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Face aux pages Facebook, l'Etat avoue son impuissance
Publié dans Business News le 24 - 08 - 2023

Moins d'un an après la publication du décret 54 liberticide, le régime de Kaïs Saïed admet qu'il n'a rien pu faire contre les discours de haine sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Entre censure et répression, il cherche à faire taire les pages hostiles par tous les moyens.

Mercredi 23 août 2023, la présidence de la République publie à 23h27 un communiqué suite à la réunion de Kaïs Saïed avec Leïla Jaffel, ministre de la Justice, ainsi que Kamel Feki, ministre de l'Intérieur, Nizar Ben Neji, ministre des Technologies de la Communication, Mourad Saidane, directeur général de la Sûreté nationale, Hassine Gharbi, directeur général et commandant de la Garde Nationale, et Abderraouf Atallah, conseiller principal du président de la République chargé de la sûreté nationale. À l'ordre du jour, les cybercrimes et les dérives observées sur les plateformes des réseaux sociaux.
Juste après, à 23h49, les ministères de de la Justice, de l'Intérieur et des Technologies de la Communication diffusent un communiqué conjoint annonçant des poursuites judiciaires contre ceux qui diffusent des rumeurs et propagent un discours haineux ou menaçant.
Précédemment, sur les pages Facebook réputées proches du régime, toute une campagne est observée à propos de pages Facebook hostiles à Kaïs Saïed. Les partisans du président épinglent notamment Nizar Ben Neji, ministre des Technologies, qui n'a rien fait contre ces pages qui diffusent des injures et des menaces contre le chef de l'Etat.
Pourtant, force est de rappeler le fameux décret 54, publié le 16 septembre dernier, qui punit de cinq ans de prison ceux qui diffusent un contenu diffamatoire ou haineux sur les réseaux sociaux. La peine passe au double, avec cent mille dinars d'amende, si la victime est un agent public ou assimilé.
C'est clair, onze mois après, le régime de Kaïs Saïed avoue son incapacité à faire face à ces pages qui diffusent, quotidiennement, des discours haineux, des menaces et des injures.
Sa stratégie autocratique n'a pas marché et son décret 54 n'a finalement pas intimidé ceux qui l'attaquent quotidiennement.

Si le décret 54 n'a rien résolu, malgré son caractère hautement répressif et liberticide, c'est parce que le régime de Kaïs Saïed n'a pas étudié la question comme il se doit au préalable. Il pensait naïvement que la répression est la solution. Pire, les ministres du régime l'ont utilisé à des fins purement politiques et non pour résoudre un vrai problème.
Plutôt que d'attaquer ceux qui sont derrière les pages Facebook diffusant les menaces, l'injure et la haine, le régime a utilisé le décret 54 contre des journalistes ou des syndicalistes dont le seul tort est d'avoir critiqué des ministres et fait leur travail. Ainsi le cas de Brahim Chaïbi, ministre des Affaires religieuses qui a fait traduire nos confrères Monia Arfaoui, Mohamed Boughalleb et Amine Dhbaïbi, devant la brigade criminelle qui ont osé épingler le ministre sur de supposés abus.
La même brigade criminelle devant laquelle est passé notre directeur Nizar Bahloul en novembre dernier sur la base du même décret 54, suite à une plainte déposée par la ministre de la Justice, pour le compte de la cheffe du gouvernement de l'époque. En cause, un article critiquant les treize mois de gouvernance désastreuse de Najla Bouden.
Et c'est toujours devant cette même brigade criminelle d'El Gorjani devant laquelle ont été traduits nos confrères Haythem El Mekki et Elyes Gharbi, suite à une chronique sur Mosaïque FM qui a déplu à un syndicat sécuritaire. Il s'agit là des cas les plus notoires, mais il y a des dizaines de personnes qui ont été traduites sur la base du décret 54 et certaines d'entre elles, sont aujourd'hui en prison. Le cas du poète et syndicaliste Salah Dhibi incarcéré suite à une plainte de la ministre des Affaires culturelles à cause d'un post Facebook insolent. La même ministre qui poursuit le syndicaliste Nasser Ben Amara, coupable d'exercer son activité de syndicaliste.
L'arme du décret 54 a beau paraître comme répressive, elle a montré ses limites puisqu'elle n'a pas été utilisée à bon escient. Dans chacun de ces cas, les organisations nationales et internationales se sont mises vent debout pour dénoncer le despotisme du régime qui cherchait à faire taire les critiques plutôt que de résoudre le véritable problème du discours haineux sur les réseaux sociaux.
Pire, ce qui a encore plus discrédité le décret liberticide, c'est qu'il n'a jamais été utilisé contre les pages qui se disent proches du régime de Kaïs Saïed et qui diffusent aussi, quotidiennement, des discours de haine, des menaces et injurient les opposants au régime. Les organisations nationales ont beau condamner ces partisans, comme c'était le cas avec Riadh Jrad et Wafa Chedly, le parquet n'a jamais réagi. Il y a même eu plusieurs plaintes contre Me Chedly, sans résultat !
Forcément, quand on utilise un décret répressif contre les uns et pas les autres et quand on l'utilise contre des journalistes et des syndicalistes qui n'ont fait que leur travail, ce décret cesse d'être crédible.
Du coup, onze mois après, le président de la République se trouve obligé de se pencher une nouvelle fois sur le problème resté entier.
Même s'il est démenti par ses ministres et par les faits, Kaïs Saïed se défend de s'en prendre à la liberté d'expression. Pour étayer ses propos, il rappelle que le problème est international et préoccupe tous les pays, ce qui est vrai. En toute hypocrisie, il évoque la Convention de Budapest de 2001 et rappelle que les pays qui ont adhéré à cette convention sont également préoccupés par les risques que présentent ces réseaux.
Pourquoi hypocrise ? Parce que si le chef de l'Etat était sincère, il aurait collé à la convention de Budapest et s'en serait inspiré pour émettre le décret 54. La convention de Budapest distingue clairement, et sans ambiguïté le discours haineux, les menaces et les injures sur les réseaux sociaux, de la critique journalistique et du travail syndicaliste. Kaïs Saïed a donc beau évoquer la convention de Budapest, son décret 54 n'a rien à voir avec elle et ses ministres se sont comportés à l'exact contraire de l'esprit de cette convention.
Le problème des réseaux sociaux est international et il touche, quasiment, tous les pays du monde. Le discours de haine, les menaces et les injures observés sur les réseaux sociaux sont un des cancers qui rongent les sociétés modernes. Et, partout dans le monde, on peine à trouver une solution contre ce phénomène de société. Grâce à l'anonymat et la complexité des recours judiciaires, souvent chronophages, les propagateurs de discours haineux, menaçants et injurieux baignent dans l'impunité totale.
La solution ? Il n'y en a pas une efficace, si l'on observe les expériences comparées dans les autres pays. Le réseau X (ex Twitter) a suspendu le compte de Donald Trump, alors président des Etats-Unis, accusé de propager de la haine. Milliardaire qu'il est, il est allé créer carrément un réseau propre à lui (Truth Social) pour y publier ses propos haineux. Plusieurs journalistes européens et américains ont été suspendus de X, mais le nouvel acquéreur Elon Musk les a rétablis au nom de la liberté d'expression.

Dans ce marécage nauséabond des réseaux sociaux, Kaïs Saïed cherche une solution pour faire taire ses critiques et il s'y prend mal.
En décidant le décret 54, il a pensé que la répression est la solution. Onze mois après, il constate qu'elle est inefficace, puisqu'il ne peut pas toucher ceux qui l'attaquent depuis l'étranger et ils sont nombreux.
Il constate également qu'il ne peut rien faire contre ses ministres qui ont mal compris l'objectif du décret 54 puisqu'ils se sont pris aux médias et aux syndicats au lieu de s'en prendre aux pages Facebook. À cause de cela, Kaïs Saïed a eu l'effet inverse escompté, puisqu'il s'est trouvé accusé de s'en prendre à la liberté d'expression (accusation qu'il tient à rejeter) et s'est mis à dos les organisations nationales (Syndicat des journalistes, UGTT, LTDH, etc.) et internationales (RSF, HRW, Amnesty, etc.).
Enfin, sa politique discrétionnaire fait qu'il n'a jamais touché ses partisans qui, eux aussi, propagent des discours haineux, injurieux et menaçants.
Onze mois après le décret 54, Kaïs Saïed prouve qu'il n'a toujours pas de solution et ne sait toujours pas comment s'y prendre. En convoquant le ministre de l'Intérieur et les hauts cadres sécuritaires, il pense toujours que la solution répressive peut être efficace. En évoquant dans sa réunion du mercredi 23 août, l'agence nationale de sécurité informatique, il prouve qu'il ne connait rien du rôle de cette agence. En convoquant le ministre des Technologies, il pense pouvoir censurer techniquement les pages hostiles, mais il montre qu'il ne sait pas que le ministre est incapable techniquement de cela. Quand bien même il le serait, le ministre ne peut rien faire contre les pages administrées depuis l'étranger (qui resteront visibles de l'étranger quoiqu'il fasse) et qu'il ne peut rien contre les proxys et les VPN qu'on utiliserait pour contourner les éventuelles censures.
La solution ? Il n'y en a aucune dans l'absolu, il y a juste des micro-solutions ponctuelles si on observe ce qui se fait à l'étranger. En Europe et aux Etats-Unis, on réussit momentanément à censure des pages néonazies ou d'extrême droite. Mais d'autres pages sont créées dans la foulée. À quelques exceptions près (terrorisme ou pédophilie) on ne condamne pas les discours de haine avec des peines privatives de liberté.
Les dirigeants des réseaux sociaux sont conscients de la gravité de ce qui se publie chez eux et ont noué des relations étroites avec les gouvernements. Ils réagissent au quart de tour quand des pages sont signalées, soit par les autorités soit par les utilisateurs eux-mêmes.
De pareilles conventions sont possibles, voire existent déjà, avec la Tunisie. Par le passé, on a observé la fermeture immédiate de pages Facebook haineuses, comme c'est le cas de la page d'une célèbre de Wafa Chedly et qui injurie régulièrement et en toute impunité les adversaires du régime. C'était aussi le cas du compte TikTok censuré de l'homophobe Malek Khedhri.
Partant, si le régime veut réellement en finir avec le discours de haine, il peut réussir en partie à condition de s'en prendre exclusivement au discours de haine et non à ses adversaires politiques et ses critiques.
Il faut qu'il comprenne déjà ce qu'est un discours de haine, selon la définition universelle du terme. Dire que « Kaïs Saïed est incompétent et qu'il faut le déloger » n'est pas considéré comme un discours de haine dans le lexique international et chez les réseaux sociaux. Or ceci peut mener droit en prison sous le régime putschiste. Dire sans preuves que « tel ministre est corrompu » justifie un recours judicaire, ailleurs dans le monde, mais ceci ne mène nullement en prison, comme c'est le cas chez nous en 2023.
En clair, Kaïd Saïed doit abandonner l'esprit répressif qui l'habille et lire attentivement et comprendre la convention de Budapest qu'il cite. Une fois qu'il l'a comprise, il doit admettre que les critiques (même hostiles et virulentes) sont une simple liberté d'expression et que l'injure, la haine et la menace se punissent par des amendes et de la censure le cas échéant et non par des peines privatives de liberté.


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