Depuis près d'une semaine, les déclarations des parties étrangères à propos de la situation en Tunisie fusent de toutes parts. Crise économique préoccupante, risque d'effondrement… Les Européens, mais aussi les Américains ne cessent de mettre en garde la Tunisie alertant sur la nécessité de parvenir à un accord avec le FMI dans le but d'espérer voir le bout du tunnel. Toutefois, la partie tunisienne s'est distinguée par son silence, n'affichant aucune position claire. Le bal des déclarations alarmistes a été ouvert, le 20 mars 2023, par le Haut représentant de l'UE, Josep Borrell qui avait indiqué en marge de la réunion du conseil des Affaires étrangères de l'Union européenne que l'union redoutait un effondrement de la Tunisie et les conséquences que cela pourrait avoir sur le vieux continent, en l'occurrence les flux migratoires et une instabilité dans la région. Malgré la gravité de ces propos, la Tunisie n'a réagi qu'à travers un communiqué du ministère des Affaires étrangères indiquant que les « Tunisiens ont pris connaissance et certainement bonne note de la déclaration faite par le Haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité ». « Les propos prononcés sont disproportionnés tant au vu de la résilience bien établie du peuple tunisien tout au long de son histoire, que par rapport à une menace migratoire vers l'Europe en provenance du sud. Ces propos sélectifs continuent d'ignorer toute responsabilité dans la situation qui a prévalu en Tunisie et ailleurs, notamment depuis 2011 et jusqu'au 25 juillet 2021 » a estimé le ministère. Deux jours plus tard, le même ton été utilisé par le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken qui déclare devant le Sénat, que les Etats-Unis sont préoccupés par la situation économique de la Tunisie et qu'ils estiment nécessaire de trouver un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). « Nous les encourageons fortement à le faire parce que le risque est que l'économie s'effondre », a souligné Antony Blinken. Et c'est dans ce contexte alarmiste, que la grande sœur intervient. En effet, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune a accordé une interview à la chaîne Al Jazeera dans laquelle il a affirmé que « la Tunisie fait face à un complot et l'Algérie la soutiendra ». Il précise que les choses s'étaient compliquées depuis l'accueil du chef du Front Polisario, Brahim Ghali. Lors de cette interview, le président algérien a déclaré qu'un complot était en train d'être tramé contre la Tunisie par de nombreux acteurs. Il a assuré que les choses s'étaient considérablement compliquées depuis que la Tunisie avait accueilli Brahim Ghali, président de la République arabe sahraouie démocratique (chef du Front Polisario), et qu'ils avaient exercé une pression sur le pays. Vendredi 24 mars, le président français, Emmanuel Macron, a évqué, depuis Bruxelles, « la très grande tension politique et la crise économique et sociale qui sévit en l'absence d'accord avec le Fonds monétaire international », jugeant la situation « très préoccupante ». Il a assuré que la France et l'Italie coopéreront pour aider la Tunisie à dépasser une crise qui inflige une pression migratoire à l'Europe, précisant avoir abordé le dossier de la Tunisie avec Giorgia Meloni, au cours d'une réunion bilatérale. Pour sa part, Giorgia Meloni, présidente du Conseil des ministres d'Italie a multiplié les déclarations sur la Tunisie, affirmant que tout le monde n'a pas conscience des risques engendrés par la situation en Tunisie et soulignant la nécessité de soutenir la stabilité dans le pays devant la crise financière qu'il traverse et qui pourrait mener vers une vague migratoire « sans précédent ». « La question centrale et fondamentale est le Fonds monétaire international et donc un effort diplomatique doit être fait pour convaincre les deux parties à conclure un accord et stabiliser la région » a-t-elle souligné, dans une déclaration accordée aux médias. Le vice-président du Conseil des ministres et le ministre italien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale Antonio Tajani, a, lui aussi, alerté contre la détérioration de la situation en Tunisie, appelant le pays à mettre en œuvre les réformes nécessaires. « Une aide économique urgente est nécessaire à la Tunisie pour éviter son effondrement financier et des centaines de milliers de migrants supplémentaires se dirigeant vers l'Europe », a-t-il averti, ajoutant que « la Tunisie a un besoin urgent d'aide, nous ne pouvons perdre de temps. Si le "front migratoire" tunisien s'ouvre, des centaines de milliers de personnes pourraient tenter de migrer ».
Face à toute cette dynamique et ces déclarations, la réponse de la Tunisie, a été fournie par Mohamed Trabelsi, directeur de la diplomatie générale et de l'information au sein du ministère des Affaires étrangères qui s'est exprimé ce matin, dimanche 26 mars 2023, sur Mosaïque Fm, au sujet des récentes déclarations concernant la Tunisie. « Nous ne voulons pas alimenter la polémique constante et non-constructive autour de plusieurs sujets concernant la Tunisie, dont celui de la migration clandestine et de la situation économique. Ceux qui aiment la Tunisie doivent éviter les déclarations négatives et qui peuvent donner des indicateurs négatifs sur la situation touristique et économique du pays », a déclaré Mohamed Trabelsi, questionné au sujet des récentes déclarations des dirigeants étrangers autour de la Tunisie. Au sujet des déclarations de la France, de l'Algérie et de l'Italie, M. Trabelsi a rétorqué : « ce genre de déclarations envenime davantage la situation en Tunisie », estimant que « toute déclaration négative peut affecter directement des secteurs vitaux pour le pays ». Il ajoute : « Nous appelons les différentes parties à éviter ce genre de déclarations. Nous sommes conscients que ces pays veulent nous aider mais ces déclarations ne nous aident en rien ». Il va sans dire que la Tunisie traverse une crise économique et financière profonde. Cette crise s'est d'autant aggravée par l'absence d'un accord avec le FMI, mais aussi par l'instabilité politique qui règne et les prémices d'un retour de la dictature et de la répression des droits et des libertés. Face à cette situation délicate et critique, la Tunisie a plus que jamais besoin de ses amis et de partenaires historiques et stratégiques afin de pouvoir sortir du gouffre. Cependant, le pouvoir en place ne cesse d'altérer les relations diplomatiques de la Tunisie, au nom de la souveraineté nationale. Faut-il encore rappeler, que pour assurer sa souveraineté, il est nécessaire d'atteindre une autonomie partielle sur des productions, biens et services essentiels afin d'assurer sa sécurité alimentaire. Il ne s'agit pas de se refermer sur soi-même, mais plutôt de ne pas être soumis ou conditionné par les décisions d'autres régions du monde dans les secteurs stratégiques essentiels.