Dans une lettre poignante, la mère de Sherifa Riahi, détenue depuis plusieurs mois, exprime son désespoir face à l'injustice subie par sa fille. Elle dénonce un acharnement politique déguisé en procédure judiciaire, dans un climat où le droit semble avoir cédé la place à l'arbitraire. À travers ses mots empreints de douleur et de colère, elle appelle à la mobilisation pour exiger la libération de Sherifa et de tous les prisonniers engagés dans l'action humanitaire, victimes d'un pouvoir qui cherche à écraser toute voix dissidente. Voici son texte traduit de l'arabe dans son intégralité.
« Monsieur le juge, je ne suis pas un dossier, je suis la mère de Sherifa Riahi ! Depuis le 7 mai 2024, Sherifa Riahi, militante tunisienne des droits humains et présidente d'une section de l'association Terre d'Asile Tunisie, est détenue depuis plus de 306 jours, dans un tournant répressif du régime tunisien marqué par la criminalisation de l'engagement civil. Sherifa a été arrêtée alors qu'elle était en congé maternité, après avoir donné naissance à sa fille qui n'avait alors que deux mois. Son arrestation a été soudaine, sans égard pour son état de santé physique et mental en tant que jeune mère, ni pour l'intérêt supérieur de son enfant. Le régime a transformé cette période de maternité en une épreuve douloureuse, éloignant Sherifa de son bébé, la privant de ses droits les plus élémentaires en tant que mère, y compris l'allaitement et les soins maternels. Le motif officiel de son arrestation reposait sur des soupçons de blanchiment d'argent et d'enrichissement illégal dans le cadre de son travail sur les questions migratoires. Pourtant, ces accusations ont été abandonnées aux phases d'enquête préliminaire et d'appel. Malgré cela, elle demeure détenue, ce qui soulève de sérieuses interrogations sur les véritables motivations de son maintien en détention, d'autant plus que des experts ont démontré l'inconsistance de ces accusations. Par ailleurs, l'abandon des poursuites contre l'association Terre d'Asile Tunisie en tant que personne morale souligne l'absurdité de l'acharnement judiciaire contre sa présidente. La répression ne s'est pas arrêtée là : après l'abandon des charges financières, de nouvelles accusations ont été portées contre elle, cette fois directement liées à son engagement humanitaire en faveur des migrants et migrantes. On lui reproche notamment d'avoir fourni une protection humanitaire aux personnes en détresse en Tunisie. Dans ce contexte, il apparaît clairement que les autorités tunisiennes font fi de la situation humanitaire que traverse Sherifa et sa famille. Des mesures judiciaires moins sévères auraient pu être prises, comme lui permettre de rester libre durant l'enquête, d'autant plus qu'elle ne représente aucune menace pour l'ordre public. Elle aurait dû pouvoir s'occuper de son nourrisson dans un environnement sain et sécurisé, loin de toute pression psychologique et matérielle. L'arrestation de Sherifa Riahi ne se limite pas à son cas personnel, mais s'inscrit dans une offensive plus large contre les militant·es et défenseur·es des droits humains en Tunisie. Dans le climat politique actuel, le régime cherche à faire taire les voix dissidentes en criminalisant et en discréditant toute opposition à sa politique migratoire. Cette stratégie se traduit par des campagnes de diffamation orchestrées contre les défenseur·es des droits humains, à travers les médias et les réseaux sociaux, avec des discours haineux visant à les fragiliser psychologiquement et à les intimider par des menaces d'arrestation ou la diffusion de leurs informations personnelles, les exposant ainsi à un danger physique réel. Dans le cas de Sherifa, cette campagne d'intimidation a profondément affecté sa santé mentale et celle de sa famille, aggravée par sa détention arbitraire alors qu'elle venait d'accoucher. Comment un régime peut-il prétendre défendre la justice alors qu'il bafoue les droits fondamentaux d'une mère et de son enfant ? Le maintien en détention de Sherifa dans ces conditions extrêmes illustre l'échec flagrant du régime tunisien à garantir les droits les plus élémentaires et confirme son glissement autoritaire, loin des principes d'un Etat de droit respectueux des droits humains. Ce qui arrive à Sherifa Riahi n'est qu'un maillon de plus dans la longue chaîne de répression qui s'abat sur la société civile en Tunisie, où les associations et organisations de défense des droits humains, en particulier celles qui travaillent sur la migration, sont ciblées et persécutées ».