À quatre semaines de l'élection présidentielle, voilà le topo : l'instance des élections s'entête toujours à refuser d'inscrire trois candidats bien que le tribunal administratif ait prononcé un verdict définitif en leur faveur. Insensible à la déclaration de dizaines d'enseignants universitaires de droit, aux positions de plusieurs organisations et associations de la société civile, elle continue de se murer dans un déni de la légalité jamais observé dans le pays. Il faut dire que l'Isie est encouragée par un mutisme complice du pouvoir exécutif, exclusivement entre les mains du président de la République, candidat à sa propre succession et qui se trouve de fait, le principal bénéficiaire de l'élimination de certains candidats et de la multiplication des tracasseries subies par les autres candidats restants. Car malgré tout, il reste toujours deux candidats qui résistent et qui déclarent qu'ils sont décidés à aller jusqu'au bout pour défier le président sortant le 6 octobre prochain. Le premier est Zouhair Maghzaoui, leader du mouvement Echâab, qui a été l'un des premiers à soutenir la démarche du président de la République le 25 juillet 2021. Aujourd'hui, il relève certaines défaillances sur le plan économique et social et dénonce des abus sur le plan démocratique et celui des libertés publiques et privées. À partir de là, il est devenu la cible d'une large campagne de dénigrement et d'invective sur les réseaux sociaux. Aux dernières nouvelles, une réunion des militants de son parti dans la région de Monastir a été interdite. L'autre candidat encore en lice est Ayachi Zammel, président du mouvement Azimoun, à qui on reproche de vouloir tourner la page. Depuis quelques temps, il fait le tour des locaux de la police et de la sûreté nationale, des bureaux des juges d'instruction, des maisons d'arrêt et des prisons du pays dans des affaires de manipulation des parrainages, qui se multiplient à vue d'œil et qui sentent le coup monté. Même la magistrate qui l'a laissé en liberté provisoire dans l'une de ces affaires a été rattrapée par cette chasse à l'homme et s'est retrouvée, hors mouvement annuel des magistrats, mutée à plus de cent cinquante kilomètres de son domicile. Face à ce tableau, la situation semble peu reluisante, surtout si on ajoute à cela l'intention de l'instance des élections d'évincer deux des organisations les plus expérimentées (I Watch et Mourakiboun) de l'observation du processus électoral et surtout des opérations de vote et de comptage des voix. Mais c'est précisément face à un pareil tableau que ces remarques s'imposent. La première consiste à relever que les deux derniers candidats face au président sortant, qui ont réussi jusque-là à contourner tous les obstacles, s'adossent à des partis politiques structurés. Cela met à mal l'idée de l'inutilité des structures intermédiaires érigée depuis peu, sans vérification, comme une vérité absolue. Il est clair à travers cette petite expérience que l'action politique ne peut se faire que dans le cadre d'une structure politique même si elle est de taille restreinte ou même minuscule. Il est temps de revenir aux règles de base : il n'existe pas de démocratie et de vie politique sans partis politiques structurés, qui expriment chacun dans la diversité, la vision d'une frange de la société. La seconde remarque consiste à saluer les candidats : ceux qui ont annoncé leurs intentions et n'ont pu aller jusqu'au bout de leurs projets, ceux qui ont été éliminés de la course pour une raison ou une autre, ceux qui ont été illégalement écartés de la course électorale et enfin ceux qui ont réussi à contourner tous les obstacles et les guet-apens. Il leur a fallu du courage et de l'abnégation pour le faire alors que d'autres faisaient le dos rond. Peu importe le résultat de leurs efforts, le bonheur n'est pas dans l'objectif à atteindre mais dans le chemin qui y mène. Enfin la dernière remarque s'adresse aux citoyens. Face au courage des candidats, le devoir des électeurs est d'aller voter. Leur vote, au candidat de leur choix, confirme leur statut de citoyen et leur donne le droit de continuer de critiquer les pouvoirs publics durant les cinq prochaines années. Ceux qui appellent au boycott n'ont jamais donné la preuve de l'efficacité de l'abstentionnisme pour une raison très simple qui réside dans l'impossibilité de changer une situation sans agir pour changer les rapports de force qui l'animent. Or, c'est connu, la politique est une question de rapports de force. Alors disons tous en chœur : Aux urnes citoyens.