Fragilisé par les bisbilles chez Les Républicains (LR) et la tiédeur de ses alliés centristes, Sébastien Lecornu s'efforce, dans l'urgence, de composer un gouvernement qui pourrait ne durer que quelques jours, mais dont l'objectif premier serait de déposer un projet de budget au Parlement. Le temps presse pour le Premier ministre, tout juste renommé à Matignon, menacé de censure par un Parti socialiste (PS) échaudé par quatre semaines de négociations sans concessions claires. Le PS, qui exige la suspension de la réforme des retraites en échange d'une non-censure, se retrouve au centre de toutes les attentions.
Nervosité à droite Les signes d'agacement se multiplient au sein de LR. Au moins une ministre sortante, Annie Genevard (Agriculture), serait tentée de rempiler au sein du gouvernement « Lecornu 2 », en bravant la décision de non-participation prise samedi par son « Annie, vous ne pouvez pas faire ça », lui a lancé sur X Théo Am'Saadi, président des jeunes LR. « La décision du Bureau politique doit être respectée. » De son côté, Yannick Neuder, ministre sortant de la Santé, a indiqué avoir décliné la proposition de rester au gouvernement.
Pression sur le calendrier Selon la Constitution, le Parlement dispose de 70 jours pour examiner le projet de budget 2026 avant le 31 décembre. Le texte devra donc être transmis dès lundi ou mardi, après un passage en Conseil des ministres et la formation du nouveau gouvernement. Sébastien Lecornu, qui avait démissionné lundi dernier estimant que « les conditions n'étaient plus remplies », a prévenu dimanche qu'il agirait de même si la situation se reproduisait : « Je ne ferai pas n'importe quoi », a-t-il affirmé à La Tribune Dimanche, selon laquelle la nomination du gouvernement pourrait intervenir lundi ou mardi. En cas de nouvelle démission, la dissolution de l'Assemblée nationale, réclamée notamment par l'extrême droite, deviendrait une hypothèse plus concrète. Le président Emmanuel Macron, en déplacement lundi en Egypte pour soutenir le plan Trump sur Gaza, a d'ailleurs brandi cette menace devant les partis reçus vendredi, s'ils ne parviennent pas à s'entendre.
Un « partenaire obligé » Pour résoudre son équation politique alors que la plupart des partis alliés (LR, UDI, Horizons, MoDem, Renaissance) ont pris leurs distances, le Premier ministre pourrait se contenter de nommer quelques ministres régaliens et les titulaires des Finances et du Budget. Mais au-delà du casting, c'est la survie du gouvernement qui est en jeu. L'ensemble de la gauche, à l'exception du PS, a appelé à censurer immédiatement le gouvernement Lecornu 2, tout comme le Rassemblement national et l'UDR d'Eric Ciotti. « Le PS est devenu un partenaire obligé de la macronie finissante », a ironisé Hervé Marseille, président des sénateurs centristes (UDI), tout en estimant qu'une censure pourrait intervenir « dès cette semaine ». Le PS, seul capable de sauver le futur gouvernement avec ses 69 députés, a posé ses conditions : abandon du 49.3, mesures en faveur du pouvoir d'achat et suspension immédiate de la réforme des retraites. « Une telle suspension n'épuiserait pas le débat sur le budget ni sur l'avenir de la France, mais ce serait un gage de bonne foi », a précisé Olivier Faure dans La Tribune Dimanche.
« Pas de deal caché » « Il n'y a pas de deal caché (…) ce sera la censure et la dissolution ou pas », a averti le Premier ministre dans la presse dominicale. La cheffe des Ecologistes, Marine Tondelier, a rappelé sur France Inter que la dernière dissolution « a coûté 15 milliards d'euros à l'économie et 0,5 point de croissance ». « Politiquement, ça ne résoudra pas grand-chose », a-t-elle ajouté. « La dissolution est possible, évidemment pas souhaitable et encore évitable », a estimé pour sa part le député socialiste Jérôme Guedj sur LCI. La position de Sébastien Lecornu demeure d'autant plus fragile que les alliés du bloc central, tels le MoDem de François Bayrou et Horizons d'Edouard Philippe, menacent de soutenir sans participer au gouvernement — une première pour des formations qui ont jusqu'ici soutenu sans ambiguïté les gouvernements Macron.