Augmenter le taux directeur était une nécessité, c'est ce qu'a expliqué, mercredi 4 janvier 2023, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie Marouane El Abassi, lors d'une conférence de presse. En effet, le Conseil d'administration de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a décidé de relever le taux directeur de la Banque Centrale de Tunisie de 75 points de base à 8%. L'objectif étant, selon le communiqué de l'autorité financière du 30 décembre 2022, « de contribuer à freiner la tendance haussière de l'inflation, ramenant celle-ci à des niveaux soutenables à moyen terme, afin de protéger le pouvoir d'achat des citoyens, de préserver le stock des avoirs en devises et de favoriser les conditions pour une reprise économique saine et durable ».
Depuis le début de 2022, l'autorité monétaire avait opéré trois augmentations (75 points de base en mars, 25 points de base en octobre et 75 points de base en décembre) qui ont conduit à une hausse du taux de directeur de 175 points sur l'année.
Ainsi et pour justifier cette décision impopulaire auprès de l'opinion publique, M. El Abassi a indiqué que la hausse des taux freinera la demande de crédits : vu le coût, le Tunisien devra rationaliser cette demande pour couvrir les dépenses nécessaires et temporiser tout le reste. « Je ne suis pas dans l'émotion, je suis dans les chiffres », a-t-il martelé en réponse à la remarque de Business News sur le fait que l'inflation est importée et sur le poids de l'augmentation du taux directeur corrélé à celui des nouvelles impositions de la loi de Finances 2023 outre les diverses augmentations eaux, électricité, etc. sur le citoyen. Et d'ajouter : « Quel est le plan B de la Tunisie, avec une inflation à trois chiffres ? L'inflation est en hausse aujourd'hui partout dans le monde et ce qu'on fait ici en Tunisie est de loin plus important. Certes, c'est une situation compliquée qui va durer pour un certain temps et on doit faire des sacrifices. On ne peut pas échapper à notre réalité, il s'agit d'une inflation importée importante. On espère que les conditions changent, mais même si elles changent, les prix sont arrivés à des niveaux élevés où ils ne vont pas descendre de manière importante pendant les mois qui vont venir. C'est ce qu'on a dit en 2022 : si n'y a pas d'accord avec le FMI qu'est ce qu'on fait ? On a géré une situation compliquée, grâce notamment au financement interne. Est-ce que c'est soutenable ? Non, ce n'est pas soutenable ! C'est pour cela que j'ai dit dès le départ qu'il faut arriver à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), le plus rapidement possible et commencer sérieusement à travailler sur les investissements directs étrangers, pour pouvoir relancer la croissance qui se fait grâce à l'investissement et l'épargne ». Pour Marouane El Abassi, même avec des taux élevés, il est possible d'avoir des investissements et de faire de la croissance. Il pense, dans ce cadre, qu'il y a beaucoup de possibilités d'investissement. Et de rappeler que le déficit courant est principalement dû à la hausse des prix de l'énergie et des produits alimentaires et que si les investissements nécessaires avaient été faits il y a dix ans, aujourd'hui on ne serait pas dans cette situation. « Les réformes sont nécessaires. Elles vont être difficiles. C'est vrai que les citoyens tunisiens, notamment ceux qui n'ont pas la capacité d'augmenter leurs ressources vont souffrir. Mais, si on n'augmente pas les taux, alors qu'on sait que dans six mois l'inflation deviendra d'origine monétaire, ces citoyens seront les premières victimes qui souffriront le plus. Ce n'est pas facile. On n'a pas toutes les réponses, mais le Tunisien doit comprendre la situation économique du pays et dans le monde ainsi que les difficultés à surmonter : la situation est très difficile parce qu'il y a une conjoncture économique qui se poursuit depuis des années, et dont l'impact devient très lourd sur la Tunisie ».
Marouane El Abassi a aussi souligné la corrélation entre le taux d'intérêt d'une part et le taux de change et les réserves en devises, de l'autre part.
Selon la présentation exposée aux journalistes, la BCT s'attend à une inflation moyenne de 11% sur 2023, dont le pic pourrait atteindre 11,9%. Rappelons aussi dans ce cadre que le taux directeur est son principal outil, pour lutter contre l'inflation. La Tunisie vit une situation difficile économique liée essentiellement à la situation des finances publiques et au retard d'un accord avec le FMI, à cause des réformes à engager Sur ce volet, le gouverneur de la BCT a précisé qu'avant l'examen du dossier tunisien par l'institution financière, les autorités tunisiennes ont voulu parachever certaines conditions qui concernaient notamment la publication de certaines mesures dans la loi de Finances 2023, l'amendement de la loi n°89-9 du 01 février 1989, relative aux participations et entreprises publiques, la loi des taux excessifs. « Je suis serein sur la suite », a-t-il soutenu, concernant le passage du dossier devant le FMI, en espérant que le dossier sera rapidement reprogrammé. Et d'ajouter : « La loi de Finances 2023 a été promulguée, les discussions sont en train d'avancer sur la loi n°89-9, … Il reste à décider la date d'examen du dossier tunisien par la FMI qu'on espère le plus tôt possible ».