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Sadok Mourali, un ministre de la Jeunesse qui n'a rien compris aux jeunes
Publié dans Business News le 12 - 11 - 2024

Dans une sortie médiatique hors du commun, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Sadok Mourali s'est adressé hier, 11 novembre 2024, à un jeune en lui vantant la nouvelle vision promue par le président de la République consistant à lancer des sociétés communautaires. Le jeune paraissait sceptique, mais le ministre était insistant : « oublie l'académie, prenez ce terrain, regroupez-vous et créez une société communautaire ! ». Visiblement, c'était un dialogue de sourds. Le jeune n'a rien compris au discours propagandiste du ministre et le ministre n'a rien compris aux attentes du jeune.

Il a 59 ans, les cheveux poivre et sel, la moustache fournie et il est ministre de la Jeunesse et des Sports. Sadok Mourali fait partie des très rares ministres du gouvernement Maddouri qui a « osé » une sortie de terrain accompagné de caméras de médias, dans une période où les journalistes sont considérés comme des pestiférés. La scène a été filmée par Mosaïque FM et se déroule à Kasserine près d'un terrain gazonné. On voit le ministre s'adresser à un jeune diplômé d'éducation physique, lui disant d'exploiter ce terrain public : « Oublie l'académie, oublie l'association et crée une société communautaire, le président de la République a apporté une nouvelle pensée vous devez le comprendre ! Rassemble trois, quatre, cinq camarades et créez une société communautaire ! Allez, on est d'accord ? ». Le ministre s'adresse ensuite au gouverneur pour lui demander de s'occuper davantage des jeunes chômeurs et de lui assurer qu'il comptait sur lui pour ce faire.

La scène est des plus surréalistes. Sous d'autres cieux, elle aurait fait la une des émissions humoristiques et/ou provoqué une réaction immédiate du parquet, de l'opposition et des ONG luttant contre la corruption. En Tunisie, elle passe crème comme une scène tout à fait ordinaire de la vie politique.
S'il n'y a rien d'anormal à ce qu'un ministre promeut la politique de son président de la République, il est quand même étrange qu'il dise à un jeune d'exploiter un terrain appartenant à l'Etat ou à la collectivité locale. Quelle loi l'autorise pour s'approprier, à titre privé, un terrain public ? Si, demain, le pouvoir change, le jeune ne risque-t-il pas d'être poursuivi pour enrichissement illicite, corruption, ou via le fameux article 96 du code pénal, à l'instar de plusieurs ex hauts responsables de l'Etat et chefs d'entreprises, actuellement en prison ?
Tout aussi anormal qu'il demande à un jeune d'abandonner ses rêves de lancer une académie sportive et de se lancer dans une société communautaire dont les tenants et aboutissants échappent encore aux observateurs les plus avisés.
Cela fait un bon moment que le gouvernement fait la promotion des sociétés communautaires, idée très chère à Kaïs Saïed qui croit, dur comme fer, que c'est elle qui va sortir les Tunisiens de leur misère ou, au moins, de leur chômage. Le chef du gouvernement en a parlé lors de son discours devant le parlement le week-end dernier et on a même créé un secrétariat d'Etat ad-hoc.
N'empêche, en dépit de toute la propagande gouvernementale, il n'y a eu absolument aucune étude sérieuse autour de ces sociétés communautaires. À ce jour, on ne sait pas quelle est la viabilité de ce type de projets, quelle peut être leur rentabilité et sont-elles meilleures ou pas que les entreprises classiques. L'Etat ne peut pas encourager les jeunes à aller dans une direction dont ils n'ont aucune idée, ni aucun plan concret, de la destination.
Cette idée neuve, par ailleurs, n'a été observée nulle part ou presque. Certes, il y a quelques exemples d'entreprises communautaires dans le monde, mais elles restent marginales et ne se sont jamais distinguées dans une quelconque économie. Dans les économies des pays développés, seules les entreprises se distinguent et créent de l'emploi et de la croissance. Point d'entreprises communautaires.
Faute d'étude sérieuse, les jeunes ne peuvent pas se lancer dans les entreprises communautaires. Or l'Etat a lancé un secrétariat d'Etat et promeut un type d'entreprise sans aucune étude au préalable.
Il n'a même pas lancé une campagne de communication digne de ce nom à ce sujet. On se suffit uniquement des déclarations politiques pour promouvoir l'idée neuve du président.
En clair, le ministre, ses pairs du gouvernement et leur président demandent aux jeunes de se lancer dans l'inconnu.

Bien qu'il soit énarque et qu'il a fait toute sa carrière auprès des jeunes, Sadok Mourali donne l'impression qu'il vit sur une planète autre que celle où se trouve le jeune diplômé kasserinois en face de lui.
Selon une très sérieuse étude sur les jeunes tunisiens réalisée en 2023 par le professeur de sociologie et d'anthropologie Imed Melliti pour le compte de la fondation allemande Friedrich Ebert (FES), « les jeunes tunisiens sont très nombreux à exprimer le désir de quitter le pays en pensant que leur salut et leur réussite en dépendent ».
La même étude précise que la sécurité économique est le facteur de satisfaction le plus déterminant et qu'il arrive en tête avec un taux de 59%. Ce besoin de sécurité est plus grand chez les jeunes du milieu rural (67 %) et les jeunes issus des milieux les moins nantis (62 %).
Pour assurer cette sécurité économique, si chère à leurs yeux, les jeunes cherchent à intégrer la fonction publique qui leur offre la stabilité ou à lancer leur propre projet qui, s'il réussit, leur garantit le confort matériel. À défaut d'obtenir un emploi dans la fonction publique et d'avoir les moyens et le courage nécessaire de se lancer dans leur propre entreprise, les jeunes s'orientent vers le privé (où 75% n'ont pas de contrat de travail selon l'étude de FES) ou l'exil.
Quelle que soit l'option choisie par les jeunes, les entreprises communautaires n'en font pas partie. Et la raison est simple, ces entreprises synonymes d'inconnu, ne garantissent ni stabilité de l'emploi, ni richesse matérielle. En effet, il n'est pas question de devenir riche en lançant ce type d'entreprises, selon les promoteurs gouvernementaux. L'idée du président est de s'assurer d'un minimum vital en proposant des produits bon marché afin de préserver le pouvoir d'achat des citoyens.
Le jeune kasserinois qui a interpellé le ministre fait partie de la deuxième catégorie, celle qui veut se lancer à son propre compte. Etant diplômé en éducation physique, il veut lancer sa propre académie sportive. Voilà une idée qui n'est pas neuve, mais qui a le mérite d'avoir du succès partout où elle a été appliquée. Les académies sportives marchent partout dans le monde, y compris en Tunisie. La championne nationale de tennis, Ons Jabeur, compte lancer la sienne. De grandes entreprises tunisiennes, telle Ooredoo, ont lancé la leur. Dans le monde, les plus grandes académies sportives ont été lancées par les plus grands champions, telle celle de Rafael Nadal en Espagne.
Le jeune Kasserinois, aussi démuni soit-il, a les pieds sur terre et sait ce qui se passe aussi bien dans son pays qu'ailleurs. Son ambition n'a rien de démesuré, il a juste besoin des moyens matériels pour transformer son rêve en réalité.
En lui demandant d'oublier son rêve de l'académie et l'enjoignant à adopter le rêve (ou le fantasme du moment) du président de la République, Sadok Mourali montre qu'il n'a rien compris à ce jeune et aux jeunes en général. Un jeune suit sa propre ambition et non celle des autres. Il prend exemple sur des modèles qui ont réussi ailleurs et non sur des modèles qui n'existent nulle part. Il est prêt à s'ouvrir à d'autres horizons, mais à condition qu'on lui démontre par a+b que ces horizons vont dans son sens. Il n'est pas prêt, en revanche, à s'approprier les biens publics pour des fins privées, quand il voit le sort fatal réservé à ceux qui ont pris ce chemin.


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