La Tunisie, partenaire historique de l'occident, peine à mobiliser des fonds permettant de couvrir son déficit budgétaire. Contrairement à la politique du gouvernement, le président de la République, Kaïs Saïed, prône la souveraineté nationale et qualifie l'accord avec le FMI de diktats visant à appauvrir le peuple, amenant, ainsi, certains à évoquer la question d'une alliance avec le Brics. Nous voilà à plus d'un an depuis l'annonce par le gouvernement de Najla Bouden de l'entame des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI). L'équipe de l'exécutif avait indiqué lors de la présentation de la loi de finances 2022 que la Tunisie se dirigeait vers la conclusion d'un accord afin de faciliter l'accès de la Tunisie aux prêts bilatéraux sur le marché international. Depuis le mois de décembre et lors des rares rencontres médiatiques dédiées à la situation économique du pays, les ministres de l'Economie, Samir Saïed, des Finances, Sihem Nemsia ou encore de l'Industrie, Neila Gonji avaient assuré que la Tunisie parviendra à la conclusion de cet accord « bientôt ». C'est à cette expression-là que nous nous étions habitués. À chaque déclaration, il ne s'agissait que de quelques semaines. L'absence de clarté et de visibilité à ce sujet a permis de révéler les véritables raisons de l'absence d'un accord de financement : le refus catégorique du président et son opposition à l'application de certaines réformes. Le chef de l'Etat, Kaïs Saïed a considéré que les réformes étaient des diktats et des instructions émanant des équipes du FMI. Il a estimé que celles-ci visaient à appauvrir le peuple tunisien, à soumettre le pays à la volonté des pays étrangers et à porter atteinte à souveraineté de la Tunisie. Le président y avait fait allusion lors de plusieurs discours, jusqu'à déclarer publiquement, à la date du 6 avril 2023, qu'il s'opposait à la chose et qu'il refusait d'appliquer la levée des compensations. Parallèlement à cela, Kaïs Saïed a assuré que la Tunisie était dotée de moyens lui permettant de sortir de la crise sans passer par la case prêts étrangers. Il s'était entêté dans la mise en place du système des entreprises citoyennes et de la conciliation pénale. De plus, il s'est attaqué, à plusieurs reprises aux partenaires historiques et stratégiques de la Tunisie en raison de ce qui lui semble être une ingérence dans les affaires internes du pays. S'inspirant de ces déclarations, une partie des soutiens à Kaïs Saïed a estimé que la Tunisie devait songer à de nouveaux partenariats économiques. C'est alors qu'on commence à entendre parler dans les plateaux des bienfaits d'un partenariat tuniso-chinois ou de l'incroyable poids de l'économie russe. La dernière déclaration du président portant sur le refus catégorique des réformes a conduit ces mêmes personnes à conclure que la Tunisie pouvait compter sur les soutiens du Brics, voire même à intégrer cette coalition. Mais qu'est-ce donc cette organisation ? Le Brics est le nom donné à un groupe de cinq pays se réunissant de façon annuelle depuis 2011. Il s'agit du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine et de l'Afrique du Sud. Il s'agit d'un club des puissances économiques émergentes visant à contrer l'alliance G7. Celle-ci se compose du Canada, des Etats-Unis d'Amérique, du Japon, de l'Allemagne, d'Italie, de la France et du Royaume-Uni. On notera que la Russie avait fait partie jusqu' à son exclusion en 2014 de cette organisation. Le Brics a pour objectif de restructurer l'ONU, de revoir le système monétaire international. Il s'agit là d'un conflit entre grandes puissances cherchant chacune à renforcer son contrôle du monde et à consolider sa place. La question de la création d'une nouvelle coalition internationale permettant de donner naissance à un nouvel ordre mondial peut sembler assez séduisante, voire romanesque. Néanmoins, l'étude de cette alliance et des sommets tenus par les pays membres démontre un certains isolationnisme de ces économies émergentes. Depuis l'annonce de la formation de ce groupe, il n'y a pas eu d'élargissement de la liste des membres. Les sommets ne concernent en général que les cinq membres. Sur quinze rencontres annuelles, seulement deux ont témoigné de la participation d'autres pays, mais sans qu'on ne leur octroie la qualité de membre. Presque toujours les mêmes étaient invités en tant qu'observateurs. La Turquie avait été invitée à participer au sommet de 2019 en sa qualité de président en exercice de l'Organisation de la coopération islamique. Nous pouvons, également, citer l'exemple de la participation de l'Egypte au sommet de 2017 en tant qu'invité d'honneur. La Thaïlande a, aussi, fait partie à quelques reprises de la liste d'invités. Mais, jamais, au grand jamais, l'un de ces pays n'a été admis à la table des grands. Il s'agissait toujours de pays ne faisant pas partie de cette organisation informelle, cherchant à gravir les échelons, mais en vain. Le Brics, à l'image du système qu'il est censé combattre, est un club d'élites ayant déjà assuré leur place. Le Brics représentait 27% du PIB mondial en 2011 et 31,5% actuellement. Selon les estimations, ce chiffre pourrait atteindre les 40% en 2025. Les pays du Brics représentent une population de plus de trois milliards d'habitants, soit plus de 40 % de la population mondiale. Il s'agit là de chiffres démontrant l'importance de ces pays en tant que marché économique. Les pays formant le Brics n'ont pas vraiment à se soucier des autres économies puisqu'il ne s'agit pour eux que de miettes. Tel était le cas de la Tunisie. Le PIB du Brics a dépassé les 44.069 milliards de dollars en 2018 alors que celui de la Tunisie peine à dépasser les 47 milliards de dollars. Le plus faible pays du Brics, d'un point de vue économique, est l'Afrique du Sud. Elle représente le 32eme plus fort PIB de la planète, selon les chiffres de 2022. Or, le PIB de la Tunisie la place à 89eme place. En troisième place de ce classement, se trouve le PIB cumulé des pays membres de l'Union européenne. Il a atteint 17.088 milliards de dollars en 2022. Une donnée qui devrait nous conforter vu qu'il s'agit du premier partenaire économique de la Tunisie. Les Européens ont toujours été les premiers à se manifester pour acheter des produits tunisiens. C'est en grande partie grâce à eux que notre économie fonctionne encore (pour ne pas dire continue à boiter dans l'espoir d'une possible relance). Les échanges avec l'Union européenne ont enregistré un bénéfice de 2,7 milliards de dinars en 2021. Les exportations vers l'Union européenne représentent 70,2% alors que les importations sont de 47,7%. De plus, l'Union européenne accueille des citoyens ayant décidé de migrer vers le vieux continent ou des étudiants cherchant de nouvelles opportunités. Le partenariat la liant à la Tunisie ne se limite, donc, pas aux aspects économiques. Ceci se manifeste par les innombrables dons et aides accordés à la Tunisie. Celles-ci ont même inclus des vaccins contre le Coronavirus lors de la propagation de la pandémie. Il est donc essentiel de conserver et de préserver ce partenariat. Les Tunisiens doivent songer à la consolidation des échanges commerciaux avec les pays de l'Union européenne au lieu de perdre leur temps à rêver de nouveaux partenaires qui ne s'étudieront peut-être jamais la question. D'ailleurs, il semble que nos autorités officielles aient compris cela puisqu'à aucun moment nous n'avons entendu le ministère des Affaires étrangères, la présidence du gouvernement ou le chargé des affaires diplomatiques au sein de la présidence de la République évoquer le terme « Brics ». Il semblerait que ces derniers soient conscients de l'impossibilité de la chose. Le BRICS a d'autres chats à fouetter ! Or, le président de la République, et au lieu d'assimiler la chose et de trouver un terrain d'entente avec ses alliés habituels, ne cesse de tourner le dos aux démocraties occidentales. Le dossier de l'adhésion des pays africains au Brics a été clos certainement depuis le rapprochement avec l'Egypte. Cette alliance peut compter sur ce pays au nord et sur l'un de ses membres essentiels au sud. Par ailleurs, rien ne nous lie au Brics ! Ni d'un point de vue culturel, ni historique, ni économique ! La Tunisie doit opter pour le choix de la sécurité en raison de l'instabilité économique du pays. Entamer un processus de repositionnement politique nous coûtera une fortune. Nous allons devoir, à titre d'exemple, dire au revoir aux programmes de soutien aux familles nécessiteuses et au financement des approvisionnement en blé et autres matières premières dans l'espoir de bénéficier d'une aide similaire. Une prise de risque énorme pour les Tunisiens qui souffrent déjà suffisamment.