Près d'une année après la révolution du 14 janvier, les Tunisiens, notamment, les jeunes, surtout les chômeurs parmi eux, les martyrs et autres blessés, ainsi que les citoyens des zones déshéritées attendent encore de voir commencer à se réaliser les objectifs pour lesquels ils ont consenti leurs sacrifices. En un mot, ils veulent voir se matérialiser la liberté et la dignité. Les citoyens de Kasserine, Thala et Sidi Bouzid, ainsi que des autres villes martyres veulent sentir que les gouvernants sont issus du peuple et ils sont là pour aider le peuple. Or, même ce SMIG révolutionnaire de dignité, l'on se demande si les citoyens sont parvenus à le pressentir si on se réfère aux derniers événements de Kasserine et d'ailleurs. Les trois présidents provisoires, Moncef Marzouki, Hamadi Jebali et Mustapha Ben Jaâfar, se sont déjà déplacés le 17 décembre dernier pour fêter le premier anniversaire de la révolution avec les citoyens de Sidi Bouzid qui considèrent que la première flamme est partie à cette date de chez eux. La Troïka et Cheikh Ghannouchi, leader d'Ennahdha, ont fait des discours pleins de promesses. Les citoyens sont restés sur leur faim. Les trois présidents et Ghannouchi sont revenus avant-hier à Thala et Kasserine pour un remake. Les citoyens de ces villes considèrent que le tournant de la révolution, c'étaient les dizaines de victimes à Thala et Kasserine, les 8, 9 et 10 janvier 2011. La Troïka voulait les satisfaire en valorisant ‘verbalement' l'apport de leurs contributions à la révolution. Mais, tous les reportages racontant ce déplacement ont été unanimes pour souligner le fiasco qu'il a engendré sur le plan populaire. Le fiasco s'est traduit par des manifestations dans les rues scandant des slogans réclamant le travail pour les jeunes chômeurs, les soins pour les blessés et les compensations pour les familles des martyrs. D'autres citoyens pleuraient d'amertume parce que l'équipe accompagnant les présidents ne les a pas autorisés à leur remettre leurs doléances. Pour eux, il s'agit d'un affront démesuré. Au moins, les médias ont transmis ces scènes de déception et traduit d'une manière acceptable les attentes des citoyens de ces régions. Les habitants de Thala et Kasserine attendent encore de voir la révolution se réaliser chez eux et ils ont exprimé leur déception face au maigre apport de la visite des trois présidents qui n'ont même pas de temps pour écouter leurs doléances. Heureusement d'ailleurs que les médias sont encore libres et ne sont pas encore sous la coupe du gouvernement. Les citoyens sont ainsi parvenus à raconter leurs problèmes, ce qui a réduit sensiblement la tension issue de la visite. C'est le rôle des médias et c'est la raison pour laquelle les journalistes ont manifesté contre la décision du chef du gouvernement provisoire d'imposer des changements sur certains médias importants comme la Télévision tunisienne et la TAP. De telles actions montrent que le gouvernement n'a pas vraiment cherché à trouver des solutions urgentes pour les segments les plus défavorisés de la population. Il n'a pas réussi à mettre en route des gestes forts pour tranquilliser les citoyens quant à leur avenir. Sinon, comment se fait-il que les trois présidents vont à Kasserine, et avant à Sidi Bouzid, sans faire le moindre coup de pioche d'une quelconque usine ou œuvre sociale ? Les actes de Moncef Marzouki en Libye et de Hamadi Jebali (et d'Ennahdha) avec Ismail Haniyeh dénotent plutôt d'un populisme qui n'est plus en vogue en Tunisie. Les Tunisiens ne sauraient croire qu'il y a 200.000 emplois qui les attendent en Libye, ce pays certes frère mais qui croule encore sous le désordre. La Libye ne saurait se stabiliser avant deux, voire trois années. Même chose pour la Palestine, les Tunisiens soutiennent la cause palestinienne. Mais, ceci ne saurait détourner leurs regards de leur propre réalité. Or, à ce niveau, on tarde à voir une feuille de route claire, ni même des signes évidents de stabilité et de quiétude. Pour preuve, ce qui vient de se passer à Jendouba, avec le sit-in d'une heure des forces de l'ordre. Le mouvement des syndicats des forces de sécurité tunisienne réclame la promulgation d'une loi pour protéger les forces de l'ordre pendant l'accomplissement de leur devoir. Ils contestent ‘la libération des individus, qui ont été derrière les événements de Jendouba et qui ont été arrêtés en flagrant délit. Or, ces derniers ont été relâchés par le juge d'instruction. Pire, les agents de l'ordre, qui les ont arrêtés, font l'objet d'une procédure judiciaire'. Ces divers signes dénotent que l'ordre n'est pas vraiment établi et que la communication n'est pas vraiment transparente avec le bon peuple. Une telle situation ne rend pas la confiance au peuple et n'encourage nullement à la reprise de l'économie, ce qui n'est pas de bon augure pour l'avenir de la Tunisie. Que faire pour redémarrer ? Mounir Ben Mahmoud