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Grâce à l'économie des primes des magistrats, la Tunisie n'a plus besoin d'aller au FMI !
Publié dans Business News le 20 - 01 - 2022

Avec un déficit budgétaire d'une bonne vingtaine de milliards de dinars, une loi de finances bâclée basée sur un prix du baril de pétrole à 75 dollars (il est déjà à 85$ au 18 janvier) et un énième crédit hypothétique du FMI, des problèmes structurels et conjoncturels innombrables, le président tunisien Kaïs Saïed a trouvé la parade pour résoudre tous les problèmes d'un coup : il annule la prime auto-octroyée aux membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de quelque 2364 dinars et 400 litres de carburant. Sur les réseaux sociaux, on a rebondi avec ironie sur cette décision, annoncée mercredi 19 janvier, « pour sûr, la Tunisie n'a plus besoin de prendre un nouveau crédit au FMI puisqu'elle va réaliser des économies substantielles maintenant qu'elle a supprimé cet avantage aux membres de la plus haute instance judiciaire du pays ».
Loin de tout sarcasme, la décision de Kaïs Saïed de supprimer la prime aux magistrats du CSM est contraire à, au moins, deux articles de la constitution, à savoir l'article 109 qui proscrit toute ingérence dans le fonctionnement de la justice et l'article 113 qui mentionne que « Le Conseil supérieur de la magistrature est doté de l'autonomie administrative et financière et de la libre gestion de ses affaires. Il élabore son projet de budget et le discute devant la commission compétente de l'Assemblée des représentants du peuple ».
Sauf que Kaïs Saïed, par son décret 117, s'est assis superbement sur la constitution. La Tunisie devient-elle un Etat de non-droit ? C'est le cas de le dire. Après avoir suspendu l'assemblée et limogé le gouvernement, Kaïs Saïed attaque frontalement les magistrats depuis des mois.

Dans sa ligne de mire, le CSM qui a déclaré à maintes reprises son refus catégorique de toute réforme du système judiciaire à travers les décrets. « Par sa décision du 19 janvier, Kaïs Saïed veut punir le CSM car il a refusé son ingérence ! », a affirmé la juge et présidente d'honneur de l'Association des magistrats tunisiens, Raoudha Karafi. Secret de Polichinelle.

Le système judiciaire tunisien est souffrant, il n'y a pas à dire, tout le monde en convient. Ses problèmes sont multiples, mais ils ne sont pas tous liés à la corruption et le clientélisme de quelques magistrats, comme le sous-entend le président.
Depuis la révolution, les magistrats, à l'instar de plusieurs autres corporations, se sont engagés à assainir tous seuls leur propre secteur. Mais très peu de choses ont été réalisées depuis.
Le CSM figure parmi les talons d'Achille de la corporation, cela aussi est convenu. Que le président veuille assainir la justice et le CSM est une bonne chose en soi. Sauf que les apparences sont trompeuses, car le comportement de Kaïs Saïed à l'égard des magistrats, et particulièrement ceux du CSM, démontre qu'il cherche à soumettre les magistrats à son diktat plutôt que d'assainir réellement une corporation malade.
Sa décision du 19 janvier est une autre preuve de cette volonté de casser plutôt que d'assainir.
Les magistrats du CSM sont d'abord et avant tout des juges qui exercent chacun dans sa juridiction. Leur travail au sein du CSM vient s'ajouter à leurs fonctions initiales et, dès lors, il parait justifié qu'ils obtiennent une prime supplémentaire en partant du principe « toute peine mérite salaire ». Que cette prime de 2364 dinars et 400 litres de carburant soit onéreuse ou pas, cela se discute, mais le principe de payer ces magistrats pour ce travail supplémentaire n'a pas à être débattu.

En supprimant cette prime, et outre ses violations de deux articles de la constitution, Kaïs Saïed renie un droit fondamental et sombre dans l'indécence.
Y a-t-il au moins un quelconque intérêt derrière cette décision ubuesque ? Aucun. Sur le plan pécuniaire, d'après les calculs de Business News, elle ferait économiser au plus un million de dinars à l'Etat. Peanuts. Encouragerait-elle les magistrats du CSM à mieux faire leur boulot ? Il a été démontré le contraire de par le monde et depuis des siècles. Les magistrats gagnent-ils un salaire supérieur à leurs homologues étrangers ? Loin de là.
Le salaire moyen d'un Tunisien est de mille dinars. Un magistrat en fin de carrière touche quatre mille dinars approximativement, soit quatre fois le salaire moyen. C'est la même fourchette que les magistrats européens d'après les études réalisées en la matière et que Business News a pu consulter. Un magistrat écossais touche jusqu'à 8,5 fois le salaire moyen (5,8 fois en Italie, 4,9 fois en Suisse, 3,4 fois en France…).
Avec la prime auto-octroyée, les magistrats du CSM tunisien se mettent automatiquement dans la fourchette supérieure, mais c'est oublier qu'ils sont en train de remplir deux fonctions contrairement à leurs homologues européens.

Si Kaïs Saïed cherchait réellement à assainir la magistrature, il aurait dû lancer un débat public pour comprendre les raisons de la lenteur de la justice, de ces procès qui s'éternisent, de ces dossiers qui dorment dans les tiroirs, de ces juges qui croulent sous les dossiers, du budget ridicule qui est réservé au département, etc. Les problèmes sont nombreux et les solutions existent. Pour les trouver, il faut juste débattre avec les intéressés eux-mêmes.
Or Kaïs Saïed ne cherche pas vraiment à assainir. Il veut des magistrats à sa solde. Les témoignages des avocats sont nombreux pour nous affirmer que certains procureurs et juges d'instruction reçoivent directement leurs ordres de Carthage. Des personnalités politiques et des hommes d'affaires qui ont fait l'objet de mandats de dépôt ou d'assignation à résidence puis qui ont été blanchis par des magistrats, on en compte un bon nombre.
Kaïs Saïed se ressource auprès de pages Facebook et de rapports de police pour incriminer les uns et salir les autres. Il prend ces éléments pour de l'argent comptant et désire que les magistrats fassent pareil en mettant en prison les personnes qu'il désigne comme étant malpropres.
Si quelques magistrats cupides ou intéressés par des promotions ont donné vie aux caprices présidentiels, la majorité parmi eux s'est refusée à cela et a continué à travailler en toute âme et conscience, selon la déontologie de la profession.
Mardi 18 janvier, une cour militaire a décidé de libérer deux prisonniers figurant parmi les pires adversaires de Kaïs Saïed, à savoir les deux islamistes radicaux Seïf Eddine Makhlouf et Nidhal Saoudi.
La réponse a été du tac au tac, le président a annoncé sa décision de supprimer la prime aux membres du CSM dès le lendemain, comme si ce sont eux qui étaient responsables de la décision de la cour militaire.
Enfantine ? Indécente ? Improductive ? Humiliante ? La décision de Kaïs Saïed est tout cela à la fois. Il n'est jamais bon d'humilier les magistrats qui sont censés être, dans n'importe quel pays et à n'importe quelle époque, bien au-dessus de la mêlée. Par sa décision, Kaïs Saïed n'humilie pas les magistrats du CSM, il s'humilie lui-même, il humilie l'Etat et il humilie l'Etat de droit.

Raouf Ben Hédi

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