Le président de Machrouu Tounes, Mohsen Marzouk, a rappelé que son parti avait appelé à un changement de régime depuis plus de deux ans. « Ceux qui n'ont pas assuré avant le 25 juillet 2021, ne pourront pas le faire après. Ennahdha n'a pas compris le message derrière le 25 juillet, le peuple s'est opposé à sa politique. J'avais mis en garde contre un soulèvement populaire, et le peuple a fini par manifester et définir ses attentes », a-t-il déclaré. « Maintenant, nous devons nous focaliser sur l'avenir. La situation est floue… Nous attendons la formation du gouvernement mais ce qui est plus important reste le passage à un nouveau système », a poursuivi Mohsen Marzouk lors de son passage sur les ondes de Shems FM, aujourd'hui mardi 17 août 2021. Citant l'exemple de la feuille de route proposée par le parti Attayar, Mohsen Marzouk a critiqué l'absence de mécanismes assurant le passage à une troisième République. « Ils se sont contentés d'évoquer les arrestations de corrompus… Ils ont, seulement, évoqué les questions relatives à la période d'avant 25 juillet 2021… Pour ce qui est de la corruption, elle ne concerne pas seulement l'enrichissement de leaders politiques. Nous ne devons pas oublier les affaires de terrorisme et d'envoi des Tunisiens en Syrie… A un certain moment, la Tunisie, sous l'influence de décisions étrangères, est devenue une plaque tournante du terrorisme ! Qui a permis à des milliers de Tunisiens de rejoindre ces réseaux ? Qui en est le responsable ? Qu'est-il de l'enquête sur l'attaque de l'ambassade des Etats-Unis ? Qui est derrière les assassinats ? », s'est-il interrogé. Il a, ainsi, expliqué qu'il faut toujours se rappeler les raisons derrière le soulèvement populaire et les mesures exceptionnelles annoncées par le président de la République le 25 juillet 2021.
« Dire qu'il faut exclure la classe politique n'a pas de sens ! Tous ceux qui se donnent à la politique ou en parlent font partie de la classe politique ! Le président de la République fait partie de la classe politique ! Pareil pour le frère du président, les municipalités, les délégués, les partis et les médias… », s'est-il exclamé. « Concernant la dissolution des partis politiques, je me rappelle qu'une fois un groupe d'individus avait évoqué la chose avec moi. Lors de nos échanges, ils m'ont confirmé qu'ils se réunissaient régulièrement pour débattre de l'actualité. Ils m'ont, également, expliqué que ce qui les unissait était un ensemble d'idées et de programmes. Je leur ai expliqué qu'ils avaient créé un parti sans le savoir. Ils leur manquaient seulement l'autorisation de la part des autorités tunisiennes… Actuellement, nous avons des partis parallèles… Cette idée de supprimer les partis avait vu le jour avec Mouammar Kadhafi ! Voulons-nous marcher sur les pas de ce dernier ? », a-t-il déploré.
Par la suite, Mohsen Marzouk a critiqué l'interdiction de voyage des politiciens et hommes d'affaires. Il a estimé qu'il s'agissait d'une atteinte aux droits humains. « Nous pouvons par exemple décider de dissoudre notre parti, tout en continuant à opérer sur le terrain. Ainsi, nous ne serons pas concernés par le contrôle de financement et des interdictions de voyage ! », a-t-il affirmé. Mohsen Marzouk a estimé que cette situation de mesures exceptionnelles pourrait pousser les gens à s'opposer au passage à la troisième République. « L'application de l'article 80 de la Constitution n'est pas sans limite. Il faut respecter les droits humains. Pour ce qui est des individus faisant l'objet d'enquêtes ou de suspicions, il suffit d'établir une liste et leur expliquer les raisons d'interdiction de voyager. Les ennemis de la troisième république sont ceux qui gouvernaient avant le 25 juillet. Ils sont en train de trouver des alliés au sein des hommes d'affaires faisant l'objet d'interdiction de voyager et autres mesures. Ennahdha essaie de contenir la situation en se présentant comme un allié au président et favorable à une rectification du processus démocratique. Ennahdha cherche à trouver un nouvel accord. Pour ce qui est du président de la République, plus le temps passe, plus il aura d'ennemies et des lobbys se formeront à cause de l'absence de clarté. Le président de la République doit envisager des alliances et créer un bloc populaire patriote afin de passer à la troisième République et mettre en place un système présidentiel garantissant les droits et les libertés », a-t-il expliqué. « Nous devons nous libérer de la colonisation interne ! Le peuple s'est soulevé contre les partis au pouvoir responsables de cette colonisation… Ce soulèvement doit, également, porter sur la bureaucratie et la corruption qui rongent le pays, ainsi que sur les choix économiques qui n'ont pas changé depuis les années 70 », a-t-il ajouté. Mohsen Marzouk a, aussi, estimé qu'il existe deux solutions pour passer à la troisième République. Le président peut créer une équipe de travail puis passer à un référendum. « Cette approche manque de légitimité et le processus sera entaché », a-t-il estimé. La deuxième solution, selon lui, serait la collaboration avec les organisations nationales et la société civile afin de légitimer le processus. Ces dernières présenteront une proposition de réforme du système électoral et de révision de la Constitution. Enfin, Mohsen Marzouk a affirmé que la Tunisie doit présenter rapidement son programme et aller vers le changement afin d'éviter toutes ingérences étrangères. « Le président doit multiplier les alliances autour d'une feuille de route claire », a-t-il conclu.