Présent à l'émission «Ma Wara'a Al Hadath » sur la Wataniya 2, dans la soirée du jeudi 22 mars 2012, Lotfi Zitoun, ministre conseiller auprès du chef du gouvernement chargé du dossier politique, revient sur ses dernières déclarations accusant «certaines parties» d'orchestrer «un complot visant à destituer le gouvernement en place». Si Lotfi Zitoun nie, dans une précédente apparition, avoir parlé de «complot», lors de l'émission d'hier, ce dernier dément la théorie de «conspiration», colportée, selon ses dires, par la presse qui «tombe dans le sensationnel et la déformation des faits» créant un véritable effet boule de neige. Il accuse ainsi les médias qui auraient, comme à l'accoutumée, «déformé les faits auxquels ils ont donné une ampleur démesurée». Des accusations que tient également Mohamed Abbou, ministre délégué auprès du Premier ministre chargé de la Réforme administrative, également présent à l'émission, qui affirme avoir «essayé de minimiser l'ampleur de la théorie du complot mais que la presse a rapporté l'inverse de ce qui a été dit». Tentant de donner une consistance à ses propos, Lotfi Zitoun affirme que «la démocratie est une forme de complot continu» et que «les deux concepts seraient indissociables dans les plus grandes démocraties du monde». Selon ses dires, il n'y aurait aujourd'hui aucun moyen de comparaison avec l'époque de l'ancien régime et que le «complot» dont il parle n'est pas une conspiration au sens classique du terme mais un jeu politique entre le pouvoir en place et l'opposition qui tente de renverser le régime. Ce qu'il qualifie de «complot» n'est donc rien d'autre que l'équilibre entre l'opposition et le pouvoir. Selon lui, le jeu de l'opposition ne doit pas «dévier de la voie politique légale et habituelle» et «outrepasser les limites du combat politique». Lotfi Zitoun affirme qu'il existe deux catégories de complot : «un complot bénin et un complot malin» et que le complot auquel il fait allusion fait partie de la première catégorie, «contrairement à ce qui a été rapporté par la presse». Et Mohamed Abbou d'ajouter que «le gouvernement actuel, de par sa légitimité démocratique, se trouve dans une position de force et n'a pas peur des complots tant qu'ils restent dans le cadre de la loi […] Ce gouvernement ne pourra donc être destitué que par le jeu des élections démocratiques». Egalement présent lors de cette émission, Chokri Belaïd, secrétaire général du parti du Mouvement des patriotes démocrates (Al Watad), répond à Lotfi Zitoun et accuse le gouvernement de «chercher un bouc émissaire à chaque fois qu'il se retrouve confronté à une situation qui le dépasse». La théorie du complot serait, selon M. Belaïd, «ancrée chez certains partis de la Troïka, et notamment, le parti au pouvoir qui, au lieu de reconnaître ses erreurs et limites, préfère accuser d'autres parties, tel que cela s'est produit lors des derniers événements de Kasserine et de Sidi Bouzid». Il appelle ainsi le gouvernement en place «à assumer ses responsabilités et à admettre ses échecs». Dans le même sens, Sihem Ben Sedrine, militante des droits de l'Homme, a tenu à préciser que le terme «complot» n'est pas adéquat pour décrire le jeu politique entre le pouvoir et l'opposition. Elle ajoute également qu'il y avait beaucoup d'exagération dans les propos de Salah Attia, rédacteur en chef et coordinateur du journal Assabah, rapportant des faits non fidèles aux déclarations de Lotfi Zitoun. Rappelons que Salah Attia a rédigé un article en date des 10 et 11 mars 2012 rapportant une réunion secrète entre sept ambassadeurs appartenant à des pays européens, du Moyen-Orient et d'Amérique du Nord, qui ont exprimé leur pessimisme quant à la situation politique, sociale et économique en Tunisie ainsi qu'au manque d'expérience et de technicité du gouvernement. Aurait également été évoquée lors de cette réunion, la liste de tout un gouvernement capable de diriger le pays à la place de l'actuelle troïka, dressée par un ancien ministre de Ben Ali. Une réunion, précise M. Attia lors de l'émission, qui s'est tenue dans la maison d'un ambassadeur européen et au cours de laquelle il n'y avait aucune présence de l'opposition tunisienne. Selon Mme Ben Sedrine, il serait « gravissime d'accuser les réunions d'ambassadeurs, de pays voisins et amis, de complot. Chose pouvant être perçue comme une déclaration de guerre contre les pays en question ». Egalement présente, Emna Menif, à la tête du Mouvement «Kolna Tounes», a tenu à préciser que le pays n'est pas encore en démocratie mais que son instauration est en cours et que le risque de basculer dans une nouvelle dictature n'était pas à occulter. Elle reproche également à Lotfi Zitoun «son double discours» et «ses déclarations qui ne fournissent pas de réponses concrètes mais font, tour à tour, de l'opposition, des médias et de la société civile, des boucs émissaires». Intervention au cours de laquelle, Mme Menif a fustigé la «mauvaise foi» du gouvernement en place qui accuse «certaines parties» de déformer l'image de la Tunisie tout en tenant, en parallèle, des propos susceptibles de le faire [NDLR : faisant ici notamment référence aux dernières déclarations en date du MAE Rafik Abdessalem (lire notre article à ce sujet)].