Finalement, Abir Moussi a dû abdiquer face à la police qui a reçu l'ordre d'enlever les tentes et de faire lever le sit-in qui a duré quatre mois. L'ordre est venu d'en haut. De Hichem Mechichi, chef du gouvernement et ministre de l'Intérieur par intérim ? Non, d'encore plus haut. L'ordre de balayer les tentes de Abir venait du parti islamiste Ennahdha dont d'éminents représentants étaient mobilisés sur le terrain. C'est un coup dur pour la présidente du PDL qui défendait une cause qu'elle croyait juste. Son sit-in était là pour défendre l'Etat de droit où il ne devrait pas y avoir de place à des associations au financement occulte et aux objectifs pernicieux. Pour elle, et c'est exagéré, l'Union internationale des Oulémas musulmans est une association qui finance le terrorisme. C'est à cause d'elle que des centaines de Tunisiens sont partis faire le jihad chez Daech. Il n'y a rien qui étaie ses dires ? Peut-être. Mais il y a des faits. Cette association fait partie de la nébuleuse islamiste, c'est la raison pour laquelle Abir Moussi a choisi d'installer ses tentes et d'organiser son sit-in. C'est d'ailleurs grâce à cela qu'elle a pu obtenir une autorisation légale pour installer ses tentes et son sit-in. Ce qui est établi, c'est que l'Etat tunisien ne sait rien des origines du financement de cette association. Il ne sait rien non plus où va son argent. Dans un Etat de droit, ces deux points sont suffisants pour que l'Etat se penche dessus, surtout quand une députée crie au feu. Pour balayer les critiques, la présidence du gouvernement a envoyé un courrier de mise en demeure à l'antenne tunisienne de l'Union internationale des Oulémas tunisiens la sommant de publier ses comptes. Lettre morte, les islamistes de l'association ont envoyé la présidence du gouvernement balader. C'était suffisant pour que Abir Moussi monte d'un cran et pénètre de force le siège de l'association. La goutte de trop, les islamistes de l'association ont décidé, eux aussi, de monter d'un cran et de faire appel à leurs soutiens au pouvoir. Ennahdha est appelé au secours. Le parti de Rached Ghannouchi envoie ses sbires de la coalition Al Karama pour faire le travail. Le mot est donné de faire lever de force le sit-in et les tentes. La tentative échoua dans la nuit du mardi au mercredi 10 mars. Bis repetita dans la nuit du mercredi au jeudi, mais cette fois ce ne sont pas les sbires d'Al Karama qui font le travail, mais la police de l'Etat. En dépit de l'autorisation en bonne et due forme entre les mains de Abir Moussi, le sit-in est levé de force. Les islamistes sont au premier rang, en dépit du couvre-feu, pour applaudir et crier victoire. Ce qu'ils n'ont pas pu réaliser tous seuls la veille, la police l'a fait pour eux.
C'est une évidence, le ministère de l'Intérieur et le gouvernement sont devenus des marionnettes entre les mains de Rached Ghannouchi. Le « cheikh » leur fait faire ce qu'il veut. Ce n'est pas une première. Le gouvernement est toujours là pour soutenir les boutiques islamistes suspectes. Il n'y a pas que l'UIOM qui est suspectée de financement opaque et accusée (sans preuves) de terrorisme, il y a aussi la chaîne Zitouna TV et la chaîne Nessma qui sont dans la même configuration. La Haica, gendarme de l'audiovisuel tunisien, demande depuis des années la fermeture de ces chaînes et l'application, par le gouvernement, de ses décisions. Rien à faire. A ce jour, on ignore comment ces deux chaînes paient des centaines de milliers de dollars (ou d'euros) pour payer les droits satellitaires. Pire que Nessma, la chaîne Zitouna n'a même pas de publicité et on ignore tout de son financement. Comment l'Etat autorise-t-il des transferts de devise de cette importance pour des chaînes officiellement illégales ? On l'ignore. Le fait est que ces deux chaînes sont de proches soutiens aux islamistes. Il n'y a pas qu'elles. La station radio du Saint Coran est également dans l'illégalité. La Haica a demandé sa fermeture et la levée de ses antennes. L'Etat laisse faire puisque le fondateur de cette station est le député islamiste Saïd Jaziri.
Ceci est un fait, encore un, la Tunisie fait partie des pays qui ont le plus envoyé de terroristes à Daech. En dépit du scandale, en dépit des multiples attentats terroristes en Tunisie et en Europe, l'Etat tunisien ne fait rien contre les donneurs d'ordre et ceux qui lavent les cerveaux. Périodiquement, on annonce ici et là, l'arrestation de suspects de terrorisme. Mais on oublie que ces suspects sont les marionnettes de chefs en col blanc confortablement installés dans les hautes sphères du pouvoir. Ces chefs sont régulièrement dénoncés par Abir Moussi et quelques médias, mais l'Etat fait la sourde oreille, en dépit des preuves. En l'espace d'une semaine, le président d'Al Karama, Seïf Eddine Makhlouf est sorti publiquement deux fois pour défendre des personnes suspectées de terrorisme et poursuivies par les brigades anti-terroristes. L'avocat-député a ainsi publié hier un post Facebook pour dénoncer l'arrestation de l'avocat Bassem Hamrouni suspecté d'être impliqué dans des actions terroristes. Samedi dernier, c'est le « cheikh » Sami Jendoubi qu'il défendait. Ce cheïkh a été interpellé par la brigade anti-terroriste de Sousse. Il a fait de la prison avant et après la révolution. C'est un imam salafiste qui est suspecté d'avoir envoyé des centaines de nos jeunes à Daech. Mais peu importe, pour Seïf Eddine Makhlouf, ses amis sont innocents de toute accusation de terrorisme tant qu'ils n'ont pas été condamnés. Idem pour son autre ami Seïf Eddine Raïes, ex porte-parole de l'organisation terroriste Ansar Chariâa. Le député se targue de n'avoir jamais défendu des terroristes. Ceci est vrai. Mais il défend bel et bien des centaines de suspects de terrorisme. Le fil entre les deux est à la fois mince et épais.
En tout état de cause, le PDL de Abir Moussi est adepte de la première règle et, à ses yeux, elle défend ainsi la Tunisie républicaine contre la nébuleuse islamiste. Une nébuleuse qui, comme la mafia, sait jouer des lois et/ou de ses entrées, parmi les hommes du pouvoir, pour faire son chemin. Sauf qu'à la différence de la mafia, les hommes du pouvoir ne se targuent pas de soutenir ouvertement une nébuleuse dont les violations de la loi sont établies. Aujourd'hui, très peu dénoncent cette nébuleuse. Sous l'hémicycle de l'assemblée, il n'y a que le PDL et Attayar qui dénoncent régulièrement la nébuleuse islamiste et ses dangers sur la société tunisienne et l'Etat tunisien. A Carthage, Kaïs Saïed s'est positionné clairement contre la nébuleuse, mais sa marge de manœuvre reste très limitée en raison de ses prérogatives restreintes. Au gouvernement, et ceci est devenu clair depuis hier avec la levée forcée du sit-in légal de Abir Moussi, Hichem Mechcihi se positionne ouvertement du côté des islamistes, de Rached Ghannouchi et de Seïf Eddine Makhlouf.