Six mois de prison pour avoir braqué un faux fusil d'assaut sur la police    Tunisie-Chine : inauguration d'un Centre de Formation en Médecine Traditionnelle Chinoise    Commentaire : Le pouvoir au peuple, non aux marionnettistes de coulisses    Ahmed Ounaies : la décision marocaine sur les visas est «naturelle» et liée à la sécurité    Mise à niveau industrielle : 110 MD investis dans quatre secteurs    Pourquoi le dinar tunisien continue de se déprécier face à l'euro, malgré la croissance ?    Mustapha Mnif: Vivre pour autrui    Le Portugal reconnaîtra officiellement la Palestine ce dimanche    Les Etats-Unis pourraient percevoir des milliards de dollars dans le cadre d'un accord sur TikTok    Schengen : ce que le nouveau système européen va changer pour les Tunisiens    Tourisme : les Britanniques et Algériens dynamisent Sousse-Kantaoui    Plus de 400 000 élèves bénéficient d'une aide financière    Tunis accueille la 3e conférence internationale sur la pharmacie en oncologie    Tunisie : Plus de 100 000 personnes touchées par la maladie d'Alzheimer    Météo : Pluies isolées au Sud-Est et températures stables ce samedi !    Maroc, Kaïs Saïed, migration…Les 5 infos de la journée    Boubaker Bethabet reçoit les félicitations d'Anas Hmaïdi pour son élection au bâtonnat    Sherifa Riahi : Intersection pointe des violations subies en détention    Le président Saïed dénonce une campagne de déstabilisation depuis l'étranger    La pièce de théâtre tunisienne « Faux » triomphe en Jordanie et remporte 3 prix majeurs    L'ombre comme ennemi, le vide comme allié    L'huile d'olive tunisienne : les prix s'effondrent malgré la hausse des exportations    Liste des collèges et des lycées secondaires privés autorisés en Tunisie pour l'année scolaire 2025-2026    Hôpital Mongi Slim : inauguration d'un centre de formation en médecine traditionnelle chinoise et 7 unités de soin    Reconnaissance de l'Etat palestinien : une illusion diplomatique qui masque l'urgence des sanctions ?    Youssef Belaïli absent : La raison dévoilée !    Israël promet « une force sans précédent » à Gaza-ville    ASM- ASS (1-0) : Et Ahmed Hadhri surgit !    Le CSS l'emporte in extremis : Chèrement acquis    Travaux dans le sud de la capitale : prolongation de la déviation nocturne à Ben Arous    Boulangeries : deux mois de compensation réglés, pour un total de cinquante millions de dinars    Croissance annoncée par l'INS : Houcine Rhili exprime de sérieux doutes    Coupe du monde 2026 : l'Afrique du Sud menacée d'une lourde sanction !    USMO : fin de l'aventure pour Victor Musa    La Société ''El Fouladh'' lance un concours externe pour embaucher 60 agents    80 000 policiers mobilisés : Paris sous haute tension    Soleil éclatant, chaleur agréable et soirées douces    Kais Saied dénonce les coupures intentionnelles d'eau et d'électricité et critique la gestion administrative    Open de Saint-Tropez : Moez Echargui qualifié pour les quarts de finale    La Tunisie gagne des places dans le classement de la FIFA    Vol Paris-Corse : plus de 15 minutes dans les airs... ce qui s'est passé va vous surprendre    Sfax célèbre l'humour à l'hôtel ibis avec ibis Comedy Club    La Bibliothèque nationale de Tunisie accueille des fonds de personnalités Tunisiennes marquantes    Fadhel Jaziri: L'audace et la norme    "The Voice Of Hind Rajab » film d'ouverture du Festival du film de Doha    Mois du cinéma documentaire en Tunisie : une vitrine sur le cinéma indépendant et alternatif    Fadhel Jaziri - Abdelwahab Meddeb: Disparition de deux amis qui nous ont tant appris    1,5 million de dollars pour faire de la culture un moteur de développement en Tunisie    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les enfants de Jugurtha
Thala au cœur de la révolution
Publié dans La Presse de Tunisie le 24 - 01 - 2011

Le peuple tunisien a réussi sa révolte, mais il n'a pas encore définitivement gagné sa révolution. Après avoir bouté hors de leur terre un régime haï, chômeurs, étudiants et lycéens n'ont pas encore cueilli les fruits de leur engagement exemplaire. A cause de ceux qui s'agitent et s'agitent encore ici et là. Il ne faut pas se leurrer. C'est uniquement le petit peuple, celui des régions déshéritées, oubliées, surgi de la Tunisie profonde qui a lancé la révolution, ne craignant pas d'affronter les balles et la mort. L'Ugtt, les partis d'opposition, et tous ceux qui donnent de la voix aujourd'hui après vingt-trois ans d'un lourd silence, ne sont intervenus dans le mouvement que lorsque celui-ci s'était rapproché de Tunis et que la chute du dictateur semblait imminente.
L'onde de choc était partie de Sidi Bouzid avant de s'amplifier à Thala, une ville réputée pour son histoire tourmentée. A Sidi Bouzid, Kasserine, Jendouba, Siliana, Medenine, Regueb …, la majorité des moins de 25 ans sont sans emploi. Dans ces villes construites à la va-vite, sans âme, sans vie collective à part les cafés de fortune où l'on se retrouve pour jouer aux cartes, la rue est l'espace de prédilection des jeunes chômeurs. « Il n'est pas surprenant », commente Aymen, étudiant thalois « de voir que ces jeunes se sont servis de la rue comme leur espace de vie, bravant la police, qu'ils ont l'habitude d'affronter, notamment à l'issue des matchs de foot. ». Il va plus loin : « Une jeune génération d'émeutiers est arrivée, armée de claviers et manifestement plus décidée à croiser le fer avec le régime qu'à épouser ses stratégies politiques. A l'instar des supporters d'équipes de football locales, qui lors des matchs narguent le service d'ordre.»
Massacre à huis clos
Thala est l'une des villes les plus pauvres du pays et comme d'autres villes oubliées, elle s'est soulevée pour se débarrasser de ceux qui lui volaient son rêve. Vingt jours après les troubles à Sidi Bouzid, c'est l'explosion et le massacre à huis clos à Thala. Depuis la première tuerie du 8 janvier (six morts et une quarantaine de blessés), le régime a imposé « un siège terrible aux 16 mille habitants de la ville, soigneusement exécuté par 1.500 policiers qui privent la population de médicaments, de vivres et du minimum nécessaire à la vie. », enchaîne un enseignant à la retraite. Le 9 janvier, les habitants qui n'ont pas pu secourir les blessés pendant la soirée car les policiers tiraient sur tout ce qui bouge, sont encore victimes de tueries. « Nombreux parmi les victimes sont âgés entre 12 et 16 ans », regrette, très ému, cet enseignant. Toute la Tunisie est désormais au courant des affrontements de Thala, via les images terribles circulant sur facebook.
Désormais les Thalois n'ont plus peur. Ils ne cachent plus leur haine contre celui qui a donné l'ordre de tuer leurs enfants. Pendant la nuit du 11 au 12 janvier, la police a sauvagement attaqué les foyers, a commis des atrocités contre des civils innocents, des personnes âgées et des enfants, sans parler des arrestations arbitraires. Ces forces de police ont dévasté la ville en pillant les petits commerces. "Thala ne pliera pas…elle est née libre et le restera… " affirme un autre étudiant. Sous le siège, les jeunes continuent de crier leur rage. « Tous les discours de zaba ne laveront pas le sang des jeunes tombés sur le macadam comme Marwane Jomli, Ahmed Boulaabi,, Nouri Boulaabi, Marwane Mbarek, Marwane Enemri, Ghassane Cheniti et Mohamed Omri», ajoute cet enseignant. Les manifestants qui ont défilé le long de la rue principale, s'arrêtant longuement chez le dernier martyr, ont refusé de recevoir le délégué (représentant du gouvernement) et ont décidé de mettre en place un comité de gestion de la ville choisi parmi les syndicalistes.
Petits cœurs blessés
Morale de l'histoire, les descendants de Jugurtha et Tacfarinas, de Ben Ghdahem et Ben Othman ont longtemps attendu qu'on les débarrasse de la pauvreté. En vain, Bourguiba a tenu Thala à l'écart pour avoir choisi le camp de Salah Ben Youssef. Ben Ali l'a encore enfoncé dans l'oubli, aiguisant davantage l'indignation de la population. Avec Gafsa qui s'est insurgé il y a deux ans, Ben Guerdane, Kasserine et autres localités en colère, la dissidence n'a pas cessé de s'étendre, sans que le pouvoir central ne bouge le petit doigt. Conséquence : il a été emporté en moins d'un mois.
Jadis fierté des Berbères et grenier de Rome, Thala est un tableau de misère : pandémie de la cirrhose du foie et de l'hépatite C, chômage en nette croissance, pollution de l'usine de chaux, des jeunes qui choisissent de mourir au milieu de la Méditerranée ou dans le désert, un pillage organisé de ses trésors archéologiques. Thala se réveille chaque jour pour découvrir sa laideur alors que les autorités indifférentes passent leur temps à vanter… l'habit traditionnel.
Pendant ce temps, les forêts de Tebaga, Al Hezza, Birano, Layoun, Ain Oum Jedour et Ain Jdaida, Sammama, Al Mrawna et El Brik sont prises d'assaut par des enfants venus pour la coupe du romarin. Mains blessées par la faucille mais contraint à la dure besogne pour se nourrir, ces enfants iront participer ensuite à la collecte des cônes de pin d'Alep pour en extraire les grains. Une autre corvée pour ces petits cœurs aux cœurs …
Le courage des ancêtres
Aujourd'hui l'espoir revient à Thala. Il faudra tout de suite rassurer sa population pour gagner sa confiance, condition nécessaire pour la bonne gouvernance. Que les candidats au suicide aient donc un travail; que les écoliers ne craignent plus pour leur avenir ; que la cirrhose du foie et les autres maladies soient enrayées; que soit édifié un hôpital doté des équipement suffisants; que les dettes de tous les agriculteurs soient annulées et que des financements adéquats soient octroyés aux cultivateurs et aux promoteurs, enfants de la région; qu'une université soient implantée à Thala; qu'un centre de formation professionnelle voit le jour ; que les prix du carburant, de l'électricité et du gaz soit compensés car Thala, ville la plus haute de Tunisie, est victime du froid six mois par an et la pauvreté toute l'année. Que les routes soient reprises, que les jeunes gardent tout de même le courage de leurs parents et de leurs ancêtres qui ont résisté depuis des siècles dans ces lieux. Bref, que le pouvoir fasse ce qu'il aurait dû faire il y a des décennies dans tous les secteurs en concrétisant des projets de développement répondant aux besoins des citoyens.
Chaque Thalois veillera à ne pas perdre sa liberté chèrement acquise au bout d'un demi-siècle de silence. Il s'est libéré tout seul et veut le demeurer sans l'aide de quiconque. Il sait fort bien qu'il lui faudra attendre pour installer son petit pays dans le pluralisme et surtout apprendre à être citoyen responsable. Il s'est débarrassé du parti unique et il saura demeurer vigilant contre ceux qui voudraient détruire sa victoire. Il s'est juré de ne plus être trompé comme l'ont été Jugurtha, Ben Ghedaham et les patriotes historiques. Voilà pourquoi sa révolution est irréversible.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.