L'économiste Aram Belhadj, docteur en sciences économiques et enseignant-chercheur à l'Université de Carthage, est revenu sur le financement direct du Trésor public par la Banque centrale de Tunisie (BCT). Dans un post Facebook publié le 8 septembre 2025, il révèle que les facilités de trésorerie accordées directement par l'autorité monétaire à l'Etat ont atteint 4,05 milliards de dinars à fin août 2025, soit près de 10% des recettes fiscales de l'année 2024. Selon ses projections, ce montant pourrait grimper à sept milliards de dinars d'ici fin décembre, représentant 16,7% des recettes fiscales de l'an dernier. Un niveau inédit qui, rappelle-t-il, dépasse les standards internationaux : dans de nombreux pays, les concours directs des banques centrales aux Etats ne doivent pas excéder 10% des recettes fiscales. Pour Aram Belhadj, la conclusion est sans appel : « le principe de l'autofinancement reste inapplicable en Tunisie ».
Le recours de l'Etat à la BCT n'est pas une surprise. En 2023, une loi controversée a été adoptée, autorisant le financement direct du Trésor par la Banque centrale. Présentée par le gouvernement comme une mesure exceptionnelle dictée par l'urgence, cette disposition avait suscité une vive polémique. Ses détracteurs dénonçaient une remise en cause de l'indépendance de la BCT et une « planche à billets » institutionnalisée. À l'époque déjà, plusieurs économistes alertaient : un tel mécanisme pouvait certes soulager temporairement les finances publiques, mais au prix de lourdes conséquences à moyen et long terme.
Si cette injection de liquidités offre un ballon d'oxygène immédiat au Trésor, elle n'en demeure pas moins porteuse de risques : inflation accrue dans un pays déjà confronté à l'érosion du pouvoir d'achat, affaiblissement de la soutenabilité de la dette, perte de crédibilité vis-à-vis des bailleurs internationaux et mise en cause de l'indépendance de la BCT, de plus en plus instrumentalisée.