Le retrait du projet de loi de Finances complémentaire pour 2020 après son dépôt à l'Assemblée des représentants du peuple a ravivé le débat sur l'ampleur du gouffre financier, surtout que la Banque centrale de Tunisie a signifié au gouvernement son incapacité de financer la totalité du déficit budgétaire de l'Etat de plus de dix milliards de dinars. Pour apporter de la lumière sur ces questions, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, a donné, mardi 3 novembre 2020, une conférence de presse. Il est revenu sur la situation générale du pays et en particulier la crise économique aiguë avec une récession inédite dans son histoire moderne, dans le sillage de la pandémie Covid-19. Cette conférence s'est déroulée à la Kasbah au terme d'une réunion entre le chef du gouvernement et un groupe d'experts économiques. Hichem Mechichi a d'abord signalé que la gravité de la situation socio-économique était le résultat d'un cumul de plusieurs années conjugué à l'échec de la mise en place d'une stratégie de développement capable de sortir le pays de l'ornière et offrir un futur meilleur aux Tunisiens. Notant que le gouvernement a présenté les chiffres de la loi de Finances complémentaire pour l'année 2020, en toute transparence – ce qui a dévoilé la profondeur de la crise et a donné lieu à un débat fructueux –, il a soutenu que ses équipes allaient revoir, reexaminer ces chiffres et essayer de faire pression sur certaines dépenses. « Cela ne risque pas, cependant, de réduire le déficit budgétaire », a-t-il indiqué soulignant que le gouvernement envisage d'engager de nouvelles concertations avec la Banque centrale de Tunisie (BCT). Alors que celle-ci a, rappelons, annoncé qu'elle ne serait en mesure de couvrir le déficit budgétaire de l'Etat, le locataire de la Kasbah est paru, mardi, confiant quant au rôle qu'elle peut jouer. « La Banque centrale aura un rôle positif dans le financement de ce déficit et qui, in fine, ne dépassera pas les trois milliards de dinars », a-t-il lancé, soulignant que le gouvernement comptait sur la compréhension de tous les acteurs financiers pour assurer la pérennité de l'économie nationale.
Il a nié que l'Etat soit en faillite, notant qu'évoquer cela était irresponsable. « Nous avons trouvé des solutions innovantes pour remédier à la situation à travers, notamment, l'intervention de la Banque centrale sur les bons de trésor ». Hichem Mechichi a souligné, également, que la Tunisie avait toujours pu honorer ses engagements financiers, affirmant que les efforts déployés - au niveau des projets de loi de Finances - visent, justement, à préserver ses obligations.
Le chef du gouvernement a, également, appelé à se pencher sur le projet de la loi de Finances 2021 et les réformes à engager. « Soyons positifs et focalisons-nous sur ce qui profite aux Tunisiens, notamment le retour à la valeur ‘travail', disparue depuis quelques années ». Il a assuré, dans ce sens, que le gouvernement ne tolérerait plus les arrêts intermittents de production dans certains secteurs, notamment pétrolier, ainsi que les contestations sociales et les blocages des routes sous quelque motif que ce soit. « L'arrêt de la production de pétrole prive le peuple tunisien d'une partie de ses revenus ». « Il est temps de nous unir, de travailler ensemble. Les Tunisiens aspirent à un pays où il fait bon vivre », a-t-il relevé.
Le locataire de la Kasbah a ajouté que l'Etat avait largement avancé dans les négociations avec les parties sociales avant de signaler que l'arrêt de production ne peut perdurer. « Nous passerons à l'application de la loi et nous imposerons l'autorité de l'Etat », a-t-il lancé.
Interrogé sur l'impact de la crise Covid-19, il a indiqué que le manque en recettes financières avait atteint les sept milliards de dinars sans parler des deux milliards dépensés durant la crise. Il a fait savoir, dans ce même contexte, qu'il avait signé un arrêté afin de pallier les blocages bureaucratiques au niveau des achats nécessaire à la lutte contre la pandémie Covid-19. Une commission dédiée sera ainsi à présent chargée de cette mission.
Interpellé sur l'attaque au couteau à Nice, Hichem Mechichi a réitéré ses condoléances au peuple français indiquant que la Tunisie avait des accords avec la France réglementant l'immigration et le rapatriement des ressortissants tunisiens. « Certes l'assaillant est Tunisien, mais notre partenaire français est tout à fait conscient du fait que le terrorisme n'a rien à voir avec la nationalité, la religion ou la patrie ».
Par cette apparition médiatique qui, notons-le, a eu lieu après 45 minutes de retard, Hichem Mechichi a souhaité confesser au peuple tunisien le marasme économique auquel fait face le pays. Il a cependant fait l'impasse sur les détails « des solutions innovantes » que son gouvernement avait, semble-t-il, trouvé pour mettre un terme à l'hémorragie financière, laissant ainsi, les spectateurs et auditeurs sur leur faim.