Les pensions des retraités de la fonction publique ont été réduites, les salaires fictifs des sociétés d'écologie ont été supprimés, les enseignants et les agents des forces de l'ordre ont accusé un retard de paiement de leur rémunération du mois de janvier et les employés de certaines entreprises gérées par l'Etat n'ont été payés qu'à moitié. Le moment de dire la vérité au peuple est-il arrivé ? Business News le répétait depuis des mois, tôt ou tard, Najla Bouden est obligée d'avouer que son gouvernement n'a plus de marge de manœuvre et se doit d'observer une politique d'austérité drastique. Elle se doit d'appliquer les recommandations du FMI à la lettre et de convaincre son président qu'il ne peut plus gouverner tout seul en snobant tout le monde. Il n'y a pas longtemps, il se moquait des agences de notation internationales qu'il qualifiait d'Ommek Sannafa et traitait de voleurs les hommes d'affaires les plus brillants. Là, fin janvier, il n'y a plus d'argent dans les caisses et Kaïs Saïed se doit de réviser ses priorités en mettant l'économie à la tête. Pour le moment, les priorités de Kaïs Saïed sont de savoir si la fête de la Révolution est le 14-Janvier ou le 17-Décembre et une supposée consultation nationale pour savoir si le Tunisien veut un régime présidentiel ou parlementaire. La réalité est bien plus amère puisque la priorité des priorités du Tunisien est, sans contestation aucune, de voir son salaire versé à temps et au complet. Il y a deux mois, déjà, les cheminots ont dû observer une grève sauvage après un léger retard dans le versement de leur rémunération. Ce n'était que le début car, depuis, plusieurs autres entreprises publiques ont accusé le même retard. Pour faire face à ces échéances mensuelles, le gouvernement a dû jouer au système D, comme le ferait n'importe quel chef de famille mauvais gestionnaire. Il a souscrit des crédits bancaires et a payé les salaires avec l'argent destiné au financement de certains projets. Sa politique basée sur les bricolages budgétaires est arrivée maintenant à son terme. Najla Bouden est rattrapée par la réalité.
Le baril de pétrole est aujourd'hui négocié à 89$, alors que le budget de l'Etat tablait sur 75$. Les banques ne sont plus disposées à prêter de l'argent à l'Etat. Du jamais vu en Tunisie, une véritable première, un des plus grands banquiers de la place, Ahmed El Karm, a publié hier un post Facebook pour dénoncer les grosses pressions que subissent ses pairs et lui-même, pour financer le budget de l'Etat. Dans son plan d'action, le gouvernement a misé fort sur un coup de pouce du FMI, mais ce dernier a exigé des négociations avec l'ensemble des acteurs économiques du pays. Or, concrètement, Najla Bouden et Kaïs Saïed ne parlent avec personne. Certes, il y a eu cette tentative de négociation avec l'UGTT, mais c'est uniquement de la poudre aux yeux. En réalité, le président est toujours dans sa tour d'ivoire, il est toujours obnubilé par ses plans soviétiques et il demeure encore convaincu qu'il suffit de donner aux pauvres ce qu'il confisque aux riches pour redresser le pays. Le président de la République est réellement dans cet état d'esprit et les observateurs internationaux (à commencer par le FMI) le savent. Contrarié, il a appelé samedi dernier le président français Emmanuel Macron pour obtenir son soutien et lui demander de ne pas croire aux bobards véhiculés par les médias et les réseaux sociaux. Sauf que voilà, le FMI, Macron et les agences de notation ne s'informent pas sur les réseaux sociaux, comme il le croit. Ils connaissent la réalité du terrain tunisien et savent exactement ce qui se passe dans le pays. Contrairement à Kaïs Saïed, ils sont en contact direct et permanent avec les véritables acteurs du pays que sont les hommes d'affaires, les hommes de médias, les banquiers, les économistes, les syndicalistes, les ONG et les dirigeants de partis politiques. C'est tout ce beau monde, que Kaïs Saïed et Najla Bouden snobent, qui informe les partenaires internationaux de la réalité tunisienne.
Que faire maintenant que le FMI et les banquiers tunisiens ne semblent pas vouloir aider ce pouvoir putschiste déconnecté de son propre terrain ? D'après les informations recueillies auprès de hauts fonctionnaires, le gouvernement va avoir des difficultés pour honorer ses engagements du mois de janvier, mais il va réussir quand même. Le mystère demeure cependant total pour le mois de février. Il n'y a aucune solution à l'horizon, à part faire marcher la planche à billets de la Banque centrale, option que celle-ci refuse catégoriquement. Totalement inconscient de la gravité de la situation, Kaïs Saïed continue ses bavardages pluri-hebdomadaires où l'économie est souvent absente. Pour lui, la solution à la crise est toute trouvée avec son décret de réconciliation pénale destiné à convoquer et à faire payer tous les « corrompus » épinglés dans la liste de Abdelfattah Amor et les rapports de l'Instance nationale de lutte contre la corruption. Najla Bouden sait parfaitement que ce que raconte le président n'a pas de sens. Au pied du mur, elle n'a d'autre choix que d'avouer au peuple que seule l'austérité sévère peut le sauver ou bien de jeter l'éponge. A ce sujet, les rumeurs au sujet de sa démission se font de plus en plus insistantes et on parle déjà de son successeur Malek Zahi, actuel ministre des Affaires sociales. Qu'elle avoue au peuple ou qu'elle démissionne en envoyant la patate chaude à M. Zahi, cela revient au même, la facture super salée doit être présentée au peuple tunisien tôt ou tard.