L'ancien ministre des Affaires sociales, Malek Ezzahi, en disgrâce depuis son limogeage en mai 2024, avait jusque-là gardé le silence. Il n'a même pas participé à la campagne présidentielle d'octobre 2024, contrairement à son « camarade » Ezzedine Chelbi, limogé en septembre. Mercredi 3 septembre 2025, à 2h11 du matin, en parfait noctambule, M. Ezzahi a publié un long post Facebook dans lequel il dénigre les récentes propositions de plusieurs opposants au régime. « Les propositions et "recettes miracles" pour sauver l'économie, la société et la politique se multiplient, ces derniers temps, venant de n'importe qui, écrit-il. Mais la plupart de ceux qui les portent n'ont pas compris le véritable message du 17 décembre : une colère populaire profonde et un rejet d'un système indifférent aux intérêts du peuple. » Le texte insiste sur le fait que les Tunisiens ont brisé la peur et refusent désormais la répétition des mêmes discours et des mêmes visages. « L'histoire ne pardonne pas et les slogans ne suffisent pas à bâtir une nation. Seules une volonté sincère et une compréhension des attentes réelles du peuple peuvent ouvrir la voie. » Malek Ezzahi cite même l'essayiste français Pierre Calame : « L'avenir ne se construit pas en rafistolant le passé, mais en inventant de nouveaux parcours ». Et de conclure : « Ce dont la Tunisie a besoin, c'est de courage et d'innovation, pas d'un recyclage de l'ancien ».
Une sortie calculée et opportuniste Après un an et demi de silence, ce texte n'a rien d'innocent. L'ancien ministre s'essaie à une résurrection politique, sur le dos de l'opposition. Le timing n'est pas fortuit : il intervient alors qu'on parle de plus en plus d'un remaniement, puisque l'actuelle cheffe du gouvernement continue à travailler avec des ministres choisis par son prédécesseur. S'attaquer aux opposants qui ont proposé des initiatives relève à la fois de la mauvaise foi et de l'opportunisme. On a toujours reproché à l'opposition de se contenter de critiquer sans rien proposer. Le président de la République lui-même avait formulé cette réserve pour tacler ses adversaires. Venir aujourd'hui critiquer cette même opposition parce qu'elle présente des solutions constitue donc un déni, d'autant plus troublant que le post a été publié à une heure improbable de la nuit, rappelant les horaires des communiqués présidentiels.
Le miroir tendu au régime L'ancien ministre affirme que « les Tunisiens ont brisé la peur et refusent désormais la répétition des mêmes discours et des mêmes visages ». Mais ce constat est exactement celui que l'opposition et les citoyens adressent au régime de Kaïs Saïed. Les taux d'abstention record lors des élections organisées par le régime, les manifestations pour soutenir les prisonniers politiques, ou encore la grande mobilisation de l'UGTT la semaine dernière en sont autant de preuves. Même les projets portés par le régime, comme les entreprises communautaires, suscitent l'indifférence. Le pouvoir accumule les échecs et ne vit que de slogans. Or, comme le rappelle ironiquement M. Ezzahi lui-même, « les slogans ne suffisent pas à bâtir une nation ». Quant à la citation de Pierre Calame, elle sonne étrangement. Si « l'avenir ne se construit pas en rafistolant le passé », il est difficile d'imaginer Kaïs Saïed bâtir le sien en recyclant ses anciens ministres.