C'est un feuilleton qui n'en finit pas. Alors qu'on le croyait achevé, un petit rien vient tout chambouler à la dernière minute. Il s'agit du feuilleton de la chaîne d'électroménager Batam qui dure depuis octobre 2001. Au dernier épisode, qu'on croyait le dernier, la chaîne a fini par trouver des acheteurs qui ont adopté un nouveau visuel afin d'inaugurer une nouvelle ère (voir notre article à ce sujet). Les salariés de la boîte ne l'entendaient pas ainsi cependant et ont annoncé leur volonté de mettre quelques grains de sable dans la machine à peine mise en marche par les repreneurs Samir Dhiab et Hammadi Makni. Certains parlent déjà de grève en pleine campagne publicitaire de la chaîne. Retour sur un feuilleton qui entame ainsi sa quatrième saison ! L'histoire de Batam a commencé à la fin des années 80. Une aventure entamée par les frères Maher, Akram et Taïeb Ben Ayed lançant une chaîne d'électroménager avec un seul magasin à Sfax, puis à Tunis, puis un peu partout sur les principales villes du pays en plus d'une filiale au Maroc. De réussite en réussite, de succès en succès, la chaîne donna naissance à d'autres : Bonprix (produits alimentaires), Kinderland (enfants), Galerie des marques (prêt à porter de grandes enseignes), Batama (cuisines), Smak (librairies, fournitures de bureau, HI-FI), Easy Tour (agence de voyages), etc. En tout, une bonne quinzaine d'enseignes. La chaîne était connue par tous les Tunisiens pour une raison toute simple : elle était la moins chère de la Tunisie (si vous trouvez moins cher, on vous rembourse la différence, disait-elle) et se permettait le luxe d'être la seule (ou presque) de vendre à crédit. Grâce à elle, des centaines de milliers de foyers ont pu s'équiper, sans avoir les moyens du paiement immédiat. C'était les années 90. Le calvaire commença en octobre 2001 avec le retour d'une traite impayée. Une banque de la place a décidé de mettre fin à l'hémorragie de découverts et d'escomptes. 80% du chiffre d'affaires (100 MD) était à crédit. Pour se relever, un plan de redressement est mis au point mais les frères Ben Ayed furent incapables de se relever. Fin de la première saison. La deuxième saison de Batam voit l'entrée de la justice dans l'histoire. Aly Debaya est désigné mandataire et il a pu sauver plusieurs meubles. Bonprix par exemple qui fut cédée (à un bon prix) aux frères Zouari (chaîne Franprix à Paris) qui ont injecté de l'argent frais, Fethi Hachciha et quelques autres créanciers. Bonprix a réussi plus ou moins à se relever et à être vendue par la suite aux Chaïbi (Champion Carrefour). D'autres enseignes ont dû cependant mettre la clé sous la porte, mais le plus gros demeure encore là, à savoir Batam. Le suspense était à son comble entre les échos de reprise et de sauvetage et de faillite. L'action jouait au yo-yo et le CMF a dû la suspendre plus d'une fois entre la fin 2002 et début 2003. Finalement, en février 2003, on décide de la radier totalement de la cote. Le 30 avril de la même année, on se résout à une augmentation de capital réservée aux créanciers fournisseurs et aux banques. C'est l'accordéon fatal à tous les actionnaires. Atef Ben Slimane, Tarek Cherif, Groupe Hachicha, Groupe Mzabi, Al Athir Un quitus est donné au conseil d'administration et les anciens dirigeants ce qui signifie qu'on ne leur reproche finalement rien. Ce ne sera pas l'avis de la justice qui les condamnera à des peines non privatives de liberté. Fin de la deuxième saison. L'année finit mal avec des dettes allant crescendo. Au 31 décembre 2003, les dettes, après la reprise en Main, ont atteint les 111 MDT pour un chiffre d'affaires de 15 MDT et un déficit estimé de 25 MDT. On essaie de sauver ce qu'il y a à sauver, mais rien n'y fit. Novembre 2005, la société est en cessation de paiement. La justice est de nouveau saisie et en avril 2007 le Tribunal de première instance de Tunis décide de la céder à des tiers après avoir jugé impossible son redressement. Un appel d'offres est publié et il est déclaré infructueux en juillet dernier. Un deuxième appel d'offres (plus « clément » et débarrassé de dettes estimées à 150 MDT) est publié. En clair, c'est une vente sans passif. Les candidats ne se sont pas bousculés, mais on a fini par trouver des repreneurs : MM. Hamadi Makni et Samir Dhiab. Des professionnels du secteur qui maîtrisent le métier. Avec cette reprise, on s'attendait à la fin de la saison trois et une nouvelle ère pour la chaîne. Les nouvelles couleurs de la marque ornent d'ailleurs déjà les magasins où l'on voit désormais des clients. Des panneaux publicitaires ornent un peu partout les grandes villes avec le nouveau logo, ce qui inviterait à dire que Batam va retrouver ses beaux jours d'antan. Mais voilà qu'au dernier moment, un nouveau rebondissement arrive. C'est le début de la saison IV ! Dans tous les épisodes précédents, on a oublié de parler du personnel. Celui-ci, à vrai dire, en a vu de toutes les couleurs durant toute la crise. On ne parle pas de ceux qui ont été licenciés (et indemnisés), mais ceux qui ont refusé de quitter la barque. Ils sont 300 actuellement et il semblerait que le courant ne soit pas encore passé avec la nouvelle direction. C'est que ce personnel a des exigences (dont certaines d'un autre âge) et entend bien les faire appliquer par les Makni et Dhiab. Selon un de leur syndicaliste, ce personnel refuse d'être affecté dans d'autres sociétés du groupe Makni (JVC, Maxwell), demande à ce que la nouvelle direction prenne en considération leurs revendications formulées à l'ancien management, prenne en compte leur ancienneté, leur offrir l'assurance-maladie, leur octroyer les tickets restaurants, leur faire profiter de prix avantageux, leur octroyer des commissions sur le chiffre d'affaires pour les responsables de magasin, les faire participer dans des prises de décision, leur verser des primes et arriérés de salaires etc. D'après des sources proches du groupe, on nous informe que la direction ne serait pas sourde à ces revendications et entend donner tous leurs droits aux salariés. Faut-il cependant que ces exigences soient de droit. Peut-on appeler un droit légitime les tickets restaurants ou encore la commission sur le chiffre d'affaires ? Cela nous rappelle le personnel de Magasin Général quand le personnel réclamait le recrutement de ses enfants lors de leur retraite ! Partant du principe que la restructuration de la chaîne ne peut se faire sans ses ressources humaines et que celles-ci ne peuvent être gâtées comme lors de l'époque des Ben Ayed, il est évident que les nouveaux repreneurs ont du sérieux pain sur la planche. Ils doivent trouver une solution le plus rapidement possible pour sauver enfin cette barque en détresse depuis bientôt sept ans !