Lancement de l'initiative Ahd Tounes : pour un pacte national de sauvetage et de consensus    Rayen Hamzaoui : ses enfants privés de visites directes à Mornaguia    Tunisie : trois ans de prison pour un ex-président d'un club sportif dans une affaire de corruption    Demande de change : la Banque Centrale lève le voile sur sa nouvelle procédure    nouvelair célèbre son 36ème anniversaire et remercie ses passagers avec une offre exceptionnelle de 36 % de réduction sur tout le réseau    La Tunisie salue l'accord de cessez-le-feu et met en garde contre de nouvelles violations à Gaza    La Tunisienne Sara Ben Ahmed championne du monde du 1000 m en eau libre    Ras Jebel : six lycéens arrêtés après une agression à l'arme blanche    Al Sissi à Trump : vous méritez le prix Nobel de la paix !    Santé : la Tunisie et l'Italie veulent moderniser leur coopération    Décès d'Abdeljabar Machouch, légende de l'Espérance de Tunis    Ooredoo Tunisie obtient la certification ISO 22301:2019 - Premier opérateur en Tunisie à recevoir cette reconnaissance internationale en continuité d'activité    Houbeb Ajmi annonce le lancement du Centre de recherche et d'innovation d'Honoris en Tunisie    Les avocats confirment que le Tunisien, détenu par Israël, va bien    Fin du calme météo : des pluies prévues dès dimanche en Tunisie    Kasserine : un adolescent infecté par la rage, mais décédé pour une autre cause    Rotary Club Ariana La Rose et l'artiste Olfa Dabbabi proposent l'exposition "Etoiles de dignité"    Foyer universitaire de Kasserine : le mur n'est pas qu'esthétique, c'est une protection vitale    Tunisair approuve une émission obligataire de 150 millions de dinars pour renforcer ses activités    Abdelaziz Kacem: N'est pas Bourguiba qui veut    Pour la quatrième fois de son histoire, Mohamed Salah mène l'Egypte à la qualification pour la Coupe du Monde    Plus de 4,4 millions de dinars pour un mur d'un foyer universitaire : le gouvernorat de Kasserine justifie le coût    Baccalauréat 2026 : Ouverture des inscriptions pour les candidats    Vaccin contre la grippe dès le 15 octobre : deux vaccins disponibles à 37,600 à 40 dinars    L'Allemagne met fin à un programme d'accès rapide à la citoyenneté    Envirofest 2025 débarque à Ain Drahem : cinéma, éco-village et mobilisation citoyenne à Dar Fatma    Riadh Ben Sliman: Le monde qui vient aura la question palestinienne comme épicentre    Ya Hasra, «Le Battement des années», de Tahar Bekri    Tunisie : Arrestation de l'homme ayant violemment agressé son frère en situation de handicap    Une étudiante tunisienne emprisonnée en Russie, sa mère lance un appel de détresse    Météo : pluies attendues dans l'ouest du pays aujourd'hui    Dettes, réserves et inflation, Bassem Ennaifer décrypte la situation économique    Taekwondo : l'équipe de Tunisie en route pour le Mondial en Chine    Le projet de loi de finances et la balance économique au cœur d'une rencontre entre Kaïs Saïed et Sarra Zaâfrani Zenzri    Gaza: Signature de l'accord de cessez-le-feu prévue à 09h00 GMT    Arrestation de Lassad Yakoubi    Radio Tataouine : la Tunisie règle ses dettes avant la fin du monde !    Hommage à Claudia Cardinale lundi prochain à l'IFT : Projection de « L'île du Pardon » de Ridha Béhi    Goethe-Institut Tunis invite le public à vivre un voyage sensoriel avec Paul Klee à travers 'KleeXperience'    Tunisie : Hussein Jenayah intègre le comité des compétitions masculines à la FIFA    Une radio web féministe "Radio Houriya" lancée par les étudiantes de l'école féministe Aswat Nissa    Officiel : Oussama Cherimi qualifié pour renforcer le Club Africain    Plus de 45 000 ingénieurs tunisiens ont quitté le pays, alerte le doyen de l'Ordre    Cette image de Ronaldo avec un keffieh et le drapeau palestinien est générée par IA    Patrimoine en danger : Quand une maison oubliée devient vitrine de l'identité tunisienne    « Beit al-Hikma » : une exposition du livre du 13 au 19 octobre prochains    ARP : nouvelle session et appui au développement agricole    Mondiaux para-athlétisme : Raoua Tlili médaillée d'or au lancer du disque F41    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'obsession présidentielle contre les fonctionnaires
Publié dans Business News le 27 - 06 - 2025

Il ne se passe plus une semaine sans que Kaïs Saïed évoque et/ou menace les différents responsables de l'Etat qui, à ses yeux, n'accomplissent pas suffisamment leurs devoirs. Kaïs Saïed veut purger l'administration de ceux qui ne lui sont pas loyaux et les remplacer par des jeunes, parmi ceux longuement au chômage.

Que Kaïs Saïed dise et répète les mêmes choses, comme un enseignant qui répète le même cours à ses étudiants, des décennies durant, cela n'a rien de nouveau. Mais a-t-on une idée de la fréquence ?
Prenons, par exemple, la question des fonctionnaires qui sont dans le viseur de Kaïs Saïed. Il veut remplacer ceux qui ne lui sont pas loyaux par les jeunes longuement au chômage qui croient en ses idées et en son programme de construction et d'édification. Entre le 5 mai 2025 et le 25 juin 2025, soit un mois et vingt jours, Kaïs Saïed a évoqué et/ou menacé les fonctionnaires douze fois. Onze fois devant la cheffe du gouvernement Sarra Zaâfrani Zanzri et une fois en conseil des ministres. En cas de doute, voici les dates pour vérifier : le 5 mai, le 14 mai, le 19 mai, le 26 mai, le 28 mai, le 2 juin, le 4 juin, le 10 juin, le 16 juin, le 18 juin, le 19 juin (en conseil des ministres) et le 25 juin.
Chaque fois, c'est une variante de la même formule : les fonctionnaires doivent être des combattants au service de l'Etat, et ceux qui ne travaillent pas comme il se doit doivent être remplacés. Les portes doivent s'ouvrir devant les jeunes qui sont longuement au chômage pour porter le flambeau.

Derrière les menaces, l'idée d'un blocage idéologique
Si Kaïs Saïed répète inlassablement ses menaces contre les fonctionnaires, c'est qu'il estime que c'est eux qui le bloquent dans son programme de construction et d'édification, et ce dans l'objectif de servir de prétendus lobbys au lieu de servir l'Etat et le peuple. Comment le bloquent-ils ? D'après Kaïs Saïed (dans sa dernière rencontre avec la cheffe du gouvernement, comme dans beaucoup d'autres) :

« Beaucoup se retranchent derrière les procédures, alors que lorsqu'il y a une intervention directe d'un piston pour résoudre un problème simple auquel sont confrontés les agents de l'administration de manière générale, les lenteurs et les prétextes procéduraux disparaissent, révélant ainsi que cette passivité et ces justifications ne sont pas innocentes. »
Comme d'habitude, encore une fois, Kaïs Saïed ajoute un zeste de conspirationnisme à toutes les sauces.

Des lois qu'on applique… jusqu'à en être puni
Si les fonctionnaires évoquent les procédures, c'est parce qu'ils veulent juste appliquer les lois. Certes, beaucoup de ces lois sont désuètes, mais elles existent quand même et elles doivent être appliquées. À défaut, ils risquent la prison — et c'est le cas de dizaines, voire de centaines, parmi eux.
Si l'on suit le raisonnement de Kaïs Saïed, les fonctionnaires ne doivent plus évoquer les procédures et les lois dès lors que celles-ci entravent le bon fonctionnement de l'administration et le service rendu aux citoyens. Le risque qu'ils encourent ? Kaïs Saïed n'en a cure, visiblement, bien que lui-même épingle ceux (qualifiés de corrompus) qui ne respectent pas les lois.
Dans une publication percutante sur sa page Facebook, le journaliste Zied El Héni revient sur un épisode marquant de l'ère Ben Ali : l'emprisonnement d'un conseiller présidentiel pour avoir exécuté un ordre écrit du chef de l'Etat. L'affaire, oubliée par beaucoup, refait surface aujourd'hui à la lumière des propos récents de Kaïs Saïed.
Lors de sa dernière rencontre avec la cheffe du gouvernement, le président a vivement critiqué certains agents de l'administration qu'il accuse de servir les intérêts de « lobbys » et de se retrancher derrière des procédures pour bloquer les réformes. Il a même suggéré de les remplacer par des chômeurs, jugés plus « patriotes » et « dévoués ». Zied El Héni y voit une dangereuse dérive : celle d'un président qui exige une obéissance aveugle, quitte à pousser les fonctionnaires à violer la loi.
En s'adressant à Kaïs Saïed, professeur de droit devenu chef de l'Etat, M. El Héni interroge : « a-t-il seulement mesuré les implications de ses propos ? Comprend-il que la Tunisie est un Etat de droit, et non une propriété personnelle ? » Pour le journaliste, le chef de l'Etat persiste dans une posture populiste, refusant de reconnaître l'échec de ses politiques, préférant accuser d'hypothétiques « lobbys » d'être à l'origine des crises.

Le vrai projet : purger l'Etat, détruire l'administration
Et c'est bien là que réside le danger. Quand un président répète quelque chose une ou deux fois, cela peut passer pour une obsession. Mais quand il martèle le même discours une douzaine de fois en six semaines, qu'il revient sur les mêmes accusations un an après les avoir abandonnées, qu'il ressuscite un vieux projet de purge par décret, et qu'il ordonne encore, toujours, sans jamais préciser les contours juridiques de sa stratégie… alors il ne s'agit plus de rhétorique. Il s'agit d'un plan.
Tout indique que Kaïs Saïed se prépare à frapper. Il ne s'attaque plus seulement à une dérive administrative ou à une erreur de gestion ici ou là. Il prépare une grande lessive, un assainissement de l'administration qui pourrait prendre la forme d'un décret présidentiel balayant jusqu'à 250 000 agents recrutés depuis 2011 hors des concours. Cette hypothèse, documentée, chiffrée et déjà amorcée depuis août 2023, n'a rien de farfelu. Elle est sur la table, en silence, sous l'écran de fumée des discours patriotiques.
Et dans cette logique, les répétitions ne sont pas des redites : elles sont des avertissements. Le président a déjà mis la justice au pas, écarté ses opposants, muselé les contre-pouvoirs. Il reste l'administration. Il reste les rouages techniques de l'Etat, ces fonctionnaires qui, bon gré mal gré, font tourner la machine. Leur tour vient.
S'ils refusent d'exécuter un ordre verbal illégal, ils seront poursuivis pour obstruction. S'ils l'exécutent, ils seront poursuivis pour abus de fonction. S'ils protestent, ils seront accusés de complicité avec les lobbys. Et s'ils se taisent, ils seront remplacés. Le piège est verrouillé.

Des chômeurs pour sauver l'Etat
On ne sait pas encore quand le coup viendra. Mais tout indique qu'il viendra. Et quand il frappera, on dira que c'était prévisible. Que les signes étaient là. Que les discours étaient trop fréquents, trop convergents, trop appuyés pour ne pas annoncer une exécution.

Car une fois les actuels fonctionnaires écartés, ce sont les chômeurs de longue durée que Kaïs Saïed s'apprête à intégrer. Des jeunes peut-être pleins de bonne volonté, mais dépourvus de toute expérience, étrangers aux rouages de l'administration, incapables d'en comprendre les subtilités ou les responsabilités.
Si ces hommes et ces femmes n'ont pas su trouver de solution à leur propre situation pendant dix ou quinze ans, comment pourraient-ils subitement devenir les bâtisseurs compétents d'un Etat en ruine et trouver des solutions pour l'ensemble du pays ?
Le danger n'est donc pas seulement dans la purge. Il est dans ce qui vient après : une administration fragilisée remplacée par un volontarisme aveugle, une loyauté naïve, une foi aveugle dans le chef. Autrement dit, le chaos organisé.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.