La mort du citoyen tunisien Abdelkader Dhibi, abattu à Marseille par des policiers français, continue de soulever de vives interrogations. Pour l'avocat et ancien ministre Mabrouk Korchid, cette affaire met en lumière une problématique juridique essentielle : l'usage disproportionné de la force létale et la stricte application du droit à la légitime défense. Dans une analyse publiée, samedi 6 septembre 2025, sous le titre « On ne tue pas quelqu'un à distance », Me Korchid rappelle que la légitime défense, définie par l'article 122-5 du Code pénal français, n'est admissible que si la riposte est à la fois simultanée et proportionnée. Pour les forces de l'ordre, l'article L. 435-1 du Code de la sécurité intérieure encadre encore plus strictement le recours aux armes, qui ne peut être justifié qu'en cas de danger immédiat et lorsque toute autre option est impossible. La force létale, insiste l'ancien ministre, n'est qu'un ultime recours. Les images de l'incident, souligne Me Korchid, montrent qu'Abdelkader Dhibi se trouvait à distance des policiers et ne représentait pas une menace immédiate. Selon lui, les agents disposaient d'alternatives pour le neutraliser, qu'il s'agisse de moyens non létaux ou de techniques d'immobilisation. Il rappelle également que la jurisprudence française (Cour de cassation, 14 octobre 2014) ainsi que la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt McCann c. Royaume-Uni, 1995) ont clairement établi que l'usage d'une arme mortelle ne peut être justifié que si la menace est réelle, directe et proportionnée.
Mabrouk Korchid insiste : cette affaire doit être traitée sur le plan du droit et non sur celui de la politique. Si la nationalité tunisienne de la victime lui confère une dimension internationale, la question essentielle reste la protection des droits des victimes et de leurs familles. L'avocat appelle ainsi le ministère tunisien de la Justice à solliciter une assistance judiciaire afin de garantir les droits d'Abdelkader Dhibi, et insiste sur la nécessité d'une enquête impartiale en France.
Dans le même sens, le bâtonnier Hatem Mziou a confirmé, hier, que l'Ordre national des avocats de Tunisie avait mandaté deux avocats basés en France pour suivre le dossier. Ces derniers attendent l'accord officiel de la famille du défunt pour pouvoir agir légalement et soumettre les requêtes nécessaires à la défense de ses droits et de ceux de ses héritiers. Le bâtonnier a qualifié l'intervention de l'Ordre de « devoir moral », rappelant que les procédures judiciaires sont déjà engagées et doivent permettre d'établir toute la vérité.
Le 2 septembre, Abdelkader Dhibi avait blessé cinq personnes lors d'une attaque au couteau en plein centre de Marseille, avant d'être abattu par un policier. Plusieurs voix, en Tunisie comme en France, dénoncent depuis ce qu'elles considèrent comme un meurtre, soulignant que la victime souffrait de troubles psychologiques. Mabrouk Korchid formule trois recommandations précises : • Engager des poursuites judiciaires contre les agents impliqués • Confier l'affaire à une juridiction indépendante, à l'abri de toute influence policière • Renforcer la coopération judiciaire entre la Tunisie et la France afin d'assurer la protection des droits de la victime et de sa famille. Pour Me Korchid, le principe est clair : « On ne tue pas quelqu'un à distance lorsqu'il existe des alternatives ». La justice seule, conclut-il, peut garantir le respect de ce droit fondamental.