Une fois de plus, Naoufel Saïed, frère du président de la République, est monté au créneau pour défendre Kaïs Saïed face à la vague de critiques qui le visent. Dans une publication postée sur sa page Facebook, il a lancé un message aux accents populistes « Nous sommes le peuple… Nous sommes les 99 %… Les choix nationaux sont ceux qui demeurent. » Derrière ce message apparemment anodin, se dessine un acte de défense politique. Car Naoufel Saïed, fidèle soutien de son frère depuis les débuts de sa carrière politique, intervient chaque fois que le président est fragilisé par la critique publique. En évoquant « les 99 % », Naoufel Saïed renvoie implicitement aux résultats officiels de l'élection présidentielle de 2024, où Kaïs Saïed avait remporté plus de 90,7% des voix. Mais ce chiffre, souvent brandi par ses partisans, omet un détail essentiel : le taux de participation enregistré n'a pas dépassé 28,8 %, selon les chiffres de l'Isie. Autrement dit, la légitimité numérique évoquée par Naoufel Saïed se heurte à la réalité d'une désaffection électorale, illustrant le fossé grandissant entre la présidence et une partie du corps électoral. La sortie de Naoufel Saïed n'est pas anodine. Elle survient dans un contexte de contestation croissante autour de la présidence. Ces derniers jours, Kaïs Saïed a été critiqué pour son silence dans l'affaire de la Flottille Al Soumoud, interceptée par la marine israélienne alors qu'elle tentait d'acheminer de l'aide vers Gaza. Face à l'arrestation de 28 Tunisiens — dont plusieurs journalistes et militants — le président s'est contenté d'un communiqué officiel, jugé insuffisant par de nombreux observateurs et acteurs politiques. Dans le même temps, une polémique nationale s'est déclenchée après la condamnation à mort d'un citoyen pour outrage au président de la République sur Facebook, une affaire perçue par les défenseurs des droits humains comme un tournant inquiétant pour la liberté d'expression. Depuis 2019, Naoufel Saïed s'impose comme le défenseur le plus constant de son frère. Juriste de formation, il se présente comme l'interprète idéologique du projet présidentiel, justifiant souvent les décisions les plus controversées par une lecture nationaliste ou souverainiste. Ses interventions, souvent rédigées dans un ton à la fois professoral et militant, visent à rétablir le récit d'un président incarnant la volonté du peuple face à « l'élite » ou à « l'ingérence étrangère ». Mais cette fois, son message intervient alors que le pouvoir présidentiel semble en perte de souffle, confronté à une lassitude sociale, à une économie morose, et à une scène politique en état de sidération. En somme, Naoufel Saïed continue de jouer le rôle de bouclier politique officieux de Kaïs Saïed, tentant de rappeler une légitimité passée pour étouffer un présent de critiques et d'incertitudes. Mais dans un contexte où la parole présidentielle semble de plus en plus isolée, ces rappels à « la volonté du peuple » sonnent, pour beaucoup, comme un écho affaibli d'un discours qui ne convainc plus.