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2023, l'année où la Tunisie a été bâillonnée
Publié dans Business News le 29 - 12 - 2023

L'année 2023 touche à sa fin et elle est, par excellence, celle où Kaïs Saïed a bâillonné le pays après avoir mis en place son autoritarisme deux ans plus tôt.

Zied El Heni, un des plus célèbres journalistes tunisiens a été mis en garde à vue jeudi 28 décembre en début de soirée. Le matin même, sur la radio satirique IFM, il a traité péjorativement la ministre du Commerce de « cazi » (cas), ce qui a poussé le parquet à s'autosaisir et à déclencher une procédure judiciaire sur la base du décret 54 liberticide. Il risque dix ans de prison.
L'arrestation de Zied El Heni n'a rien d'extraordinaire en cette fin d'année. Le régime de Kaïs Saïed a opéré un véritable tour de vis depuis début 2023, en multipliant les procédures judiciaires et les arrestations de ceux qui s'opposent à lui et le critiquent. Jamais, dans l'Histoire récente de la Tunisie, il n'y a eu autant d'arrestations en l'espace de 365 jours.
Après son putsch du 25 juillet 2021, à l'issue duquel il s'est arrogé les pleins pouvoirs, Kaïs Saïed s'attendait à une adhésion populaire générale. Il se voyait, avec ses projets socio-communistes, en messie venu sauver la Tunisie, voire l'humanité entière, comme il l'a déclaré à plusieurs reprises.
Partant, il n'a pas supporté les voix discordantes qui mettaient en doute ses projets et ses idées. Certes, il a mis au pas l'armée, les magistrats, les avocats, les syndicats, le patronat, les médias publics et la majorité des forces vives du pays, mais il restait, quand même, quelques voix discordantes qui lui tenaient (et lui tiennent encore) tête.

Pour faire taire ces voix, il pond en septembre 2022 le fameux décret 54 qui punit jusqu'à dix ans de prison, toute personne qui procède à l'utilisation de systèmes d'information en vue de publier ou de diffuser des nouvelles ou des documents faux ou falsifiés ou des informations contenant des données à caractère personnel, ou attribution de données infondées visant à diffamer les autres, de porter atteinte à leur réputation, de leur nuire financièrement ou moralement, d'inciter à des agressions contre eux ou d'inciter au discours de haine. Les peines prévues sont portées au double si la personne visée est un agent public ou assimilé.
Critiqué par la majorité des ONG, à leur tête, la Ligue tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH) et le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), ce décret est un fameux tournant dans l'histoire politique et médiatique du pays.
Tout au long de l'année 2023, il a été utilisé contre des centaines de citoyens lambda qui publient des posts diffamatoires ou injurieux sur les réseaux sociaux, mais également des journalistes professionnels et d'opposants politiques. En tout, il y a une bonne quinzaine de journalistes poursuivis pour différents chefs d'inculpation, tous en rapport avec leur métier, à leur tête l'ancien président du SNJT, Yassine Jlassi.
L'objectif est de mettre au pas tous ceux qui critiquent ou se moquent de Kaïs Saïed et son régime et cet objectif a été atteint, en partie.
Paradoxalement, le président de la République se disait défenseur de la liberté d'expression. En dépit de la multiplication des arrestations et des procédures judiciaires, il insiste pour affirmer qu'il n'a jamais poursuivi un journaliste pour ses idées.

Résistent, cependant, à cette mise au pas et à ce décret 54, les comptes de Tunisiens à l'étranger. Qu'à cela ne tienne, le régime a entrepris les démarches officielles pour les faire fermer. Le 4 avril 2023, l'ancienne cheffe du gouvernement Najla Bouden réunit plusieurs ministres pour une séance de travail consacrée à la lutte contre les crimes liés aux réseaux sociaux.
Le 23 août 2023, c'est le président de la République lui-même qui réunit les ministres et appelle à mettre fin à ce qu'il appelle dérives sur les réseaux sociaux. Le jour même, tard le soir, les ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Technologies se réunissent pour annoncer des poursuites judiciaires visant à « révéler l'identité des propriétaires, des utilisateurs de pages, de comptes et de groupes sur les réseaux sociaux qui exploitent ces plateformes pour produire, promouvoir, diffuser, transmettre, ou préparer de fausses nouvelles, déclarations, rumeurs, ou des informations fallacieuses dans le but de diffamer, de dénigrer, d'attaquer les droits d'autrui, de porter atteinte à la sécurité publique et à l'ordre social, ainsi que de porter préjudice aux intérêts de l'Etat tunisien et de chercher à ternir ses symboles ».
Dans un communiqué conjoint, les trois ministres menacent « toute personne contribuant ou participant à la diffusion de contenu d'un site ou d'une page faisant l'objet de poursuites judiciaires ou pénales, de quelque manière que ce soit, à l'intérieur ou à l'extérieur du territoire tunisien, s'expose aux mêmes poursuites ».
Le 13 septembre 2023, le parquet annonce officiellement ces poursuites et donne les noms des pages ciblées, à savoir Sayeb Salah (سيّب صالح), Haykel Dkhil (هيكل دخيل) Politiket (بوليتيكات), Kahwaji Al Dakhiliya (قهواجي الداخلية), Kahwaji FM (قهواجي آف آم), Al Mared Ettounsi Litathir Al Dakhiliya (المارد التونسي لتطهير الداخلية), Kahwaji Al Barlamen (قهواجي البرلمان), Chlafti Carthage (شلافطي قرطاج).
L'opération coup de poing du régime a atteint ses objectifs (en partie et momentanément) puisque deux semaines plus tard certaines de ces pages ont disparu des réseaux sociaux.

Il convient de noter qu'il n'y a pas que les médias et les réseaux sociaux qui critiquaient le Président et son régime, il y a également l'opposition bien active en 2021 et 2022. En 2023, elle a été réduite au silence à coups d'arrestations abusives et de procès iniques.
Les 11, 13 et 22 février 2023, une vague d'arrestations a ciblé les personnalités politiques les plus virulentes à l'encontre du chef de l'Etat. Le régime n'a pas utilisé le décret 54, cette fois, il les accuse de complot contre l'Etat et ils risquent jusqu'à la peine capitale.
Le 17 avril 2023, c'est au tour de Rached Ghannouchi d'être arrêté. Le président du parti islamiste Ennahdha et ancien président du parlement a déclaré dans une soirée ramadanesque privée que la Tunisie risque la guerre civile si on écarte l'islam politique ou la gauche de la vie politique.
Le 3 octobre 2023, c'est Abir Moussi qui est arrêtée. La présidente du parti destourien libre (conservateur) était en train de faire un live devant la présidence de la République attestant du refus du bureau d'ordre de lui fournir la décharge d'une lettre. Cette simple vidéo lui vaudra trois chefs d'accusation : attentat ayant pour but de provoquer le désordre, traitement des données à caractère personnel sans l'autorisation de la personne concernée, et entrave à la liberté du travail.
Outre ces personnalités politiques, le régime a procédé le 13 février à l'arrestation de Noureddine Boutar, directeur de Mosaïque FM, la radio la plus écoutée du pays. Bien qu'il ait été libéré sous une grosse caution le 25 mai, suite à une grande mobilisation médiatique nationale et internationale, M. Boutar demeure interdit de voyage et d'accès libre à ses comptes bancaires. Il est accusé de blanchiment d'argent et d'enrichissement illicite.
Le 16 mai 2023, le journaliste de Mosaïque FM (encore !) Khalifa Guesmi est arrêté pour avoir diffusé un scoop. Il a annoncé le succès d'une opération antiterroriste, mais il semblerait que sa source (un haut officier) n'avait pas le droit de révéler l'information. Il a été condamné à cinq ans de prison ferme, alors que sa source en a eu pour dix ans.
Le message est clair et il est destiné doublement aux hommes politiques et aux médias : « taisez-vous ! ». Ils l'accusaient d'être despote, il a tenu à leur donner les preuves.

Bien entendu, toutes ces arrestations ont provoqué de grosses polémiques. Les avocats et les médias n'ont pas cessé de mettre en évidence la vacuité des dossiers, les irrégularités et l'absence de preuves tangibles, comme c'est notamment le cas pour les personnalités politiques et M. Boutar.
Qu'à cela ne tienne, le juge chargé du dossier du complot contre l'Etat décide le 17 juin d'interdire le traitement médiatique de l'affaire. Le « taisez-vous !» est on ne peut plus clair.
À la lumière de la nouvelle donne, plusieurs médias se sont couchés pour devenir des outils de propagande. C'est le cas notamment de l'ensemble des médias publics (onze radios, deux télévisions et quatre journaux), mais aussi de plusieurs médias privés qui se sont empressés de « recruter » des chroniqueurs dociles envers le régime putschiste et virulents, voire injurieux, à l'encontre de l'opposition.
Du côté des réseaux sociaux, les publications satiriques, critiques et injurieuses ont quasiment disparu. On évite même de poser un « like » sous les publications ou les articles épinglant le régime. Avant le décret 54, les internautes s'amusaient carrément à se moquer du président sur la propre page de la présidence de la République.
Quant aux politiques, ils sont devenus très prudents, voire silencieux carrément, comme c'est le cas de Seïf Eddine Makhlouf jadis hyper virulent et insolent. Idem du côté des grandes organisations nationales avec le silence complice du patronat et des avocats et la tête baissée prudente de la centrale syndicale UGTT.
Les rares qui osent encore mettre une voix au chapitre sont les dirigeants du parti Attayar, le dirigeant du Front de salut Ahmed Nejib Chebbi, quelques ONG, dont le SNJT et la LTDH, quelques médias dont Business News, Le Maghreb, Mosaïque (qui a mis beaucoup d'eau dans son vin) et Acharâa el Magharibi et quelques journalistes dont Zied El Heni, Zyed Krichen, Haythem El Mekki, Kaouther Zantour, Moez Ben Gharbia ou Lotfi Laâmari .
Leurs jours sont-ils comptés ? On le craint fort. La première vague d'arrestation du mois de février est survenue après la débâcle électorale du régime aux législatives. Le régime a considéré que ce sont ces hommes politiques qui en sont responsables. Aujourd'hui, en décembre, le régime a subi une nouvelle débâcle électorale avec un taux de participation de 11%. Il n'est donc pas exclu qu'il considère, à nouveau, les politiciens et les journalistes encore libres, d'en être responsables et, donc, de procéder à leur arrestation. L'arrestation abusive de Zied El Heni laisse croire cela en tout cas.
Une chose est certaine, et elle est bien prouvée, l'année 2023 a été celle où les Tunisiens ont été vraiment bâillonnés.


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