Il s'appelle Sami Fehri. Il est animateur, producteur, réalisateur, homme d'affaires Il est l'un des plus en vue du paysage audiovisuel tunisien (PAT) et a produit, ces dernières semaines, deux nouvelles émissions qu'il a refilées à la télévision nationale Tunisie 7. Par le passé, Sami a produit une émission basée sur la culture générale et l'intelligence. Elle a réussi en deçà de ses espérances car la culture n'a pas beaucoup de place parmi la grande masse. Il s'est essayé ensuite à une émission basée sur le hasard. Elle a touché. Mais l'animateur-producteur pense avoir plus de potentiel que d'être un simple distributeur souriant de boites en carton. Maintenant, Sami exploite un nouveau filon basé sur les glandes lacrymales des téléspectateurs tunisiens. Plus vous pleurez, plus l'audimat caracole. Plus vous avez de problèmes, moins les animateurs ont de soucis. Et plus la cagnotte enfle. Il y a cependant un hic. Quand vous n'avez pas de souci, d'autres se soucient pour vous et vous en créeront rapidement ou, du moins, ils s'essaieront. Certains journalistes n'y sont pas allés de main morte et les critiques ont fusé. Entre celles fondées et celles animées par d'obscures raisons (inféodées), les experts en lecture entre les lignes auront du grain à moudre. Dans tout cela, une attitude étrange attire l'attention : la précipitation des confrères dans l'éloge et/ou le dénigrement. Peut-on évaluer une émission à partir de sa première semaine de diffusion, voire même de son premier mois de diffusion ? Un nouveau phénomène commence à s'installer dans l'environnement médiatique tunisien et qui pense que tout ce qui provient de "Cactus Prod" (la boite de Sami Fehri) doit faire l'objet de dénigrement démesuré ou, en sens opposé, d'éloge disproportionné. Ceci au point qu'un quidam a réinventé le sens d'un mot bien connu : les « antisémites » pour désigner ceux qui s'attaquent continuellement à Sami F. Soyons sérieux, que reproche-t-on à ce Monsieur ? D'avoir acheté des concepts ? De les avoir imposés ? De s'être imposé ? D'avoir réussi ? D'avoir un homme d'affaires bien connu à ses côtés ? Un proche de Tunisie 7 répond : « Sami Fehri réussit ce qu'il entreprend et ceci est indéniable. Seulement voilà, d'autres producteurs et animateurs peuvent également réussir. Il suffit qu'on leur donne l'occasion et c'est loin d'être le cas. Que "Cactus Prod" obtienne le prime time et un feu toujours vert pour ses émissions, ceci devrait ouvrir la voie à d'autres et non leur barrer la route. Or ce qu'on remarque aujourd'hui à la télé tunisienne, et en dehors des émissions de M. Fehri, c'est le désert ». Un désert créé autour d'un cactus. Alors, la question s'impose d'elle-même : rend-on service à Sami Fehri en le laissant seul sur les chaînes nationales ? C'est un cadeau empoisonné que de le laisser seul face à ces critiques et ces attaques dont il n'est pas responsable. Lui barrer la route, comme l'ont publiquement suggéré certains critiques la semaine dernière, est absurde et aberrant de surcroît. Nul n'a le droit d'insulter la création et la réussite car dans cette sécheresse télévisuelle nationale, mieux vaut avoir un cactus que le désert. Mais la télévision tunisienne peut-elle se suffire d'un cactus pour meubler ses programmes ? Pourquoi n'ouvre-t-elle pas la voie à d'autres producteurs et à d'autres créateurs ? Notre pays (qui souffre du chômage) regorge de compétences ne demandant qu'une chose : leur donner l'occasion de montrer leur savoir-faire. Et à les écouter, on découvre énormément d'idées et de concepts et c'est le rôle de la télévision publique que de leur donner vie et les diffuser. Ce que l'on voit actuellement, et nonobstant l'oasis créé par Cactus, c'est le vide sidéral. Des débats sans accroche caractérisés par une extraordinaire langue de bois des années 70. Un feuilleton rediffusé pour la 3ème fois en quelques mois (remarque de la critique Samira Dami, hier in La Presse). Du foot diffusé simultanément sur les deux chaînes (pourtant, il n'intéresse que 20% de la population, selon Sigma). Résultat des courses : le public fuit, les producteurs cherchent à gagner leur pain sous d'autres cieux et les rares qui réussissent à créer quelque chose se retrouvent sous le feu d'attaques virulentes. Et il ne sera pas du tout étonnant de voir, demain, des annonceurs fuir la télé tunisienne pour diffuser leurs spots publicitaires sur des chaînes satellitaires du Moyen-Orient comme nous l'avons vu une fois sur l'égyptienne Dream. Imaginez, dès lors, les millions de dinars en devises qui iront dans les poches d'hommes d'affaires arabes, propriétaires de ces chaînes. Il ne faut pas réinventer l'eau chaude. La télévision tunisienne, comme toutes les télévisions du monde, devrait être un diffuseur et non pas un producteur. Un diffuseur commandant des programmes, selon un cahier des charges, obéissant à des règles bien claires conformément à son statut d'une télévision d'Etat ayant une mission de service PUBLIC. Dans l'intérêt de la création, de la culture, du divertissement, de l'économie et de l'emploi, les mêmes critères retenus pour les émissions de Cactus devraient être appliqués pour les autres. Car au lieu de créer de toutes pièces des "antisémites", créons plutôt des dizaines de Sami. Oui, nous le pouvons. A lire dans nos archives : Sami Fehri, l'extraordinaire parcours d'un nouvel homme d'affaires N.B.