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La takhmira du président Kaïs Saïed
Publié dans Business News le 30 - 08 - 2021

Trente-six jours depuis que le président de la République a annoncé ses décisions historiques et la Tunisie n'a toujours pas de parlement ni de gouvernement, ne sait pas où elle va, faute de feuille de route et tarde encore à attraper les corrompus et les spéculateurs. Certains sont interdits de voyage, d'autres sont assignés à résidence et personne ne sait pourquoi ces mesures liberticides ont été décidées.
Sur le fil de l'actualité, le candidat du second tour de la dernière présidentielle, Nabil Karoui, a été arrêté avec son frère le député Ghazi Karoui. On les a trouvés dans un appartement à Tebessa, à l'est de l'Algérie à quelques encablures de la frontière tunisienne. Ils n'étaient pourtant pas recherchés en Tunisie, mais figureraient, comme des centaines (ou des milliers, on n'en sait rien) d'autres Tunisiens depuis le 25-Juillet, sur le fichier des interdits de voyage. Peu importent les raisons, l'essentiel est que ça plaise aux Tunisiens qui en ont ras le bol du népotisme et de la corruption de la classe politique.
Sur le fil de l'actualité toujours, on a arrêté un autre candidat à la présidentielle, Slim Riahi. Celui-là, il allait se la couler douce sur la splendide île grecque Mykonos quand on a découvert qu'il était recherché par Interpol sur demande de la Tunisie. Il a beau jurer qu'il n'est ni corrompu, ni criminel, personne ne va le croire.
En Tunisie post 25-Juillet, si tu es homme d'affaires ou homme politique, tu es systématiquement suspect de corruption, de spéculation, de fraude. Peu importent les preuves, peu importe la présomption d'innocence, on t'empoisonne la vie d'abord, on verra le reste ensuite.

Ça ne vous rappelle rien ? Cette chasse aux sorcières qui ne dit pas son nom rappelle exactement ce qui s'est passé au lendemain du 14 janvier 2011.
C'est le même scénario qui se répète, seuls les acteurs ont changé.
A l'époque, on a dit que le peuple s'est soulevé contre le régime de Ben Ali. Un régime qui se considérait légitime et démocratiquement élu. A l'époque, on a balayé d'un trait le gouvernement et le parlement qui va avec, pour entamer une véritable chasse aux sorcières contre ses figures notoires et les hommes d'affaires qui ont eu le culot de réussir leur business sous l'ancien régime.
Dix ans après, 2021, bis repetita, on dit que le peuple s'est soulevé contre le régime politique actuel, son gouvernement, son parlement et sa constitution. Comme l'ancien régime, le régime actuel aussi se considérait légitime et démocratiquement élu. Peu importe comment il se considérait, le peuple n'en voulait plus, allez ouste, du vent ! Maintenant, on entame la chasse aux sorcières et on s'attaque aux hommes d'affaires et aux figures notoires du monde politique et celui des affaires.
En 2011, ce sont les CPR et les islamistes assistés par une ribambelle d'avocats qui menaient la chasse, aujourd'hui c'est Kaïs Saïed qui dirige le troupeau. Dans un cas comme dans l'autre, on applaudit la nouvelle classe dirigeante et on s'en prend à tous ceux qui disent : « ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain » pour les lyncher et les inviter à se taire.

Kaïs Saïed est applaudi, acclamé, adulé. Avec plus de 90% de popularité, notre président fait jalouser tout dirigeant politique sur la planète. Sa stratégie fonctionne, sa politique plaît. Gare à celui qui ose le critiquer ! Il s'est attaqué aux islamistes et il va en finir avec les corrompus. On va voir ce qu'on va voir !
Maintenant que cela a été dit, venons-en aux faits qui ont le mérite d'être têtus. Qu'est-ce qu'on a vu après 36 jours ? Rien ! Absolument rien. « Ah non, il faut lui laisser du temps ! On ne peut pas régler en un mois le désastre de dix ans de corruption ! », répondront les aficionados qui en savent toujours mieux que les autres. D'accord, laissons-lui le temps et venons-en aux actions, plutôt que les faits. Qu'a fait le président ?
Le 29 juillet dernier, il a reçu le président de la Centrale patronale Samir Majoul à qui il a proposé une amnistie des hommes d'affaires. En contrepartie, il est question qu'ils « rendent » les 13500 milliards (il n'a pas précisé s'il s'agit de dinars, de millimes, d'euros ou de dollars) qu'ils auraient dérobés. Cela fait un mois que le président a raconté cette histoire, où en est-on aujourd'hui ? Y a-t-il eu un seul homme d'affaires qui a rendu un dinar ? Il y a un mois, Business News écrivait que Kaïs Saïed ne verra jamais les 13500 milliards dont il parle et tentait de démontrer pourquoi. A coup d'injures, les aficionados attestaient du contraire et de la justesse de la vision présidentielle. Vous allez voir ce que vous allez voir, disaient-ils. Trente-six jours après, on n'a toujours rien vu.
Le 11 août, Kaïs Saïed est allé à un entrepôt de pommes de terre et s'est élevé contre le stockage massif, à des fins de spéculation, des denrées alimentaires. Devant la caméra, il s'est mis en colère, a juré et a vociféré à souhait. Vous allez voir ce que vous allez voir, nous promettait-il. Vingt jours après, on n'a rien vu. Les prix sont restés les mêmes. La raison est toute bête, il n'y avait point de spéculation ou de stockage illégal. Mais là personne n'en parle, car on est déjà passés au spectacle suivant.
Le 20 août, le président s'est rendu à un dépôt de ventes de matériaux de construction. Il a montré sa grande colère, il a juré et a vociféré promettant que la loi allait être appliquée à tous les contrevenants. Ici aussi, on allait voir ce qu'on allait voir. Dix jours après, on n'a rien vu.
Le 28 août, il est allé constater la saisie de trente mille tonnes de fer qui auraient été stockées à des fins de spéculation. Rebelote, il jure et vocifère et promet de traquer les spéculateurs. Dès le lendemain, les spécialistes en la matière objectaient en affirmant que la quantité saisie et montrée aux caméras est très banale et représente à peine quelques jours de stockage. Qu'il n'y a absolument rien d'illégal là-dedans. Peu importe, les aficionados applaudissent et s'en prennent systématiquement à tous ceux qui les invitent à avoir un peu de jugeote, à faire valoir la raison.

Kaïs Saïed est fort, très fort. Il n'a aucune stratégie de communication digne de ce nom, il n'a même pas de responsable de communication, et pourtant il réussit, à chacune de ses sorties, à se faire acclamer par des masses. Ses décisions et ses jurons sont observés avec béatitude. On le regarde comme le Messie. Ce que fait Kaïs Saïed est dans l'air du temps et porte un nom : populisme.
Peu importe la concrétisation de ses décisions, l'essentiel est d'assurer le spectacle.
Concrètement, et depuis le 25 juillet, il n'y a rien eu d'accompli. Pas de gouvernement, pas de parlement, pas d'emprisonnement de figures notoires de la corruption (exception faite de Fayçal Tebbini et de Lotfi Ali qui demeurent innocents jusqu'à leur procès) et il ne s'est pas du tout attaqué à la véritable spéculation et à la source même de la corruption.
Des exemples de spéculation notoire ? Le tabac que vendent ces milliers de contrebandiers à des prix supérieurs à 20% de leur prix réel. Ils assèchent le circuit formel (les débits de tabac patentés) et alimentent ceux du circuit informel (vendeurs de fruits secs principalement).
A l'origine de la corruption, il y a les autorisations et les patentes. C'est grâce à elles que la corruption existe et que certains essaient d'obtenir des passe-droits. Si l'Etat veut en finir avec la corruption et la spéculation, il n'a qu'à retirer les milliers d'autorisations qu'il impose aux investisseurs. Il les remplace par des cahiers des charges et libéralise le marché qui s'autorégulera tout seul, comme cela s'est fait dans tous les pays développés, absolument tous. En cas d'entente entre les acteurs (ce que l'on appelle un cartel), l'Etat régule avec ses contrôles (via son conseil de la concurrence) ou en alimentant le marché par des produits qu'il importe lui-même. Mondher Zenaïdi, ancien ministre du Commerce, faisait toujours cela et on se rappelle encore comment les éleveurs spéculateurs s'arrachaient les cheveux face à la concurrence des moutons importés par l'Etat.
Pour en finir avec la corruption politique, il faut juste sévir contre ceux qui ont déjà commis des infractions. Il suffirait d'ouvrir le rapport de la cour des comptes et d'appliquer ses directives. On a toute une liste de partis et de personnalités politiques qui ont été épinglés pour des fraudes électorales et du financement illégal de campagne.
Il s'agit là de tous petits exemples sur des milliers qui existent et que tout le monde connait.

Où en est Kaïs Saïed de tout cela ? Nulle part. Il fait du show, il cherche les applaudissements de ses aficionados comme une instagrameuse cherche les like.
Deux lectures possibles expliquent ce comportement.
Soit il est mené en bateau par les différents services de l'Etat qui lui présentent des spéculateurs fictifs, pour lui montrer qu'ils travaillent. Dans ce cas, la sincérité de Kaïs Saïed s'apparente à de la naïveté et il est temps qu'il arrête de se faire intoxiquer par des rapports fallacieux et orientés.
Soit il n'a aucune solution concrète pour résoudre les problèmes épineux de l'Etat et il nous offre des calmants avec ses visites nocturnes spectaculaires. En occupant la galerie par ces shows, on ne l'interroge plus sur le gouvernement, sur la feuille de route et sur des solutions concrètes et faisables qui résoudraient les problèmes économiques et politiques du pays.
Aux aficionados amusés par la takhmira* du président de décider à quelle catégorie appartient leur idole. Le naïf crédule mené en bateau par les services de l'Etat ou le malin qui leur offre du chewing-gum pour leur faire oublier qu'ils sont atteints d'un cancer.


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