J'ai toujours cru que l'expérience de la douleur est nécessaire aux peuples pour forger une rationalité capable de répondre aux questions du présent et de l'avenir. La conscience collective ne se forme pas dans le ventre du confort et de la quiétude ; elle doit passer par les douleurs de l'épreuve et l'incertitude. Quant à chercher des réponses toutes faites aux questions de « maintenant » dans une histoire secouée par des récits contradictoires, cela constitue le plus grand témoignage du crime de trahison dont l'esprit a été victime aux mains de ceux que l'on a appelés les « jurisconsultes ». La douleur… rappel de la rationalité Regardez le Japon après Hiroshima, la Chine après des siècles d'humiliations répétées, la France après sa révolution sanglante, et enfin le Rwanda meurtri… Le cri qui a uni tous ces peuples, malgré la diversité des contextes, fut : « Assez ! Nous en avons assez ! » Nous en avons assez des indulgences toutes faites, nous en avons assez de l'écrasement de la dignité, nous en avons assez du troupeau, nous en avons assez de la pauvreté et de l'injustice, nous en avons assez du meurtre… Des nations naissantes ont tissé leur espoir à partir de leurs douleurs. La douleur est sœur de la naissance, de la création et du renouveau. Les exemples sont si nombreux que chaque fois que je cite l'un d'eux, je me retrouve accusé de « masochisme intellectuel » et de pratiquer l'art de l'auto-flagellation. Mais je ne renoncerai pas à ma position : la douleur est le rappel indispensable pour accéder au club du vivre-ensemble, de la reconnaissance mutuelle, de l'acceptation de la différence et de la neutralité de l'espace public. Chacun y comprend que le commun a ses règles universelles, ses chartes et ses lois obligatoires, et que le privé a ses particularités à respecter, dans le cadre du non-empiètement et du non-contrôle.
Comédie noire sur la scène de Hammamet Ce matin, le jour s'est levé, inhabituellement calme, portant avec lui un enfer en forme de comédie noire. Alors que le monde était absorbé par les massacres de Gaza, la révolution de l'intelligence artificielle, les probabilités d'une troisième guerre mondiale et les découvertes sur des cellules corporelles survivant après la mort… on a annoncé dans la plus grande ville touristique de Tunisie le début d'une vente aux enchères du plus grand débat de tous les temps : le droit pour l'élève de prier dans la cour de l'école. Soudain, les nuages de latence se sont dissipés et tout le monde a foncé vers ce champ de bataille imaginaire. Ne me parlez pas du prix de la viande de mouton, du chômage, de la fuite des cerveaux, des crises politiques ou économiques, ni du réchauffement climatique. Tout cela est devenu secondaire ! La question cruciale, la mère de tous les combats est : prier dans la cour de l'école… ou pas. La nuit est tombée et l'esprit s'est endormi.
Théorie et douleur incomplète Franchement, je ne suis pas concerné par la joute stérile, autant que par le destin de ma théorie et son avenir concernant la rationalité que la douleur engendre. Je me trouve face à deux options irréconciliables : soit abandonner la théorie entièrement, ce qui serait une faillite pour moi, n'étant pas un professionnel de la production d'idées. Ma théorie est comme un « œuf de coq » qui ne se répétera jamais. Soit la relecture. Etant donné que mon lien avec cette théorie est intime, j'ai sollicité mon imagination plutôt que mon esprit et choisi la seconde option. J'ai découvert que le fond de ma théorie est intact, mais que le problème réside dans les détails. Il semble que la dose de douleur que nous avons subie n'ait pas été suffisante et que nous ayons besoin de plus, beaucoup plus de douleur, afin que tout le monde cesse ce débat absurde, comme les premiers ont cessé de se quereller pour savoir si les anges étaient mâles ou femelles. Mon Dieu, des doses supplémentaires de douleur !
Compréhension profonde et identité perdue J'ai une fois écouté une interview avec une Britannique convertie à l'Islam. Quand on lui a demandé son avis sur le hijab, elle a dit : « C'est un engagement personnel envers moi-même, dans le sens où je le prends comme témoin de mon comportement devant les autres ; j'assume mes erreurs en tant que musulmane et je me rends responsable publiquement si je me trompe. » Cette compréhension, fondée sur la maîtrise de soi plutôt que sur la maîtrise des autres, vient d'une musulmane britannique profondément attachée aux libertés individuelles, descendante d'une civilisation qui dit plus la vérité qu'elle ne ment, moins hypocrite et plus respectueuse de la rigueur, du temps et de l'humain. Il est honteux que des centaines de milliers d' « apostats » britanniques soutiennent le peuple de Gaza résistant, tandis que nous nous embrochons dans un débat sur le droit de prier dans la cour d'une école ! Et si la prière est collective, qui sera l'imam ? Quelles sont ses qualités ? L'élève peut-il diriger la prière de son professeur ? Et que faire des filles ? Mixité en classe et séparation pendant la prière ? Les questions se multiplieront, et la décision sera entre les mains des jurisconsultes des procédures. Vous avez dépouillé l'Islam de son essence, l'avez transformé en rituels creux, et avez remplacé ses valeurs par « le fouillage de l'arrière-train de l'histoire », reproduisant ainsi des concepts de pillage, lapidation, flagellation et meurtre en fonction de l'identité. N'est-il pas temps de surveiller les résultats des actions des « jurisconsultes des rituels » ? N'ont-ils pas gouverné l'Afghanistan, la Somalie, le Soudan et, plus récemment, la Syrie ?! Par votre ignorance, vous offrez le plus grand cadeau aux opportunistes et envahisseurs. Qu'Al-Mutanabbi repose en paix lorsqu'il dit : « La finalité de la religion est-ce de tailler vos moustaches / Ô oumma dont l'ignorance fait rire les nations ». *Hichem Snoussi - Journaliste Texte traduit de l'arabe par le service IA de Business News