Le Conseil de l'Ordre des avocats a exprimé à l'issue de sa réunion d'hier, son inquiétude face aux dérives constatées dans plusieurs affaires judiciaires impliquant des avocats, journalistes et militants politiques. Dans un communiqué publié ce jeudi 3 juillet, l'Ordre dénonce de graves violations des procédures, un usage abusif du décret-loi 54 et de la législation antiterroriste, ainsi qu'un recul préoccupant des garanties d'un procès équitable en Tunisie. Le Conseil déplore notamment la poursuite de certaines personnes à deux reprises pour les mêmes faits, évoquant le cas de l'avocate Sonia Dahmani. Il s'insurge également contre les restrictions imposées à l'exercice de la profession : limitation des visites, entrave à l'accès aux dossiers, tentatives d'influence sur les plaidoiries ou encore interdiction faite aux inculpés d'assister à leurs propres audiences. Le communiqué appelle à des réformes urgentes, à la mise en place effective de la Cour constitutionnelle et au renforcement du Conseil supérieur de la magistrature. Il réaffirme l'attachement de l'Ordre à l'indépendance de la profession et à son rôle central dans la défense des libertés.
La publication de ce communiqué a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux et dans les milieux juridiques. Si certains saluent enfin une prise de position très attendue, d'autres la jugent trop tardive pour être crédible.
Le magistrat Hammadi Rahmani a ainsi qualifié le texte de « communiqué du découragement », rappelant que des réunions pleines d'espoir s'étaient tenues un an plus tôt entre l'Ordre et le ministère de la Justice, sans qu'aucune promesse ne soit concrétisée. Le journaliste Zied El Heni a exprimé son amertume en évoquant l'état de la profession d'avocat, désormais selon lui réduite au silence et à l'impuissance face aux abus. Il a notamment fustigé le traitement réservé à Sonia Dahmani, privée de contacts avec sa fille et poursuivie à plusieurs reprises pour les mêmes propos.
Quant à l'avocat Nafâa Laribi, il a salué la teneur du communiqué, tout en rappelant que l'Ordre avait été officiellement informé depuis juin de la détention jugée arbitraire d'Abir Moussi, sans qu'aucune action concrète n'ait suivi. Pour lui, ce « réveil » moral ne saurait effacer les silences accumulés.