Il est l'un des plus grands exportateurs d'huile d'olive en Tunisie à la tête du groupe CHO. Abdelaziz Makhloufi, également président du Club sportif sfaxien (CSS), a été placé en garde à vue depuis le 2 novembre 2024. Beaucoup de rumeurs ont circulé concernant les raisons de cette mise en garde à vue. De quoi est-il réellement accusé ? Mercredi 30 octobre 2024, le président de la République, Kaïs Saïed, effectue une visite inopinée au domaine agricole Chaâl, l'une des plus grandes fermes d'oliviers au monde. Officiellement, il s'agit d'une évaluation de la situation et de la gestion de ce vaste domaine public. Cependant, Brahim Ouled Ali, député et partisan actif du président, a laissé entendre que cette visite présidentielle n'était pas spontanée. « Cette visite a été minutieusement planifiée, donnant l'impression que des efforts ont été déployés pour dissimuler l'état réel du domaine », affirme-t-il sur les ondes de Jawhara FM. L'état du domaine est désastreux, avec des oliviers centenaires abattus, des bâtiments en ruine, et un domaine entier en proie à une gestion défaillante. Le domaine Chaâl, qui s'étend sur 31.000 hectares à Sfax, est plus qu'une simple ferme : c'est un pilier du secteur agricole tunisien. Avec 380.000 oliviers, dont 73 % sont âgés de plus de cent ans, il représente un patrimoine agricole exceptionnel. Ce domaine emploie directement 435 personnes et en fait vivre 385 autres à travers des emplois indirects. Pourtant, ce modèle agricole semble miné par des pratiques douteuses, bien loin de la prospérité qui avait fait autrefois la renommée du domaine. En 2017, Chaâl avait rapporté près de 50 millions de dinars grâce à la vente de son huile d'olive. Mais ces gains semblent aujourd'hui compromis par ce que certains qualifient de « corruption systémique ». Le lendemain de la visite présidentielle, l'affaire prend un tournant spectaculaire : Abdelaziz Makhloufi, PDG du groupe CHO et président du Club Sportif Sfaxien (CSS), est placé en garde à vue pour des accusations de blanchiment d'argent et d'exploitation de sa position pour réaliser un profit de manière illégale. Une brigade de la Garde nationale de Mahres se rend dans son huilerie à la délégation de Menzel Chaker pour l'informer de la procédure, suivie quelques heures plus tard par une intervention de la brigade d'El Gorjani. Le pôle judiciaire économique et financier s'empare rapidement du dossier, ouvrant une enquête approfondie. Ces accusations viennent s'ajouter à d'autres éléments qui jettent une ombre sur la gestion de M. Makhloufi. Il est notamment accusé d'avoir utilisé sa position pour favoriser ses propres intérêts, notamment dans le cadre d'un accord qui lui aurait permis d'obtenir des oliviers à un prix symbolique. Il est également sous investigation pour des pratiques douteuses concernant l'achat de matériel agricole, dont des tracteurs, financés en partie par des fonds publics. L'une des questions qui émerge concerne l'implication de son gendre, Hassen Chaaben, dans ce dossier. M.Chaaben est accusé d'avoir joué un rôle clé dans certaines transactions suspectes, contribuant à accroître la complexité de cette affaire. Parallèlement, l'ancien ministre de l'Agriculture, Samir Taïeb, est également mentionné dans le dossier. Bien qu'il n'ait pas été directement mis en cause, des rumeurs persistent sur une possible complicité ou une négligence dans la supervision des pratiques de M. Makhloufi. Cette situation soulève des interrogations sur l'étendue de la corruption et sur les liens entre les acteurs politiques et économiques du secteur agricole. Des spécialistes de l'industrie de l'huile d'olive ont exprimé leurs inquiétudes quant à une possible ingérence étrangère. Certains pensent que des pays concurrents de la Tunisie cherchent à affaiblir les producteurs locaux, en particulier le groupe CHO de Makhloufi, qui exporte une grande partie de sa production vers les Etats-Unis et l'Europe. Cette préoccupation a été exacerbée par le récent vol massif d'huile d'olive du groupe CHO, d'une valeur de 2,5 millions de dollars aux Etats-Unis. Cet incident a suscité des interrogations quant à ses motivations, certains suggérant qu'il pourrait s'agir d'une tentative de déstabilisation visant à affaiblir les activités commerciales du groupe et à détourner l'attention des acteurs économiques tunisiens. Il convient de noter que le groupe CHO assure la mise en bouteille de l'huile d'olive sous le drapeau tunisien. Cette arrestation survient à un moment délicat. La saison de la récolte d'olives est sur le point de débuter, avec des prévisions de production record estimées à 340.000 tonnes, soit une augmentation de 55 % par rapport à l'année précédente. Les producteurs et exportateurs tunisiens, dont le groupe CHO de M. Makhloufi, attendent avec impatience l'une des récoltes les plus importantes de la décennie. Pour beaucoup, cette arrestation soulève la question suivante : pourquoi maintenant, alors que les enjeux économiques de la récolte sont cruciaux pour le secteur de l'huile d'olive et l'économie tunisienne ? D'autres interrogations émergent concernant le timing : pourquoi maintenant, alors que le dossier de l'huile d'olive a été examiné à maintes reprises au sein de plusieurs conseils ministériels en 2022 et 2023 ? Abdelaziz Makhloufi, qui est également un acteur majeur du marché international de l'huile d'olive, exporte une grande partie de sa production aux Etats-Unis et en Europe. Cette dimension internationale ajoute une couche supplémentaire de complexité à l'affaire, d'autant plus que des tensions géopolitiques peuvent nuire à la réputation des producteurs tunisiens si l'affaire se prolonge. La position de Makhloufi en tant qu'exportateur de renom est ainsi mise en péril, d'autant que la Tunisie cherche à augmenter ses parts de marché dans ces régions clés. La tension est palpable dans la ville de Sfax, où M.Makhloufi est une figure emblématique en tant que président du CSS. L'arrestation du dirigeant a eu un impact émotionnel fort sur les supporters du club. Lors du dernier match contre l'Olympique de Béja, deux supporters seraient décédés des suites de crises cardiaques, des incidents tragiques qui reflètent la montée de la pression dans cette ville déjà éprouvée par des défis économiques et sociaux. Cette tragédie se déroule dans un contexte de crise, où l'Etat n'a pas réussi à homologuer le stade Taïeb Mhiri pour les compétitions de la CAF, un revers qui a exacerbé la frustration des habitants et des supporters. Les tensions à Sfax ne se limitent pas aux stades : à Jebeniana et El Amra, les affrontements entre migrants subsahariens et habitants locaux sont de plus en plus fréquents. Ces derniers, ne pouvant plus accéder à leurs oliviers, occupés par des migrants, voient leurs conditions de vie se dégrader. La situation est devenue insoutenable, avec des tensions qui risquent de s'intensifier à mesure que la récolte approche. Avant même l'arrestation de M. Makhloufi, le sujet de l'huile d'olive avait déjà fait couler beaucoup d'encre. Le 23 octobre 2024, Dhaoui Midani, président du Syndicat des agriculteurs de Tunisie (Synagri), lançait un appel retentissant : « L'huile d'olive doit être accessible aux Tunisiens ! » Pour Midani, la solution est simple : il faut une décision politique ferme pour fixer le prix de l'huile à dix dinars le litre, bien en dessous du prix actuel sur le marché. Cette déclaration, qui intervenait peu avant la visite présidentielle à Chaâl, a relancé un débat houleux sur le prix de l'huile d'olive, un produit à la fois emblématique et indispensable pour les Tunisiens. L'enquête sur Abdelaziz Makhloufi dépasse désormais les simples allégations de mauvaise gestion. Son équipe de défense a fermement nié les accusations qui pèsent sur lui, notamment celles liées à l'achat de tracteurs via des fonds publics et à l'accord supposé qui lui aurait permis de bénéficier d'une récolte pour un dinar symbolique par olivier. Selon son avocat, Jawhar Laadhar, ces accusations sont totalement infondées et ne reposent sur aucune preuve tangible ajoutant que la position juridique de son client est totalement correcte. Pour l'instant, l'arrestation de M. Makhloufi continue de provoquer de vives réactions, tant au niveau local qu'à l'échelle nationale. Le timing de cette affaire, qui survient à l'approche d'une récolte record, avec les tensions croissantes à Sfax, soulève des interrogations sur les véritables motivations derrière ces événements. La question qui demeure est : cette affaire marquera-t-elle le début d'une réforme en profondeur du secteur oléicole, ou n'est-ce qu'une tempête médiatique sans lendemain ? Il est certain que cette arrestation suscite de nombreuses interrogations. Pourquoi maintenant, au lieu de plusieurs années auparavant, lorsque les problèmes du secteur étaient déjà évidents ? La défense de M. Makhloufi et son entourage restent étonnamment discrets face aux accusations portées contre lui. Aucune information claire n'a été fournie concernant les détails de l'enquête, et aucune réponse n'a été donnée quant à l'implication de la famille dans cette affaire. Cette absence de communication renforce les spéculations et nourrit les rumeurs.