Le projet de budget de l'Etat 2025 ne s'écartera pas des tendances constatées auparavant. Chaotiques avec des dépenses toujours en hausse, sans que le budget d'investissement en profite. Et dire qu'on proclame 2025, l'année du passage de la résilience économique à la reprise économique. Qu'attendent donc les ministères des Finances d'une part et celui de l'Economie et de la planification d'autre part pour publier le Rapport sur le Budget de l'Etat 2025 pour l'un et le projet de Budget économique 2025 pour l'autre ? L'opinion publique ne serait-elle pas en droit de savoir où va le pays et quelle est la situation réelle des finances publiques, deux attentes que reflètent concomitamment le Budget économique qui établit un bilan de la situation de l'économie réelle du pays en 2024 et de ses perspectives en 2025 et le rapport sur le budget de l'Etat qui fournit un bilan provisoire des ressources et des dépenses du budget 2024 et fixe les objectifs de recettes et de dépenses de l'Etat pour 2025. Faudra-t-il se contenter encore de documents fuités, quand bien même ils seraient officieux, pour connaître l'état des finances publiques et du tissu productif du pays et, partant, entrevoir les choix du gouvernement pour redresser les unes et relancer l'autre ?
Un bilan budgétaire 2024 fragile S'agissant de la situation économique, une seule donnée statistique est officielle dans la mesure où elle a été livrée par Samir Abdelhafidh, ministre de l'Economie et de la Planification lors d'une réunion tenue le 1er novembre 2025 avec les membres des commissions des Finances et du budget de l'Assemblée des représentants du peuple et du Conseil national des régions et districts au cours de laquelle il a annoncé que le taux de croissance économique serait de 1,3% en 2024 contre 2,1% fixé initialement par la loi de finances. On n'en saura pas plus. Le compte rendu de la réunion ne dévoilera rien de plus intéressant qu'on ne sache déjà sur les statistiques macroéconomiques du premier semestre 2024. Rien sur la répartition sectorielle de cette croissance, ni sur ses déterminants que sont la consommation et l'investissement en année pleine alors qu'ils pouvaient éclairer davantage sur l'écart et ses raisons entre les prévisions et les réalisations. A ce propos, ce n'est que récemment qu'on a connu la réalité du taux de croissance de 2023. Qu'on se rappelle, ce taux de croissance 2023 avait donné lieu à un véritable bras de fer entre le gouvernement et l'Institut national de statistique (INS). Le premier avait annoncé un taux de 0,8% alors que le second a estimé ce taux à 0,4%. La publication récente du Rapport annuel 2023 de la Banque centrale de Tunisie (BCT) montrera que l'institut d'émission est encore plus pessimiste sur le score de la croissance 2023 puisqu'il estimera son rythme à…0,2%. Maintenant le sujet semble clos puisque le gouvernement a pris acte d'un taux de croissance économique de seulement 0,3% en 2023.
Evolution du budget général de l'Etat (2023-2025) (Milliards de dinars)
Sources: Rapport sur le budget de l'Etat 2025 (Ministère des Finances)
PIB nominal selon les sources d'information (Milliards de dinars) Sources: Rapport sur le budget de l'Etat 2025 (Ministère des Finances) Perspectives économiques mondiales 2025 (FMI) * Prévisions à usage interne Cela étant, un autre sujet demeure ouvert. C'est celui de recourir ou pas à une loi de finances complémentaire pour boucler le budget 2024 avant d'examiner le projet de budget de 2025. Lors d'une réunion tenue le 31 octobre 2024 avec les membres des commissions des finances et du budget de l'ARP et du Conseil national des régions et districts sur le projet de loi de finances 2025, Sihem Nemsia a affirmé qu'il n'y avait pas lieu de présenter pour adoption un projet de loi de finances complémentaire pour l'exercice 2024 dans la mesure où les dépenses du budget n'ont pas enregistré d'augmentation par rapport aux prévisions initiales. Compte tenu de cette condition, il n'était donc nullement utile de procéder à une loi de finances complémentaire pour les exercices 2020 et 2023 puisqu'on y constate aussi une baisse des dépenses budgétaires par rapport à ce qui était initialement prévu. On peut prendre acte du constat de notre ministre des Finances, mais pas de ses conclusions. Et cela pour au moins deux raisons. La première réside dans le fait de savoir si le gouvernement n'aurait pas décidé de différer certains engagements de dépenses. Autrement dit, de laisser des factures en attente. La seconde réside dans l'article 7 de la loi de finances 2024 qui fixe le montant des ressources de trésorerie et leur répartition entre emprunts intérieurs, emprunts extérieurs et autres ressources de trésorerie. Initialement, les ressources d'emprunts intérieurs ont été fixées à 11,7 milliards de dinars et les emprunts extérieurs à 16,4 milliards. A l'arrivée, il s'agit d'emprunter près du double sur le marché intérieur (23,2 milliards de dinars) et seulement 5 milliards de dinars d'emprunts extérieurs. Un tel constat ne milite-t-il pas sinon n'exige une loi de finances complémentaire ?
Augmentation des ressources, oui ; réduction des dépenses, non Quoi qu'il en soit, le projet de loi de finances et de budget 2025 ne s'écartera pas des tendances constatées auparavant. A savoir des dépenses toujours en hausse qui ne peuvent être satisfaites que par un accroissement de la pression fiscale ou une hausse des emprunts nets.
Evolution des emprunts nets (Milliards de dinars) Sources: Rapport sur le budget de l'Etat 2025 (Ministère des Finances) Taux d'endettement public selon les sources d'information (% du PIB) Sources: Rapport sur le budget de l'Etat 2025 (Ministère des Finances) Perspectives économiques mondiales 2025 (FMI) * Prévisions à usage interne Entre 2020 et 2024, la pression fiscale a gagné 1,5 point de PIB selon les calculs du gouvernement alors qu'elle aurait augmenté de plus de 3,1 points de PIB selon le FMI et 3,6 points de PIB selon l'INS. Quant aux ressources d'emprunts, elles sont passées de 15,9 milliards de dinars en 2020 à 28,2 milliards en 2024. Pour 2025, la pression fiscale selon le gouvernement atteindrait 24,8% du PIB, le même niveau que celle de 2024. Il en serait de même pour les ressources d'emprunt avec un montant qui avoisine les 28 milliards de dinars. Tels sont les choix budgétaires du gouvernement. Y auraient-ils des alternatives à ces choix ? Des économies de dépenses ne seraient-elles pas envisageables, comme réduire sensiblement les subventions à l'énergie, par exemple, au lieu d'imposer une nouvelle forme de fiscalité pour les entreprises qui ne se base plus sur les bénéfices mais sur le chiffre d'affaires, une hérésie pour ne pas dire une aberration ? Voilà deux ans que la subvention à l'énergie coûte à l'Etat environ 7 milliards de dinar annuellement. Un ajustement des prix à la pompe n'aurait-il pas été préférable pour faire l'économie d'un charivari des taux de l'IRPP (Impôt sur les revenus des personnes physiques) et de l'IS (Impôt sur les sociétés) d'autant qu'aucune augmentation du prix des carburants à la pompe n'ait intervenu depuis deux ans ?
Lors de sa rencontre avec les membres des commissions des Finances et du budget précitées, le ministre de l'Economie et de la planification a estimé que 2025 marquera le passage de la résilience à la relance de l'économie. Avec des dépenses budgétaires en hausse constante sans que le budget d'investissement n'enregistre la moindre augmentation, il y a loin de coupe aux lèvres.