Le gouvernement de la Troïka a bouclé, tout essoufflé, la fin d'année 2012, avec à son passif une situation générale aggravée et déplorable dans le pays. Ce gouvernement a, sans l'ombre d'un doute, raté son rendez-vous avec l'histoire en tant que premier gouvernement "légitime" après la révolution, en multipliant les maladresses voire même les gaffes et en réalisant des prestations pour le moins insuffisantes. Après plus d'une année d'exercice du pouvoir, le gouvernement issu de l'Assemblée nationale constituante (ANC), élue par le peuple, n'a plus le choix et doit faire face à un échec manifeste. Toutes les classes politiques et les analystes sont convaincus qu'il faut entreprendre une action énergique et faire quelque chose pour sauver les meubles! Et tout le monde est parvenu à la conclusion qu'un remaniement s'impose plus que jamais. Mais quels postes cibler et quelles personnes révoquer? Plusieurs scénarios ont été avancés avec plein de confidences, de rumeurs et autres ballons d'essai, des suppositions et même des listes fuitées où figurent les éventuelles structures du nouveau gouvernement. Toutefois, le suspense demeure entier, en attendant l'annonce officielle de ce fameux remaniement. Il faut rappeler, d'abord, que le gouvernement de la Troïka a enregistré depuis plusieurs mois deux postes ministériels vacants. Il s'agit du département de la Réforme administrative, avec le départ de Mohamed Abbou en juin 2012 et le ministère des Finances, suite à la démission de Houcine Dimassi en juillet 2012. A rappeler, également, que pour ce dernier ministère des Finances, le poste vacant, dont l'intérim a été assuré par Slim Besbès, secrétaire d'Etat auprès du même ministère, n'a été comblé officiellement qu'en date du 19 décembre 2012, avec la nomination d'Elyès Fakhfakh. Par ailleurs et parallèlement à ces fluctuations au sein du gouvernement, des voix se sont élevées proposant de profonds changements. Plusieurs partis politiques, appartenant essentiellement à l'opposition, tels qu'Al Joumhouri, Nidaa Tounes, Al-Massar et le Front populaire, ont appelé à l'émergence d'un gouvernement restreint tout en revendiquant la neutralité des ministères de souveraineté. Même le président de la République, Moncef Marzouki, pourtant partie prenante au gouvernement de la Troïka, a abondé en ce sens et a exprimé son souhait d'avoir un gouvernement restreint de compétences en réduisant le nombre des ministres et secrétaires d'Etat et en choisissant des technocrates qui dirigent le pays lors de cette phase transitionnelle, loin des considérations partisanes. Nous avons tous entendu parler, par la suite, des listes des candidats. Des noms de ministres qui sautent par-ci, des ministères qui fusionnent par-là. Des "responsables" parmi les membres du gouvernement ont démenti ces listes, et pour cause, "les noms et nominations n'ont pas encore été discutés" et "on est encore en phase de discussion des principes et des critères des réformes à apporter à la structure du gouvernement". Il s'agit donc de choix stratégiques dans la réforme du gouvernement et non d'un jeu de pions. C'est, au moins, ce que veulent faire entendre les rares hommes politiques qui ont bien voulu s'exprimer à propos de cet éventuel remaniement. Et là encore, Lotfi Zitoun, conseiller auprès de la présidence du gouvernement, nous avance une date précise pour l'annonce de ce remaniement, celle du 14 janvier 2013, comme étant une date "fétiche", date festive, date symbole marquant le deuxième anniversaire de la révolution. Seulement, si ce remaniement s'avère une nécessité voire même une urgence, pourquoi attendre encore quelques jours. Et si l'on pouvait attendre, ceci voudrait probablement dire que le remaniement n'est pas aussi significatif et urgent que l'on croit. Une hypothèse est envisageable, le remaniement tant attendu serait probablement un simple maquillage visant à embellir l'image extérieure du gouvernement sans vraiment apporter de changements radicaux. Ce serait probablement un changement de pure forme et non un changement de fond. Ce serait vraisemblablement une nouvelle distribution de rôles, avec une insertion de nouveaux visages. Sauf que le scénario, le script et la mise en scène sont toujours entre les mêmes mains, celles d'Ennahdha. Ses alliés, Ettakatol et le CPR auront toujours droit à des portefeuilles secondaires, pour ne pas dire de figuration. Chapeau bas! Ce serait une façon astucieuse d'impliquer, dans la dégringolade de la situation, une frange élargie des partis y compris certains qui se positionnaient sur l'autre rive, celle de l'opposition démocratique. Doublement astucieux, puisqu'Ennahdha donnera l'impression de "s'ouvrir" aux autres partis, de ne point monopoliser le pouvoir et de tendre la main à ses anciens rivaux. Il est clair que la potion magique de la Troïka s'est avérée peu efficace et qu'une restructuration du gouvernement est plus que nécessaire. Mais si on se limitait à dispatcher les portefeuilles, en diversifiant les profils des ministres sans réformer les choix et programmes gouvernementaux, aucun changement révélateur ne pourra être réalisé. On aura beau essayer de donner de nouveaux traits au visage de la nation, les objectifs économiques, sociaux et culturels suivront toujours les lignes directrices consenties par le vrai leadership du pays, le leadership d'Ennahdha. Ainsi, remaniement ou pas remaniement, le gouvernement ne changerait que partiellement et superficiellement. Seules les prochaines élections devraient donner lieu à une nouvelle configuration du gouvernement après des élections définitives. Et l'annonce prévue pour le 14 janvier, quels que soient les noms de la nouvelle équipe gouvernementale, ne serait, en fin de compte, qu'un simple rafistolage avec une impression de "déjà-vu". Dorra Megdiche Meziou