Certes « électorale » ! Reste à souhaiter qu'elle ne bascule pas vers une guerre civile larvée qui ne dirait pas son nom. Aux joutes oratoires et autres escalades verbales habituelles en pareilles circonstances, ont récemment succédé, crescendo, intimidations, chantages et menaces en tous genres. Le stade des réponses graduées est bel et bien franchi. Plus grave, les agressions physiques jusque-là, contenues, sporadiques et clairsemées, semblent vouloir s'installer durablement dans le paysage. Voilà pour l'événementiel qui remplit le quotidien des colonnes de nos médias. Commentateurs autoproclamés et « prescripteurs d'opinion », défilent devant micros et caméras, pour y faire part de leur prise de position et leur vérité, souvent corrigées voire démenties dès le lendemain. Une vraie cacophonie. Il est vrai que le journalisme d'investigation déontologique et professionnel reste à l'état embryonnaire. Le plus souvent, « impressions et pressentiments » tiennent lieu plus d'argumentations justificatives que d'explications rigoureuses et minutieuses. Exemple : Il est dit que le Qatar mettrait en coupe réglée des pans entiers de notre économie contre quelques largesses accordées, « sonnantes et trébuchantes », au parti dominant. Soit ! Mais alors qui sont les réels bénéficiaires derrière cette « principauté » peu connue pour ses « savoir-faire » industriels, ni encore moins pour ses capacités de transfert de technologie ? Rien ou si peu. Si donc il convient de condamner « toutes les violences », encore faudrait-il aussi inclure les violences insidieuses, sournoises et perfides qui frappent à des degrés divers le peuple dans ses fractions les plus fragilisées. Elles sont si nombreuses qu'en dresser une liste exhaustive relève de la gageure. Mais voilà, celles-ci sont si peu médiatisées, pardon, nous voulons dire, analysées et expliquées, qu'elles ne donnent lieu au mieux qu'à une indignation offusquée, vite « oubliée ». Alors et c'est la loi du genre, une information chassant l'autre, on en revient comme par enchantement mais inévitablement à la seule « préoccupation » du moment ; celle de la prochaine échéance électorale. Cette dernière est jugée, par les uns comme par les autres, comme « décisive », pour ne pas dire comme certains « historique ». De quoi laisser tout tomber et se concentrer sur la seule « création » de rapports de force favorables, chacun devant se déterminer : qui de la reconduction du triumvirat, qui de la formation d'une coalition républicaine, qui encore d'un front populaire et qui enfin d'une énième troisième voie….L'embarras du choix, vous dit-on, et surtout aucune inquiétude, pour les rares indécis, d'autres combinaisons sont plus que susceptibles de voir le jour. Ne vous méprenez pas, cette dérision affichée n'en oublie pas moins de tenter de prendre date avec l'histoire….qui, comme chacun sait ne pardonne pas au vaincus. Tout le landernau se trouve inexorablement et inconsciemment mu par cette seule préoccupation « électoraliste » : ne pas rater ce rendez-vous ! Mais au juste et à défaut du pourquoi faire, questionnons le comment faire ? Il ne fait plus mystère à personne que la mouvance, la sensibilité islamique, -dans ses différentes composantes-, telle que conduite aujourd'hui n'est pas en mesure de relever les défis et challenges qui se présentent au pays. Ces deux invariants ou constantes idéologiques « moralisation sociale » et « libéralisme économique », auxquelles souscrivent, certes parfois avec réticences ses alliés du moment, l'empêchent d'imaginer tout simplement d'autres « possibles ». Tout témoigne d'un réel désarroi face aux coups de boutoirs auxquels tentent de faire face le « pouvoir provisoire ». Les fronts s'ouvrent les uns après les autres (conflits de l'eau, des marchés publics, des femmes, des artistes, des journalistes, des régions). Et pour toute réponse, on reste quelque peu ébahi et pantois devant la reconduite des us et coutumes du régime déchu, jusque parfois dans le détail (limogeages et nominations à tout va, réactivation de toutes les procédures pourtant caducs d'atteinte à l'ordre public, blanc-seing et arrangements avec les adulateurs-compromis de l'ancien régime). « Ballons d'essai », tergiversations, suivies parfois de reculades non dites mais manifestes, dessinent les pourtours d'un véritable rétrécissement de ses marges de manœuvre. Les islamistes tentent de garder « la main » ce qu'ils ont réussi jusqu'ici avec un certain succès. Machiavel affirmait que les 3 piliers du pouvoir étaient : la religion, l'armée et les lois. Le parti « majoritaire » dispose encore de la religion, la forme la plus économique et la plus sûre de l'idéologie dans un pays tel que le notre. Le fait est que ce à quoi obéissent nombre de nos concitoyens, crainte au dessus de toutes les craintes, c'est du pouvoir de Dieu. Et comme les islamistes et ses affiliés tentent d'en donner une version « temporelle », alors ce ciment là, -morale de masse-, va continuer à leur profiter. Le pilier, « armée », (au sens de contrôle des appareils de coercition) n'est manifestement pas maîtrisé : les chaînes de commandement ne marchent pas ou très mal en dépit des nominations par le haut. L'armée proprement dite, « grande muette », n'est pas encore acquise. Reste alors les lois ? La difficulté d'en accoucher une nouvelle, qui plus est, Loi au dessus des lois, témoigne si besoin était des défiances diverses de larges pans du corps social à l'égard de la dérive islamisante de cette loi. Rien n'est perdu pour cette mouvance, mais sa légitimité issue des urnes s'effiloche, atermoiements et turpitudes renouvelées, jour après jour, font le reste, réduisant ses marges. Les déçus du premier jour comme du dernier cherchent une alternative. Ils poussent à l'union. Après les frémissements, tentatives de rapprochement, il est désormais question, de front, d'alliances, d'accords électoraux. De larges fractions urbanisées de l'opinion « exhorte » à ces rapprochements, sous le regard quelque peu dubitatif d'autres. Les oppositions admettons-le n'ont jamais été aussi prolixes sur cette « nécessité impérieuse », multipliant les déclarations mais aussi les conciliabules d'arrière courts. Le jeune front populaire tente bien de rallier…mais qui ? Nida Tounès, après avoir été un appel a décidé de se constituer en force politique et en appelle au rassemblement autour « des valeurs » communes. Il faut tout de même être un piètre observateur politique pour croire, mais plus grave faire croire, que cela suffira à convaincre « les masses ». Tabler sur le seul dépit, le vote protestataire, pourrait bien se transformer en une erreur politique fatale. D'autres encore ne s'en contentent pas ! Les ni-ni, chantre de la 3e voie viennent aussi de s'inscrire dans le paysage….centre-centre ou centre-gauche ? Mais alors pour quelle perspective sociale ? Rien encore de bien nouveau, mais pas d'impatience nous dit-on, cela viendra plus tard, en son temps et d'en haut….Alors sondages et études vont bon train. Certains politologues avisés, disent qu'il y a place pour trois ou quatre formations politiques. Les places sont manifestement très chères. Pas étonnant alors que les confrontations vont prendre une tournure plus aigue, plus acérée, pour ne pas dire tout simplement plus violentes ! * Docteur d'Etat en Economie du développement