Récupération politique, opportunisme, gain de temps ? L'attitude actuelle de l'UGTT est totalement incompréhensible au regard des intérêts suprêmes de la Tunisie, de ses citoyens et de son économie. Le syndicat unique dans le pays a appelé, contre toute légalité, à la grève générale des enseignants et a réussi à parasiter la rentrée des classes prévue pour le lundi 24 janvier 2011. Mais à quel jeu se livrent Abdesselem Jerad et ses acolytes ? L'attitude de l'UGTT est des plus étranges. Cette extraordinaire centrale syndicale, si grande par son histoire, si grande par ses militants, si grande par ses pères fondateurs, joue un jeu des plus dangereux. Farhat Hached, paix à son âme, a dû se retourner 1000 fois dans sa tombe ces derniers jours. Après avoir pris en otage l'économie du pays, voilà qu'ils prennent en otage nos enfants en appelant à une grève illimitée des enseignants. Les différents syndicats ne veulent pas de ministres appartenant à l'ancien régime dans le gouvernement national et oublient qu'ils ont profité énormément des largesses de ce régime qu'ils vilipendent aujourd'hui. Si l'on fait un audit indépendant sur cette centrale syndicale, il n'est pas sûr qu'on ne trouve pas de centaines de casseroles dans les placards. Si on joue véritablement la démocratie, l'UGTT devrait avoir face à elle plusieurs autres syndicats. Si on joue la légalité, la grève d'aujourd'hui est totalement contraire aux lois puisqu'il n'y a eu aucun préavis de grève. Si on joue le véritable jeu politique, l'UGTT n'a pas à s'immiscer dans cette histoire de gouvernement puisqu'elle n'est pas un parti politique. Et si on joue véritablement la bonne morale, l'UGTT ne devrait pas prendre nos écoliers, nos lycéens et nos étudiants en otage. Les enfants sont la chose la plus sacrée pour nous et en les engageant ainsi dans un jeu politique aux dés pipés, elle franchit allégrement les lignes rouges. De ces 23 dernières années de Ben Ali, l'UGTT a profité largement de l'ancien régime. Ses faits héroïques se comptent sur les doigts de la main. On ne se remémore d'ailleurs que le refus net d'intégrer la Chambre des conseillers créée de toutes pièces par l'ancien régime. Une chambre de retraités où l'enjeu politique est quasi-nul puisque cette chambre n'a servi qu'à entériner des décisions déjà prises au Palais de Carthage. Les grèves syndicales majestueuses des années 70 et 80 n'ont plus eu droit de cité sous Ben Ali. Il y a toujours eu des accords et un consensus avec l'ancien président. Jusqu'à la dernière minute, Jerad était aux côtés de Ben Ali pour une énième tentative de calmer les esprits. Ses déclarations en témoignent. L'absence d'une prise de position claire et sans ambiguïté, avant le 14-Janvier, également. Cette tentative de récupération politique est une insulte aux millions de personnes (non syndiquées) qui ont manifesté des semaines durant pour faire chuter le régime de Ben Ali. On parle aujourd'hui de pauvreté et de chômage. Mais qu'a fait l'UGTT pour Mohamed Bouazizi (non syndiqué ?) avant qu'il ne s'immole par le feu ? Qu'a fait l'UGTT à part refuser des quatre fers l'économie de marché, garante d'une croissance et de création d'emplois ? Protéger les acquis des travailleurs s'assimilait à laisser des milliers de chômeurs dans la rue puisque beaucoup de ces acquis plombaient les comptes des entreprises et réduisaient drastiquement leur compétitivité. Constat très simple d'ailleurs, les grandes entreprises aux comptes florissants et où les travailleurs sont bien rémunérés, ont des syndicats faibles ou pas de syndicats du tout. Interrogation très simple, pas de bonne foi cependant, on aimerait bien jeter un coup d'œil sur les comptes personnels de plusieurs leaders syndicaux. Puisqu'on veut la chasse aux sorcières, faisons là comme il se doit et pour tout le monde. Aux dernières nouvelles, d'ailleurs, on croit savoir que des plaintes contre des membres du bureau exécutif de l'UGTT vont être déposées devant la commission d'enquête sur les malversations et la corruption. L'UGTT, aujourd'hui, est un syndicat unique en anachronisme total avec son époque. Comme l'ancien régime, comme le régime de Bourguiba, il ne semble pas voir que le monde a changé, que les mentalités ont changé. L'écrasante majorité des Tunisiens a repris le chemin du boulot depuis une semaine. Quelques poches de résistance persistent et notre syndicat unique fait tout pour entretenir la flamme de ces quelques centaines qui profitent de la situation actuelle du pays pour des revendications qui peuvent attendre encore quelques semaines (après une attente de 23 ans). Si l'on admet volontiers que le gouvernement d'union nationale a fauté terriblement en intégrant certaines figures en son sein, il faudrait bien admettre également que ce même gouvernement a joué l'équilibre en offrant trois postes à l'UGTT alors qu'elle ne les méritait pas puisque la Centrale syndicale n'est pas un parti politique. On remarquera, dans la foulée, qu'Ahmed Ibrahim ou Ahmed Néjib Chebbi ont compris la situation exceptionnelle et ont saisi rapidement l'enjeu, d'autant plus rassurés par l'engagement de Mohamed Ghannouchi à abandonner toute activité politique. La priorité de la Tunisie est dans la reconstruction et la préparation des élections et non dans l'éjection de Moncer Rouissi, Ridha Grira, Ahmed Friâa ou Moncef Bouden, quand bien même ils devraient partir. Mais ce n'est pas là l'avis de ce syndicat unique qui, après avoir échoué à handicaper l'économie, prend nos enfants en otage. En termes d'image, et sur le moyen et le long terme, l'UGTT a beaucoup perdu et c'est un grand dommage pour ce grand syndicat. Paix à ton âme Farhat Hached ! Nizar Bahloul