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Pourquoi Kaïs Saïed ne verra jamais les 13500 milliards dont il parle
Publié dans Business News le 29 - 07 - 2021

Le président de la République a reçu mercredi 28 juillet, le président de la centrale patronale, Samir Majoul pour lui faire part de son projet d'amnistie visant 460 hommes d'affaires véreux. Ils auraient dérobé, d'après les dires du président, quelque 13500 milliards et les invite à les injecter dans les régions défavorisées en contrepartie d'un ticket de pardon. Le montant ne sera pas considéré comme un investissement à but lucratif. L'argent sera déboursé pour des projets utiles à ces régions, tels des écoles, hôpitaux, infrastructures, etc.
L'intention du président de la République est incontestablement bonne. Elle brille cependant par sa naïveté et laisse sceptique n'importe quel économiste ou observateur attentif du paysage politique et économique tunisien.
Les raisons de ce scepticisme sont nombreuses, à commencer par le montant indiqué. 13500 milliards de quoi ? Le président parle en dinars (monnaie officielle de la Tunisie) ou en millimes ?
Si Kaïs Saïed parle en milliards de dinars, cela est insensé. Quand on sait que le PIB de la Tunisie en 2019 est de l'ordre de 110 milliards de dinars, le montant dérobé serait de 122 fois toutes les richesses créées par l'ensemble des Tunisiens. Il serait de deux fois supérieur à toutes les richesses créées par les Français. C'est juste impossible, car même s'il est dérobé, cet argent serait visible à l'œil nu dans l'économie nationale.
Vraisemblablement, donc, Kaïs Saïed parle en millimes et utilise donc du populisme primaire pour s'exprimer, afin d'impressionner son auditoire qu'il pense analphabète. On parle donc de 13,5 milliards de dinars.
Pour étayer ses propos, Kaïs Saïed a montré à Samir Majoul le rapport de 2011 de Abdelfattah Amor, président défunt de l'ancienne commission d'investigation sur les faits de corruption et de malversation.
Ce rapport, que le président présente comme bible, a été fortement critiqué lors de sa publication. Plusieurs voix se sont élevées contre la légèreté de son contenu et la rapidité de sa rédaction. Business News faisait partie, à l'époque, des rares médias à l'avoir dénoncé et à dire « en lisant le rapport, on peut dire qu'il y a de quoi avoir honte de ce travail ».
Ce rapport de 350 pages, publié fin octobre 2011, est un document à charge contre l'ancien régime et les hommes d'affaires en vue. Il est parti du postulat que ces personnes sont coupables et s'est amusé à recueillir toutes les pièces qui pouvaient étayer ce postulat, sans pour autant investiguer à décharge. Il y a carrément de la mauvaise foi quand on sait que certaines personnes incriminées ont donné à la commission leurs réponses aux faits reprochés, mais ces réponses n'ont curieusement pas été publiées. On ne compte plus, dans ces 350 pages, les approximations, le conditionnel, les suspicions basées sur le « on dit que »… On ne compte plus les faux témoignages d'anciens caciques tombés en disgrâce pour des faits suspects et qui se sont découverts, soudainement après 2011, une âme révolutionnaire.

Vu la chasse aux sorcières lancée à l'époque contre les figures notoires de l'ancien régime, ces personnes épinglées dans le rapport de Abdelfattah Amor se sont toutes retrouvées devant la justice. Toutes sans exception. A quelques exceptions près, elles se sont toutes retrouvées innocentées, car elles ont réussi, après des années, à prouver leur intégrité et la sincérité de leurs comptes.
Le premier à avoir été face à la justice et qui a été rapidement innocenté, est Hédi Djilani, ancien président de la centrale patronale. Ce sont des dizaines, voire des centaines, d'hommes d'affaires comme lui qui ont prouvé l'origine légale de fonds soi-disant dérobés. D'autres subissent encore, en 2021, les affres de la justice qui n'a pas réussi à prouver leur culpabilité ou l'origine douteuse de leur fortune, mais qui ne les lâche toujours pas, puisque l'Etat multiplie les recours pour saisir leurs biens coûte que coûte.
Autre élément présent dans le rapport de Abdelfattah Amor, qui a bien glorifié le chiffre des montants dérobés, c'est une liste de crédits bancaires souscrits par quelques centaines d'hommes d'affaires. Il s'agissait d'encours ordinaires que n'importe quelle entreprise, n'importe quel homme d'affaire et n'importe quel citoyen peut obtenir. On ne parle même pas de créances classées ou carbonisées, on parlait de crédits en cours dont le paiement mensuel se faisait de la manière la plus ordinaire. Sauf que voilà, on lit que ces montants sont dérobés et on présentait une liste nominative des gens qui n'auraient pas payé leurs crédits bancaires. On oublie juste que ces crédits étaient accompagnés de garanties réelles (hypothèques généralement) et que même s'ils roulaient leurs banques, l'Etat n'a rien à voir avec cela. C'est un conflit ordinaire entre un client mauvais payeur qui n'a pas honoré son crédit et sa banque.
Autre élément du rapport, le montant fort hypothétique de 13,5 milliards de dinars englobe également les entreprises confisquées des figures du régime de Ben Ali.
Certaines de ces entreprises sont déjà vendues (Ennakl (Volkswagen, Seat, Audi, Porsche, Skoda), Tunisiana (Ooredoo), Alpha Hyundai, Alpha Ford, City Cars (Kia), etc) et ont rapporté de gros montants à l'Etat. Des montants rapidement injectés dans le budget de fonctionnement de l'Etat, alors qu'ils auraient dû être injectés dans des projets d'investissement.
D'autres entreprises tardent encore à être vendues et ont énormément perdu de leur valeur depuis dix ans. L'Etat a dû injecter des montants énormes pour résorber leur déficit abyssal durant toutes ces années. C'est entre autres le cas d'Assabah, de Zitouna FM ou de Shems qui vient d'être cédée il y a quelques semaines.
On ne peut pas nier, cependant, que le rapport de feu Abdelfattah Amor a cité des hommes d'affaires qui sont bel et bien véreux. Sauf que voilà, quand on connait la corruption politique dont s'est distingué le pays ces dix dernières années, combien parmi ces hommes d'affaires véreux ont réussi à se refaire une virginité et à se blanchir juridiquement, grâce aux montants colossaux qu'ils ont versés aux partis politiques. Sans citer personne, c'est un secret de Polichinelle que de dire que quasiment aucun parti politique n'a échappé, ces dix dernières années, à l'argent sale de ces hommes d'affaires véreux et des contrebandiers.
Dernier élément du rapport, des fortunes qui seraient placées à l'étranger. Il se trouve que l'Etat tunisien n'a toujours pas réussi à ramener ces fortunes, ou très peu. Il a ainsi pu rapatrier quelques modestes millions de dollars du Liban, mais ça s'arrête là. Il y a une soixantaine de millions de francs suisses en Suisse, mais l'Etat s'est embourbé dans les méandres de la justice suisse et n'a rien pu récupérer, malgré l'aide substantielle de l'Etat suisse pour faire face aux procédures complexes.
En France, il y a quelques biens immobiliers dont la valeur hypothétique est inscrite dans les 13,5 milliards de dinars, mais on n'a aucun montant officiel, réel et réaliste. Pire, les propriétaires de certains de ces biens ont réussi à prouver à la justice française que leur fortune est acquise légalement.
A ces deux exceptions près, on n'a aucune idée du véritable montant des fortunes confisquées qui se trouvent à l'étranger.

Pour résumer, le montant de 13,5 milliards englobe des montants de crédits bancaires qui ont déjà été honorés, pour la plupart, par les intéressés ; des entreprises qui ont déjà été cédées ou qui ne valent plus grand-chose ; de fortunes soit disant mal acquises, mais dont les propriétaires ont réussi à prouver, ou continuent à prouver, l'origine légale ; des montants qui ont été blanchis ces dix dernières années par des partis et des hommes politiques véreux et, enfin, des montants réellement dérobés et que l'Etat peine à récupérer.
On rajoute à tout cela, les montants qui auraient été dérobés par d'anciens membres de la famille Ben Ali, mais ces derniers n'ont pas réussi à les rembourser, car ils sont en faillite. C'est le cas par exemple du gendre de Ben Ali, Slim Chiboub, qui se trouve actuellement en prison, parce qu'il a échoué à réunir les sommes que lui a dictées l'IVD et qu'il devait verser à l'Etat.
Pour mettre les choses dans leur contexte, il y a eu une véritable cabale et une véritable chasse aux sorcières en 2011. Sans remettre en doute l'intégrité de feu Abdelfattah Amor et des membres de sa commission (qui ont agi par bonne foi, mais aussi par amateurisme et parmi lesquels se trouve Hichem Mechichi), leur rapport s'inscrivait totalement dans cette chasse aux sorcières. Il y a du vrai dans ce qui est écrit, mais il y a beaucoup de faux. Il y a bien eu des montants dérobés et des biens mal acquis, mais le total est fortement amplifié.
C'était la révolution et toute l'effervescence qui allait avec. C'était aussi l'opportunisme politique de plusieurs dirigeants, notamment les CPR et les islamistes, qui ont monté en épingle ce rapport et ces montants pour diaboliser l'ancien régime et justifier leur propre existence.

Dix ans après, Kaïs Saïed ne peut pas prendre pour de l'argent comptant le contenu de ce rapport. Il ne peut pas parler sérieusement de restitution et d'investissements dans les régions, car les montants évoqués dans ce rapport n'existaient pas, n'existent plus, ont déjà été payés, n'ont plus la même valeur.
Il ne peut pas se permettre d'agir comme les CPR, s'il est réellement de bonne foi et a de bonnes intentions pour résoudre les problèmes économiques du pays.
Un jour ou l'autre, il va inévitablement se rendre compte de la supercherie de ce rapport et de l'absence de tout fondement concret de ce qu'il a avancé hier à Samir Majoul, parce qu'il va faire face à la réalité du terrain.
Avant la désillusion générale, et la déception des millions de citoyens qui l'applaudissent aujourd'hui, Kaïs Saïed a intérêt à consulter de sérieux économistes avant d'avancer sur des terrains glissants et totalement méconnus pour l'ancien universitaire qu'il est.

R.B.H.


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