Des experts indépendants relevant du système des procédures spéciales du Conseil des droits de l'Homme des Nations unies ont tiré la sonnette d'alarme face à la dégradation « grave » de la situation des avocats en Tunisie. Dans une déclaration publiée à Genève lundi 14 juillet 2025, ils dénoncent une série d'atteintes à la liberté d'expression et à l'indépendance de la profession, observées tout au long de l'année écoulée. « Le fait de cibler des professionnels du droit uniquement pour leur rôle dans le système judiciaire ou pour l'exercice de leur liberté d'expression constitue une menace directe pour l'intégrité et l'équité des procédures judiciaires en Tunisie, et pourrait mettre en péril le droit à un procès équitable », ont averti Margaret Satterthwaite, Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats, et Irene Khan, Rapporteuse spéciale sur le droit à la liberté d'expression et d'opinion.
Les rapporteurs ont évoqué plusieurs cas emblématiques, dont celui de l'avocat Ahmed Souab, arrêté le 21 avril 2025 après des déclarations critiques sur le procès de plusieurs figures de l'opposition, condamnées à de lourdes peines dans le cadre de l'affaire dite de complot contre la sûreté de l'Etat. Ils ont également dénoncé le traitement réservé à l'avocate Sonia Dahmani, violemment arrêtée en mai 2024 dans les locaux de l'Ordre national des avocats de Tunisie et faisant l'objet de cinq poursuites pénales, toutes fondées sur le décret-loi 54. Ils relèvent que d'autres professionnels du droit – notamment Dalila Msaddak, Islem Hamza, Ayachi Hamami, Ghazi Chaouachi, Mehdi Zagrouba ou encore Lazhar Akremi – sont également été poursuivis, voire condamnés à de lourdes peines, pour avoir exprimé leurs opinions ou défendu leurs clients dans des affaires sensibles.
Selon les experts onusiens, ces mesures répressives interfèrent directement avec l'indépendance de la profession juridique, « sapant la capacité des avocats à représenter leurs clients » et visant à « réduire au silence ceux qui critiquent le pouvoir exécutif ». Ils rappellent que le libre exercice de la profession d'avocat est un pilier fondamental de l'accès à la justice, du contrôle du pouvoir de l'Etat et de la garantie d'un procès équitable. « Les avocats doivent pouvoir exercer leurs fonctions sans intimidation, entrave, harcèlement ou ingérence indue », insistent-ils. « Comme tout citoyen, ils ont droit à la liberté d'expression et d'opinion ». Les experts ont indiqué avoir saisi les autorités tunisiennes pour leur faire part de leurs préoccupations, exhortant le pays à se conformer à ses engagements internationaux en matière de droits humains.