enfants à composer tôt avec les rigueurs de la vie plutôt que les envoyer à l'école», juge-t-il. Une telle réalité est tangible en ce moment dans de nombreuses régions de l'intérieur où le pâturage est abondant, mais cela ne semble pas inquiéter ces randonneurs en quête de nourriture pour leurs bêtes qui se contentent de simples frugalités et d'un minimum de nourriture pour survivre. Un rituel inlassable qui se répète d'une année à l'autre sans changements de décor.