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Pour qui sonne le glas ?
Sidi Bouzid (I)
Publié dans La Presse de Tunisie le 29 - 01 - 2011

• Il y a beaucoup de travail à faire au niveau des mentalités
Trente-deux jours après le geste courageux de Mohamed Bouazizi, Sidi Bouzid et toute la Tunisie se souviennent encore de ce mouvement populaire qui a abouti à la fuite de Ben Ali. Mais sait-on exactement ce qui s'est passé à Sidi Bouzid avant et pendant les événements qui ont suivi le martyre de Bouazizi?
Comme plusieurs autres régions du Sud-Ouest, Sidi Bouzid, à 265 km au sud-ouest de Tunis, était une enclave où les clignotants étaient au rouge bien avant l'étincelle du 17 décembre. Suicide des jeunes, "harga" vers la Libye ou l'Algérie, taux de chômage élevé, conditions de vie précaires et corruption des autorités locales. En 2009, des 3.899 demandes d'emploi recensées, 3.864 sont restées sans réponse. En avril dernier, les petits agriculteurs ont déjà manifesté dans cette ville contre des malversations destinées à les déposséder de leurs propriétés. Des raisons suffisantes pour pousser à l'explosion populaire. Pour la génération sacrifiée du régime, c'était la liberté ou la mort.La répression sauvage et les morts par balle au milieu du silence assourdissant des médias nationaux ont fini par embraser Sidi Bouzid puis Kasserine, Thala, Regueb et plusieurs autres villes, jusqu'à la Capitale, terminus d'un régime haï par les Tunisiens.
Quelques semaines après la chute de Ben Ali, sur la grande avenue de Sidi Bouzid, théâtre d'affrontements sanglants, la statue "7-Novembre" est toujours là, mais elle est à moitié couverte de l'énorme portrait de Mohamed Bouazizi. Juste à côté d' une petite tente sur laquelle est écrit «‑La tente du comité de la résistance populaire‑»…
Au milieu des jeunes, un mécanicien, la trentaine, glisse un papier. Il s'agit d'une liste comportant des noms de personnes corrompues dans les domaines de l'agriculture, de l'immobilier, des finances, du juridique, du football, de l'industrie, des impôts, etc. "Parmi ces noms il y en a un qui s'est débrouillé deux postes d'enseignant pour ses deux filles qui n'ont pas le CAPES‑». Je me dis, en pensant à Bouazizi, qu'il n'ya pas de fumée sans feu.. .
Sidi Bouzid. C'est là que tout a commencé. Un jeune homme s'est immolé et les cloches ont tinté. Est-ce un hasard si l'étincelle de la Révolution est partie de cette région ? Pour répondre à cette question et à beaucoup d'autres, je me suis déplacée, accompagnée par une équipe très réduite de cinéma, qui s'est donnée pour mission de filmer les événements de l'après-14 janvier 2011.
Dimanche 23 janvier 2011. A mi-chemin entre Kairouan et Sidi Bouzid, des agents de la garde nationale nous arrêtent pour un contrôle, et pas de routine cette fois, car le danger des milices et des 11.000 prisonniers lâchés dans la nature, guette encore sur cette terre où vient de naître la révolution. Après s'être plaint de sa condition d'officier sous-payé, un agent avoue que ses collègues et lui se sentent complètement perdus. «C'est le désordre total», a-t-il dit. Il y a des gens qui conduisent sans visite technique et sans même un permis de conduire. «Nous ne pouvons prendre aucune mesure contre ce genre de conducteurs, car nous ne disposons pas de procès-verbaux.» A nos craintes, s'ajoute celle des pirates du volant. Nous reprenons la route avec cette question qui trotte dans la tête: «Où va-t-on ?». La vue des dromadaires libres qui broutent de l'herbe, dans le silence des champs, met fin à notre conversation concernant l'avenir proche du pays.
Nous arrivons enfin à Sidi Bouzid. Le gouvernorat et d'autres filiales du parti qui était au pouvoir sont protégés par l'armée et les fils barbelés. Leurs murs n'ont pas échappé aux tagueurs révoltés. Des mots et des chiffres sautent à nos yeux : «17 décembre» (date de l'acte d'immolation de Bouazizi), «14 janvier» (date de la fuite de Ben Ali), «La révolution du peuple», et puis…«Lève la tête tu es à Sidi Bouzid»…Sur la grande avenue, la statue représentant le 7 novembre est toujours à sa place, mais elle est à moitié couverte de l'énorme portrait de Mohamed Bouazizi, ce marchand ambulant qui s'est immolé pour exprimer sa colère. Juste à côté, il y a une petite tente sur laquelle on peut lire : «La tente du comité de la résistance populaire»…
Nous perdons beaucoup de temps à négocier avec la réception de l'hôtel 3 étoiles dont les prix sont aussi chers que ceux d'un hôtel 4 étoiles, sur la côte, en haute saison. La majorité des résidents sont des journalistes venus du monde entier. Comme nous, ils n'ont pas le choix que d'habiter là-bas. Ils ont besoin d'un minimum de confort matériel et technique pour se connecter avec leurs médias et communiquer les échos de la ville du premier martyr de la révolution.
Le temps presse, on a juste le temps de recueillir quelques témoignages avant le couvre-feu. A peine le cinéaste a-t-il branché sa caméra, qu'une foule de jeunes l'envahit. Ils sont plaignants et demandeurs d'attention, d'emploi, de démocratie, de développement de la région, du départ du RCD et du nettoyage de la ville infestée de corruption et de corrompus… Un mécanicien, la trentaine, glisse un papier dans ma poche. Il s'agit d'une liste comportant des noms de personnes corrompues dans les domaines de l'agriculture, de l'immobilier, des finances, du juridique, du foot ball amateur, de l'industrie, des impôts, etc. «Parmi ces noms, nous dit le jeune homme, il y en a un qui s'est débrouillé deux postes d'enseignante pour ses deux filles qui n'ont pas le Capes». Ne possédant aucune preuve, je me demande jusqu'à quel point ces informations peuvent être vraies, et je me dis en même temps, en pensant à Bouazizi, qu'il n'y a pas de fumée sans feu…
Je quitte l'équipe de cinéma, pour aller, accompagnée par Imed, surveillant dans un lycée secondaire, faire un tour dans las artères de la ville. Il m'emmène dans sa voiture, à la Cité Ennour-Ouest, là où tout a commencé.
Le feu de la colère
C'était un vendredi. Une femme de la police municipale demande à Bouazizi de «dégager». Ce dernier résiste, elle lui confisque sa marchandise, lui flanque un procès-verbal et deux gifles. Il s'en va se plaindre au gouverneur qui refuse de le recevoir. Humilié, Bouazizi s'inonde avec du diluant et s'immole devant le gouvernorat.
L'après-midi même, sa famille, suivie par les voisins de la Cité Ennour, marche jusqu'au gouvernorat pour protester contre les autorités qui ont poussé leur fils au suicide.
Le lendemain, la foule s'est élargie. Imed se trouvait parmi les manifestants. «J'ai protesté contre la police, comme je le faisais souvent à l'université», me dit Imed, qui ne s'attendait pas à ce que le feu de la colère se propage jusqu'aux autres régions pour atteindre la capitale et se transformer en un volcan en éruption explosive. Mais le Sud de la Tunisie a déjà craché ses cendres, l'étincelle de Bouazizi n'a fait que rompre le calme feint du volcan.
Scepticisme
Imed a du mal à imaginer l'avenir. «Tu crois que la Tunisie deviendra un jour comme la France?», me demande-t-il. Pour le jeune homme, la France veut dire liberté. Il a du mal à se représenter une Tunisie libre. Wahib, le mécanicien, non plus. Pour lui, il y a beaucoup de travail à faire au niveau des mentalités. «Il faut que les Tunisiens comprennent que la liberté pour laquelle ils luttent depuis des semaines et pour laquelle il y a eu des martyrs, ne leur permet pas de brûler le feu rouge et d'empêcher les enfants d'aller à l'école». La voiture s'arrête pour prendre oncle Lazhar, ancien fellag. Le gouvernorat de Sidi Bouzid compte 3.300 anciens combattants titulaires de la carte du Général de La tour. Cette carte leur a été remise lorsqu'ils ont déposé les armes sous les ordres de Bourguiba. 700 fellagas sont à Sidi Bouzid, les autres vivent encore à Maknassi, Souk El Jedid, Bouzayane, Essnad et Zarouch. Du coup, l'inscription sur le mur qui dit «Lève ta tête tu es à Sidi Bouzid» a du sens pour moi. J'insiste pour que oncle Lazhar me dise quel sens il donne, lui, aux mots «Dignité et liberté» ? Il répond avec un geste qui veut dire «sacrifice», en ajoutant que leur combat n'a servi à rien. «Nous n'avons jamais goûté à la liberté et à la dignité pour lesquelles nous nous sommes battus. Ni à l'époque de Bourguiba, ni à celle de Ben Ali. Et je ne crois pas que l'avenir sera meilleur». Mais enfin pourquoi ? Oncle Lazhar explique que «le président en fuite», a laissé des milliers de Ben Ali derrière lui. Et s'il a osé voler c'est que personne ne l'a empêché. Selon l'ancien fellag, ce qu'il n'aime pas appeler «révolution», est arrivée trop tard. «Il y a trop de chiens méchants à abattre», conclut-il. Et l'opposition ? Insistais-je. «Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? On ne les connaît pas!»
Rien à perdre
«Si nous gagnons, nous ne perdons pas. Et si nous perdons, c'est parce qu'on n'a rien à perdre». C'est cette phrase qui m'a donné envie d'aller là où tout a commencé.
Elle a été prononcée par oncle Houssine au téléphone, le 14 janvier, lorsque je l'ai appelé pour avoir des nouvelles de la famille et lui demander par la même occasion ce qu'il pense des événements qui venaient d'avoir lieu. Instituteur retraité, il connaît forcément des tas de gens. Le lundi 24 janvier, c'est lui qui m' introduit au bureau de l'emploi de Sidi Bouzid. Il m'a présentée au chef du bureau, Lazhar Hamdi. Ce dernier nous apprend que selon les statistiques de 2009, il y a 3.899 demandes d'emploi et 3.864 demandes sans réponses. L'entretien a été interrompu au moins trois fois par des visiteurs demandeurs d'emploi. Entre autres, une jeune fille fraîchement diplômée accompagnée par son père qui avoue avoir quatre chômeurs à la maison. Un bachelier, les yeux au beurre noir, interrompt la conversation pour crier sa colère contre un bureau d'emploi qui n'emploie jamais. «Désolé, je ne peux rien pour vous», répond Lazhar Hamdi, à chaque fois. Intriguée, j'attends impatiemment des explications, surtout après avoir eu connaissance des richesses insoupçonnées de la région.


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