Le programme du gouvernement pour l'année 2012 prévoit l'augmentation de l'âge des véhicules importés par les Tunisiens résidant à l'étranger qui passe de trois à cinq ans. La mesure ne semble pas être une simple promesse, puisqu'elle a été annoncée il y a quelques jours par le Secrétaire d'Etat chargé de l'immigration et des Tunisiens à l'étranger. En attendant sa validation par l'ANC, plusieurs voix s'élèvent pour bloquer une loi qui fera de la Tunisie une poubelle de l'Europe et qui a des conséquences négatives à plusieurs niveaux. Après l'aéroport, la première chose qu'un étranger voit en débarquant dans un pays est son parc automobile. Et la chose saute aux yeux quand on visite des pays africains ou arabes, tel que l'Egypte : leur parc automobile a une moyenne d'âge supérieure à trente ans, ce qui pourrait faire le bonheur des nostalgiques. Seulement voilà, mis à part un aspect affectif qui ne touche que quelques uns, la vétusté d'un parc automobile, pour un pays, n'a que des aspects négatifs. Dans un courrier adressé récemment au ministère de tutelle, les concessionnaires automobiles se sont élevés pour dénoncer cette mesure qui les frappe frontalement. Un Tunisien qui allait acheter un véhicule neuf va réfléchir à deux fois s'il trouve, face à lui, une bonne occasion importée d'Europe à un prix nécessairement moins élevé. Sachant que leur secteur emploie plusieurs milliers de personnes, il est évident qu'ils se sentent menacés face à une mesure injuste et improductive. Selon l'un d'eux, la mesure est injuste dans le sens où les concessionnaires et les revendeurs sont soumis au règlement de différents taxes et impôts, contrairement aux importateurs des circuits parallèles qui travaillent dans le noir. Improductive, parce que l'Etat se voit privé de ces recettes, mais en plus il va se priver des taxes à la consommation et des droits de douane que génèrent l'importation des véhicules neufs. Mais l'aspect fiscal ne constitue pas l'unique conséquence négative pour l'Etat qui, non seulement, ne bénéficie d'aucune valeur ajoutée en augmentant l'âge des véhicules importés, mais voit en plus ses recettes baisser. La deuxième conséquence négative directe est dans l'importation des pièces détachées qu'exigent les véhicules d'occasion. Une voiture de cinq ans d'âge consomme nettement davantage de pièces qu'une voiture neuve. Quant aux conséquences indirectes, elles sont innombrables. A commencer par les risques sécuritaires que présentent les voitures d'occasion mal entretenues. Puisqu'il s'agit d'un véhicule de deuxième main, voire troisième ou quatrième, l'acquéreur pensant faire une bonne occasion n'a aucune idée sur l'historique du véhicule surtout s'il est bien maquillé. Et le maquillage représente, à lui seul, un autre danger, soulevé par un revendeur de véhicules d'occasion. « J'ai dû acheter auprès d'un Tunisien à l'étranger un véhicule d'occasion qui s'est avéré ensuite volé. Tous ses papiers ont été falsifiés et je me suis retrouvé dans la position d'accusé. » A cela s'ajoutent les voitures vouées à la casse en Europe où la réglementation est très stricte. Au lieu d'envoyer sa voiture à la ferraille, le Tunisien à l'étranger exporte sa voiture en Tunisie, la refile à un « dindon croyant flairer l'occasion en or » et le tour est joué. Pas pour longtemps, puisque ce véhicule, soigneusement maquillé, devient un véritable danger public sur nos routes. Outre tout cela, on rappelle que les véhicules neufs rejettent de moins en moins de CO2 (grâce à la réglementation européenne stricte) et sont plus économes en carburant. Si l'on ouvre la porte à l'importation de voitures plus vieilles, c'est que l'on a ouvert à une consommation plus importante de carburant et une pollution plus grave de notre environnement. Les conséquences indirectes sur la santé sont difficiles à quantifier, mais elles sont bel et bien réelles. Selon une source au ministère du Transport, la mesure n'a pas la faveur de plusieurs hauts fonctionnaires aussi bien dans ce département que celui de la Douane. « C'est un cadeau que l'on offre au marché parallèle, à la spéculation », nous déclare un haut responsable qui voit du plus mauvais œil la mesure populiste du gouvernement. A vrai dire, et comme indiqué dans son programme, le gouvernement voulait offrir un cadeau aux Tunisiens à l'étranger, mais il a mal encadré (pour le moment) sa mesure. Présentée telle quelle, elle a toutes les conséquences négatives précitées. Mais elle peut garder son côté social si elle est accompagnée par certaines conditions qui bloquent l'accès au marché parallèle et réduit les risques de spéculation. Un observateur propose ainsi que le vieux véhicule importé doit être en la possession de son propriétaire depuis au moins deux ans. Ceci a pour avantage d'assurer la traçabilité du véhicule et d'éviter les reventes des voitures volées maquillées. L'autre condition est d'interdire la revente du véhicule pendant deux ans, au moins, après son importation. Ainsi, on évite la spéculation et la naissance d'un nouveau commerce qui ne génère rien à la collectivité, tout en offrant le cadeau désiré aux Tunisiens à l'étranger. Le projet de loi n'a pas encore été soumis à l'ANC, mais il est dans l'intérêt de tout le monde que ce projet ne passe pas tel qu'il a été brièvement présenté par le gouvernement et le ministre.