14 janvier 2013, une date qui devait être synonyme de fête, de célébration, de réjouissance, de festivité, et de…Oui d'accord, arrêtons avec les synonymes, parce que deux ans après la révolte ou la révolution du 14 janvier, il peine à l'esprit du Tunisien de se donner à cœur joie pour fêter un anniversaire d'une révolution qui s'apparente davantage à une chimère. Et il suffit d'aller faire un tour dans le centre ville de Tunis, en empruntant l'avenue principale Habib Bourguiba et l'avenue Mohamed V pour lieux se rendre à cette évidence. Premier constat et qui saute aux yeux : les manifestants sont divisés, fidèle traduction de l'état actuel du paysage politique en Tunisie, les démocrates progressistes et modernistes représentés par les partis Al Joumhouri, Al Massar, le Front Populaire et Nidaa Tounès d'un côté, les islamistes conservateurs et salafistes d'un autre, même si les représentants de Nidaa ont défilé à part. Et chacune des deux rives s'amusait et prenait même un malin plaisir de lancer des invectives à l'autre, du genre : « vous les orphelins de la laïcité, Ben Ali vous a abandonné » et « félicitations pour la barbe vous les ex-RCD ». Oui, c'est ainsi que les Tunisiens dessinent les contours du deuxième anniversaire de la révolution du 14 janvier, par la division, les jets de pierres (moraux bien sûr), les discours répétitifs et presque saumâtres et puis, ce goût amer d'inachevé de la révolution. Car, deux années ont passé et les mêmes problèmes persistent et la situation se retrouve presqu'au point mort, voire même en marche arrière. Nous avons essayé, en cette journée, où il a fait gris, de rapporter les faits. Nous suivons une marche du côté des chefs des parti démocrates, où nous retrouvons, en première ligne, Samir Ettaieb, porte-parole d'Al Massar, Ahmed Néjib Chebbi, président de la haute instance politique d'Al Joumhouri, Hamma Hammami, porte-parole du Front Populaire, Chokri Belaïd, secrétaire général du Parti des patriotes démocrates unifié, Yassine Brahim membre du bureau exécutif d'Al Joumhouri et entre autres, Maya Jribi, secrétaire générale du même parti, avançant sur l'avenue Mohamed V, le sourire aux lèvres, mais le cœur pas très à la fête au regard de la quasi impuissance de l'opposition à pouvoir s'imposer en tant que contre poids face à la Troïka. Dans une autre atmosphère des plus « joyeuses », à côté de l'horloge, Place du 14 Janvier, vêtue du drapeau national, une tente montée par les islamistes et une tribune sur laquelle les discours se déchaînaient et se ressemblaient. Des prédicateurs appelant au respect et l'application de la Chariâa, à suivre l'exemple du Prophète Mohamed, et au jihad « moral » pour la réinstauration de l'Etat islamique. A cette tribune se sont succédé notamment Habib Ellouz, élu d'Ennahdha à l'Assemblée nationale constituante, et Béchir Ben Hassan, prédicateur salafiste. Les sympathisants islamistes et salafistes, brandissant les drapeaux noirs et blancs, criaient de toutes leurs trippes « Allahou Akbar » et applaudissaient à chaudes mains les souhaits de ces prédicateurs à l'instar de la séparation des filles et des garçons dans les écoles, et notamment le droit des hommes à la polygamie et à pouvoir se marier avec quatre femmes. Le deuxième anniversaire de la révolution du 14 janvier, embrassait bien plus les allures d'une compétition dans laquelle les deux « Tunisie » on décidé de s'engager, chacune selon ses moyens, chacune ses convictions, mais l'objectif final demeurant le même, à savoir la conquête du pouvoir. Car nous ne pouvons, hélas, avoir la prétention de dire que la Tunisie, à un sens unique, a réussi à réaliser les objectifs de la révolution, pourtant « techniquement » possible. Ce tableau, dépeint par des couleurs pessimistes, ne laisse pas présager le meilleur, certes, mais les faits sont bien là : La majorité des Tunisiens vous diront que rien ne va plus, que toutes les classes sociales sont divisées et que les images, vues aujourd'hui, en témoignent à la perfection. Des slogans du genre : « le peule en a marre des nouveaux Trabelsi » a été déjà crié il y a de cela deux ans. C'est pour ainsi dire que les revendications demeurent les mêmes et on dirait que nous en sommes encore à la case départ. Il y a une chanson dont les paroles concordent, par excellence, à la plaie de la Tunisie postrévolutionnaire, en voici quelques paroles : « ils sont venus par milliers les apôtres, nous ont monté les uns contre les autres, ils nous ont divisés pour mieux régner, ma chérie a saigné…» A l'occasion du deuxième anniversaire de la révolution, et eu égard au constat disgracieux marquant la situation de la Tunisie, nous ne pouvons que nous mettre à l'œuvre afin d'éviter un éventuel désastreux « jamais sans trois ».