En vue d'annoncer les résultats définitifs des élections, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), a tenu une conférence de presse, ce lundi 14 novembre 2011 à Tunis, présidée par Kamel Jendoubi. Le 8 novembre 2011, le Tribunal administratif, chargé de statuer sur les recours déposés suite à la proclamation des résultats préliminaires des élections de l'Assemblée constituante, a rendu ses délibérations. Sur 104 recours présentés, seuls 7 ont été acceptés, les autres ayant été rejetés ou annulés. Ces 7 recours, comme nous le savons, ont conduit à la récupération d'un siège par Ennahdha à Médenine et de la quasi-totalité des listes de Hachemi Hamdi, précédemment annulées par l'ISIE. L'ISIE a ainsi publié son rapport final informant de manière détaillée des résultats définitifs des élections. Sur 8,2 millions d'électeurs potentiels, en Tunisie et à l'étranger (52% d'inscrits volontaires et 48% d'inscrits automatiques), le total de votants s'élève à 4,3 millions, soit un taux de participation dépassant légèrement la moitié des Tunisiens en âge de voter. Parmi les votants, 87% s'étaient inscrits volontairement. Seuls 13% des inscrits automatiques s'étant déplacés le jour du scrutin. Le président de l'Instance, Kamel Jendoubi s'est dit satisfait du faible taux de bulletins nuls (3,6%) et blancs (2,3%), une proportion, selon lui, acceptable au regard des multiples critiques qui se sont élevées, concernant les difficultés qu'auraient rencontrées les citoyens quant à la compréhension du processus, l'illisibilité des bulletins de vote ou encore l'incapacité pour les personnes analphabètes ou souffrant d'un handicap quelconque de pouvoir s'y retrouver parmi les dizaines de listes qui leur ont été présentées. « Les gens pensaient que la part des bulletins non comptabilisés serait beaucoup plus forte, mais les résultats ont démentis ces appréhensions », se plait à dire M. Jendoubi.. Les résultats définitifs ont donc été annoncés, en accord avec les résultats préliminaires corrigés par les décisions du tribunal administratif ayant statué sur les recours. Sur les 217 sièges qui composeront l'Assemblée constituante, le mouvement Ennahdha en occupera donc 89, suivi du CPR avec 29 sièges, la Pétition populaire (Al Aridha) 26 sièges, Ettakatol 20 sièges, le PDP 16, l'Initiative (El Moubadara) et le Pôle Démocratique Moderniste remportent 5 sièges chacun, suivis notamment d'Afek Tounes avec 4 sièges, et d'El Badil Athaouri (POCT), 3 sièges. Ainsi, l'Assemblée sera constituée de 178 membres de partis politiques, 34 de listes indépendantes (dont les 26 membres d'Al Aridha) et 5 membres issus d'une coalition (ceux du PDM). Il est intéressant de noter que les listes élues totalisent 68,2% des votes comptabilisés, 31,8% des voix ayant été octroyés à des listes n'ayant pas atteint le nombre de votes nécessaires pour remporter un siège. Un autre point a été soulevé lors de la conférence, celui de l'avenir de l'ISIE et son rôle dans les prochaines élections. Kamel Jendoubi a fait part de son souhait de voir le statut de l'Instance inscrit dans la prochaine constitution. Il considère, malgré quelques petites imperfections, que ces premières élections libres et transparentes dans l'histoire du pays ont été un succès et que l'organisme chargé d'organiser les élections à venir doit rester indépendant du pouvoir en place. « On est aux portes de nouvelles élections, et le travail réalisé doit être poursuivi et consolidé, a-t-il affirmé. Nous souhaitons, par ailleurs, que l'ensemble des électeurs soient inscrits pour les prochaines élections et les suivantes et nous devons poursuivre la mise en place d'une organisation efficiente qui sera, nous l'espérons, encore plus satisfaisante pour les futures échéances. Nous tenons à rappeler que ces élections ont été menées à bien dans un intervalle de 4 mois et que durant cette période, plus de 50 000 personnes ont été mobilisées. Ce travail colossal a grandement contribué au retour de la confiance des Tunisiens dans le processus électoral ». Bon à signaler que la question de l'annulation de la décision de l'ISIE concernant les listes de Hachemi Hamdi a été au centre des débats ayant suivi la présentation des résultats. Kamel Jendoubi, ainsi que les autres membres de l'ISIE, ont indiqué qu'ils n'étaient pas habilités à commenter les décisions émanant du Tribunal administratif. Ils affirment, cependant, avoir pris la décision d'annuler un certain nombre des listes d'Al Aridha, le 27 octobre dernier, après avoir pris connaissance de preuves considérées comme étant suffisantes et tangibles sur les infractions commises par ces mêmes listes, entraînant, selon le code électoral préétabli, leur annulation. Le Tribunal étant habilité à statuer définitivement, l'ISIE ne saurait remettre en cause son jugement. S'ils ont respecté leur devoir de réserve en public, certains membres de l'ISIE ne sont pas aussi consensuels dans les coulisses. Il se murmure, en effet et sur un ton de colère, que la décision du Tribunal a une connotation politique, ce qui la fait éloigner du devoir d'impartialité que doit incarner la Justice, les considérations purement politiciennes ne devant pas influencer la prise de décision. Mais certains observateurs se demandent si la décision de l'ISIE, le 27 octobre, n'est-elle pas, elle aussi, politique ? Si les interrogations sur l'indépendance de la Justice et la présence souhaitée ou pas des listes de Hachemi Hamdi dans le paysage politique tunisien se poursuivent, les résultats semblent satisfaire l'ensemble des acteurs politiques et représentants de la société civile. « Ces premières élections libres sont à l'image d'un peuple éveillé et conscient qui a fait sa révolution le 14 janvier et qui a réussi à la concrétiser le 23 octobre dernier. Ce qui démontre aux yeux du monde entier la grandeur de ce peuple », conclut Kamel Jendoubi, avec émotion. Monia BEN HAMADI