Le président de la République, Kaïs Saïed, effectuera les 3 et 4 juin 2021, une visite à Bruxelles pour participer aux travaux du deuxième sommet Tunisie-Union européenne. La première édition avait été organisée en 2016 et à laquelle avait pris part feu Béji Caïed Essebsi. Aujourd'hui, cette visite du président de la République, Kaïs Saïed revêt une importance stratégique pour la Tunisie, tenant compte des multiples enjeux qu'elle comporte. C'est dire que l'Union européenne est le principal partenaire de la Tunisie. Elle avait tablé sur la réussite du modèle tunisien et sa transition démocratique, en lui apportant tout le soutien politique et financier nécessaire.
La coopération entre les deux partenaires – officialisée en 1976 – a, d'ailleurs, été consolidée à plusieurs reprises. D'abord, en 1995 sous la forme d'un Accord d'Association sur la création d'une zone de libre-échange permettant – dès son entrée en vigueur, trois ans après sa signature – une libre circulation des capitaux, des biens, et des services, grâce à l'élimination des droits de douane. Après 2011 et dans un nouveau contexte marqué par l'établissement d'une démocratie naissante dans le pays, la Tunisie a pu, en 2012, devenir « partenaire privilégié » de l'Europe, accédant ainsi à un quasi-statut d'Etat-membre sur le plan économique. Le soutien de la communauté européenne à la Tunisie a, depuis, été rehaussé sur le plan financier mais, également, politique. Entre 2011 et 2019, le pays a reçu près de dix milliards d'euros sous forme d'aides ou de prêts, selon l'ancien ambassadeur de l'Union européenne en Tunisie, Patrice Bergamini. La coopération entre les deux partenaires s'est, rappelons-le, étendue à d'autres domaines tels que la recherche – le pays est membre du Programme Horizon 2020 –, les énergies renouvelables, la digitalisation, l'infrastructure ou encore la sécurité. Après la révolution du Jasmin, l'UE a, rappelons-le, développé plusieurs mécanismes afin d'appuyer les efforts de la Tunisie dans la lutte contre le terrorisme islamiste grimpant.
Ainsi, outre le statut de partenaire privilégié, l'Union européenne accompagne la Tunisie à travers les aides financières et les différents programmes dédiés au développement en Tunisie. Cependant, cette visite intervient au moment où la Tunisie traverse une période difficile sur le plan économique, accentuée par le blocage institutionnel au sommet de l'Etat. Elle sera, donc, l'occasion de passer en revue plusieurs dossiers d'intérêts communs entre la Tunisie et l'UE.
Ainsi, il convient de noter que le dossier du contrôle des flux migratoires est l'une des questions brûlantes à examiner de près. D'ailleurs, ce fût l'objet de la dernière visite de la commissaire européenne des affaires intérieures en Tunisie et sa rencontre avec le président de la République, accompagnée de la ministre de l'Intérieur italienne. Le chef de l'Etat était cependant déterminé quant à la nécessité de l'adoption d'une approche globale pour le traitement de la migration clandestine. Les parties européennes et italiennes restent convaincues de la nécessité du renforcement des mécanismes de contrôle sécuritaire des frontières maritimes. D'ailleurs, elles ont affiché leur disposition à attribuer les aides financières nécessaires pour mettre en place ses solutions.
Quant au volet économique, l'UE a, déjà exprimé, via l'ambassadeur de l'Union européenne, Marcus Cornaro, à soutenir la Tunisie et de la défendre auprès des bailleurs de fonds, notamment, pour ses négociations avec le FMI. Toujours dans le cadre économique, l'UE vient de verser la première tranche de son AMF à la Tunisie, s'élevant à 300 millions d'euros, et ce après l'adoption de l'accord de prêt au Parlement. Toutefois, les responsables européens ont indiqué que la deuxième tranche du prêt serait accordée à la Tunisie après la mise en place des réformes nécessaires. Dans ce sens, le responsable de la section développement économique, Marco Stella avait assuré qu'il n'agit pas d'imposer de conditions à la Tunisie, mais qu'il s'agissait plutôt de grandes réformes s'inscrivant dans le cadre de vision commune et de valeurs partagées entre les deux parties. Ces réformes concernent, entre autres, la maitrise de la masse salariale et la bonne gouvernance des entreprises publiques.
Un autre dossier, et non des moindres, qui pourrait être remis sur la table, étant celui de l'Aleca. D'ailleurs, la durée de la mission de l'unité de gestion par objectifs relative aux négociations entre la Tunisie et l'Union européenne (UE) sur l'accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) a été prolongée de cinq ans. Aujourd'hui, l'ambassadeur de l'UE en Tunisie compte relancer les négociations, en situation de blocage sur de nouvelles bases. En effet, l'Accord d'Association sur la création d'une zone de libre-échange de 1995 permettant une libre circulation des capitaux, des biens, et des services grâce à l'élimination des droits de douane, est considéré comme insuffisant, tenant compte du développement des relations tuniso-européennes.
Le président de la République devrait, également, aborder lors de sa visite la situation politique et sécuritaire dans la région, notamment, en ce qui concerne la Libye. C'est dire que nos partenaires européens suivent de près les derniers développements en Libye. Le chef de l'Etat pourrait, dans l'état actuel des choses, présenter les dernières avancées réalisées au niveau des relations tuniso-libyennes et la dynamique du partenariat entre les deux pays sur le plan économique et le rôle joué par la Tunisie dans la reconstruction de la Libye. Il est, donc, incontestable, que la visite du chef de l'Etat à Bruxelles comporte plusieurs enjeux pour la Tunisie aussi bien sur le plan économique, que politique et régional. C'est dire que la Tunisie devrait saisir l'opportunité du plan de relance économique en Europe et tirer profit de la nouvelle conjoncture mondiale post-covid, s'armant de ses relations privilégiées avec notre premier partenaire, mais aussi de notre position géographique stratégique du côté de la Libye et comme principale portail vers le marché africain.