La question du referendum est revenue à l'ordre du jour ces dernières semaines. Il s'agirait de proposer aux Tunisiens de décider de la durée du mandat de la constituante, de la nature de son mandat et du régime politique qui devra être consacré par la nouvelle constitution. Un tel referendum qui sera organisé le jour même des élections de la constituante, soit le 23 octobre prochain est-il une nécessité ? Qui sont les défenseurs et les détracteurs d'un tel projet ? Quels sont les arguments des uns et des autres ? Disons le tout de suite que l'organisation d'un referendum le 23 octobre prochain en concomitance avec les élections de la constituante ne pose pas de problèmes logistiques majeurs. C'est une opération qui pourrait être montée très vite et aisément par la commission des élections. Le problème que pose le referendum est donc de nature strictement politique. Rappelons aussi que la proposition d'organiser un referendum aux Tunisiens n'est pas récente. Elle a été proposée par des personnalités publiques, chacune de son côté, depuis déjà plusieurs mois, comme le président du centre de la promotion de la démocratie dans le monde arabe Mohsen Marzouk, le professeur en droit Chafik Said ou encore l'ancien doyen Sadok Belaid. Mais cette idée avait été, à chaque fois, cordialement ignorée par les partis politiques pour émerger récemment de nouveau. En réalité, cette question de referendum pose un problème plus complexe de déficit de confiance à l'égard des partis politiques en général. Ce problème évident dès les premiers moments de la révolution a été confirmé par tous les sondages d'opinion réalisés jusqu'à ce jour. Les tunisiens connaissent mal les partis politiques, les sentent distants et opportunistes, ne comprennent pas leurs manières de faire, ne saisissent pas les chamaillades ou même les alliances entre eux et ne se sentent pas en confiance avec eux. Cette représentation négative des partis politiques a été malheureusement confirmée par l'attitude des partis politiques eux-mêmes lors de certains épisodes depuis la révolution, mais aussi par l'acharnement des personnalités indépendantes qui ont mené une attaque en règle contre toutes les structures partisanes depuis déjà huit mois et ont contribué fortement à discréditer les partis politiques. C'était une sorte de revanche des indépendants qui ont été pour la plupart des membres actifs au sein des partis politiques avant de claquer la porte pour des considérations parfois politiques, souvent personnelles. Or, sans rien ôter au mérite des indépendants qui ont joué un rôle important après la révolution et qui seront un élément catalyseur au cours de la prochaine période, la vie politique ne peut s'organiser normalement qu'autour des partis politiques. Les discréditer ou les affaiblir pourrait avoir des répercussions négatives sur la vie politique en général. En plus, la définition même d'une assemblée constituante suppose de lui accorder toute la confiance nécessaire et de lui donner carte blanche pour rédiger une nouvelle constitution et gérer momentanément le pays. Elire donc des membres d'une assemblée constituante tout en les ligotant ne semble pas être une attitude cohérente d'autant plus que l'une des questions proposée au referendum concernant la limitation de la durée du mandat de la constituante a été éludée par le décret daté le 5 mai 2011 concernant l'élection de l'assemblée constituante qui avait limité la durée du mandat de cette assemblée à une année. En plus, le referendum présente un risque constitutionnel majeur. C'est de mettre la volonté populaire exprimée par referendum en confrontation avec la volonté des représentants élus du peuple. Car supposons que les tunisiens optent pour un régime parlementaire par referendum mais que le même jour, ils élisent une assemblée constituante dont la majorité des membres penche pour un régime politique mixte. On se trouvera dans une situation inextricable car les deux positions expriment une volonté populaire qu'on ne peut dépasser ou occulter. Opter donc pour un referendum en concomitance avec les élections ne semble pas de fait très productif. Les défenseurs de cette alternative ne sont pas animés par le souci de donner la parole au peuple mais par la peur de voir les pouvoirs législatif et exécutif concentrés entre les mains de cette assemblée dont la configuration reste toujours floue à six semaines des élections. Par contre, envisager d'organiser un referendum pour valider le projet de constitution qui aura été rédigé par la constituante permettrait de contrôler le travail de cette assemblée et de laisser s'exprimer la volonté populaire d'une manière effective et efficace. Un consensus entre les différents partenaires politiques pourrait se dégager pour appeler à un referendum sur la constitution sitôt rédigée et discutée par l'assemblée constituante qui s'engage à organiser et à superviser ce referendum. Le citoyen, que tous se plaisent aujourd'hui à parler en son nom, serait de ce fait, le mandataire et le validateur du processus qui consacrera la transition démocratique dans le pays.