Khelil Lâajimi était à Marseille la semaine dernière. Le ministre du Tourisme y a rencontré journalistes et tours opérateurs. Il a visité agences et brookers. Face à l'agressivité de la concurrence, et en cette période de conjoncture morose et de sombre visibilité, il fallait doubler d'efforts pour sauver l'année touristique. Il fallait opposer une imagination fertile pour rappeler notre existence aux industriels européens du tourisme. Les touristes, Khelil Lâajimi va les chercher un à un pour que l'on dépasse les 7 millions de touristes enregistrés en 2008. Avec son équipe, il les convaincra. Mais, il reste à savoir maintenant comment, une fois convaincus, ces touristes seront accueillis dans le pays lors de la haute saison coïncidant, à partir de cette année, avec Ramadan. On a du mal à imaginer comment l'on va marier la pleine saison estivale et les vacances avec le Ramadan. Il y aura moins de bikinis sur les plages. Il n'y aura pas d'alcool sur les terrasses et ceux qui cherchent à se désaltérer devront le faire cloués chez eux à l'abri des regards. Ambiance ! Le problème ne se pose pas avec les touristes autochtones, cela fait longtemps qu'ils ont fait contre mauvaise fortune bon cur. Nous nous sommes habitués, depuis le temps que nous accueillons Ramadan. Le problème se pose avec les touristes étrangers et notamment occidentaux. Dans les circuits organisés, ces touristes ont des pauses (appelées pauses-pipi) dans des restaurants et des relais qu'ils vont trouver, cette année, fermés en pleine haute saison. Dans les hôtels, ils sont habitués à accompagner leur repas par un vin et leurs après-midis par une bière. Cette année, ils devront déchanter. D'habitude, ils ont droit à un service presque correct et des serveurs presque souriants. Cette année, ils auront droit à des serveurs grincheux et somnolents, ayant une haleine pas vraiment fraîche. D'habitude, quand ils quittent l'hôtel, ils trouvent un bus ou un taxi et des commerces ouverts. Cette année, et notamment les après-midi et jusqu'au début de soirée, ils vont trouver des artères désertes. Accuser Ramadan d'être à la source du calamiteux accueil que l'on prépare à nos touristes pour la prochaine haute saison serait blasphématoire. Et malhonnête. Dans son essence, Ramadan, ce mois-saint, invite à travailler davantage, à faire preuve de plus d'efforts, de patience et de bonne volonté. Seulement voilà. Dans notre culture tuniso-tunisienne, le mois de Ramadan est celui du farniente et de la paresse par excellence. Dans notre culture tuniso-tunisienne, le mois de Ramadan est celui de dodo le matin et fiestas le soir. Dans notre culture, un serveur de café fera tout pour vous montrer qu'il jeûne et qu'il n'a pas envie de travailler parce qu'il est fatigué. Il ne vous dira jamais qu'il est fatigué parce qu'il a veillé tard au café avec les amis autour d'un rami. Si vous l'interrogez pourquoi il est fatigué, il vous répondra : à cause du Ramadan. L'année 2009 est une année de crise et il n'est pas sûr que notre tourisme y échappe. Nos concurrents (Maroc, Egypte, Turquie et aussi la Jordanie pour certains marchés) mettent les bouchées doubles pour l'affronter. Pour la Tunisie, le tourisme représente 7% du PIB, couvre 50% du déficit commercial et emploie 12% de la population active. Cette année, à cause de la crise, notre tourisme est menacé. Cette année, à cause de notre conception du Ramadan, notre tourisme est doublement menacé. Les différentes équipes du ministère du Tourisme et les bureaux de représentation de l'ONTT à l'étranger font un travail titanesque pour sauver la saison. Face à la mauvaise foi et la rapacité de certains TO, ils usent de la plus grande diplomatie. Face aux budgets limités alloués, ils font preuve d'inventivité pour séduire et attirer. Nous en témoignons et sur terrain. Il est bon et profitable à nous tous que ce travail soit relayé par les acteurs locaux. Les hôteliers qui devront convaincre leurs personnels d'être de vrais professionnels et de ne montrer aucune fatigue devant les clients. Aux commerces (et taxis) des zones touristiques d'assurer le service les après-midi. Aux autorités régionales d'encourager l'ouverture de tous les restaurants, bars et cafés et pas uniquement quelques-uns dans les zones dites touristiques. Ce travail ne pourra pas se faire la veille du jour J, mais des mois à l'avance pour que l'idée soit assimilée et entre vraiment dans les têtes. Parce qu'il s'agit de notre économie, de nos emplois, de notre avenir. Et pour ceux qui trouvent ces arguments insuffisants, disons simplement que c'est le Bon Dieu qui préconise le travail aux adeptes du Ramadan. A bon jeûneur, salut ! Crédit caricature : Hic in Soir d'Algérie parue le 17 mai 2009