Il n'y a pas longtemps, le Guide Rached Ghannouchi disait, en discutant avec des salafistes, qui lui rappellent sa jeunesse et diffusent une nouvelle culture, que la sécurité, la police et l'armée n'étaient pas garanties, et qu'il faut avancer par étapes pour réaliser ses objectifs. Il avait l'air de dire qu'il faut patienter pour s'assurer de la loyauté de ces institutions. Il y a quarante huit heures seulement, juste après l'assassinat de Mohamed Brahmi, on a vu le même Rached Ghannouchi, au milieu des siens au siège d'Ennahdha à Montplaisir, réitérer, dans une parodie des slogans brandis par les Egyptiens anti-Morsi : « Le peule, la police et l'armée, une seule main » ! Mais apparemment, le leader du parti islamiste semble s'être trompé d'un terme dans le sens où à la place du mot « peuple », il aurait dû dire : «Ennahdha ». Car c'est ce qui a été constaté, aujourd'hui samedi 27 juillet 2013 devant le siège de l'Assemblée nationale constituante au Bardo. En effet, une unanimité se dégage, d'après les témoignages de diverses personnes et sources quant à l'existence de services parallèles au sein du ministère de l'Intérieur qui reçoivent leurs directives, non pas du ministre, mais directement du chef du gouvernement, voire carrément de Montplaisir. «Ils se sont avancés avec la matraque prêts a nous frapper, il y a en fait deux ministères de l'Intérieur, certains policiers se sont réfugiés avec nous, d'autres tiraient même sur leurs collègues. Qui donne les ordres ? Cela continue alors que manif et élus sont en manifestation PACIFIQUE. Ce gouvernement de la Troïka est la nouvelle plaie de la Tunisie». Tels sont les propos tenus par Karima Souid, députée d'Al Massar à l'Assemblée Nationale Constituante, sur son compte Twitter, en marge de la manifestation qui s'est déroulée cet après-midi. De son côté, le constituant, Abdelaziz Kotti a exprimé la même idée en affirmant l'existence d'une police parallèle dont les membres ont fait, aujourd'hui, une intervention musclée usant de gros moyens de force dont des gaz lacrymogènes de type nouveau contre les sit-inneurs pacifistes, dont notamment des élus qui auraient été attaqués et provoqués par des éléments nahdhaouis et d'autres personnes appartenant à ce qu'on appelle les Ligues de protection de la révolution. M. Kotti parle d'agents de la police parallèle ou de la milice d'Ennahdha déguisés en policiers réguliers en tenue officielle. Une des principales victimes de cet usage disproportionné de la forcé a été le député du Front Populaire, Mongi Rahoui, qui a dû être transféré à l'hôpital Charles Nicolle où il a reçu les soins d'urgence nécessaires, sans oublier que M Rahoui a été exposé à de potentiels risques de santé surtout qu'il vient de se voir poser des stents coronariens suite à un malaise cardiaque. Nombreux aussi ont été les appels lancés sur les réseaux sociaux pour faire face à l'émergence de ces services parallèles de sécurité qui recevraient leurs directives d'un certain Mehrez Zouari et un autre M. Toujani, deux cadres qui échapperaient à l'autorité du ministre de l'Intérieur qui aurait pensé, selon certaines sources, à démissionner. D'ailleurs, plusieurs hauts responsables de partis politiques de l'opposition abondent dans le même sens en évoquant l'existence de cette police. On rappelle aussi, les propos de Lazhar Akremi, porte-parole de Nidaa Tounes et ancien secrétaire d'Etat de l'Intérieur qui parle de données précises en la matière, sans oublier les accusations lancées, il y a quelques mois en direct sur des plateaux télévisés, par nos confrères Zied EL Hani et Soufiène Ben Farhat, contre ce même circuit parallèle, ainsi que les fuites obtenues par les journalistes de « Nawaat » lors de l'affaire de M. Fethi Dammak. D'ailleurs, on mentionnera que suite à ces accusations, l'unité spéciale à l'aéroport de Tunis, mentionnée par Zied El Hani, a été retirée, mais personne ne sait ce qu'il est advenu de son chef et de ses membres. C'est dire que l'existence de ces services est devenue un secret de Polichinelle. Il n'y manque que les preuves matérielles et officielles, ce qui est impossible à fournir En ces mêmes moments où les constituants se font agresser devant le siège même de la Constituante, Mustapha Ben Jaâfar trouve le moyen et le « courage » d'exprimer uniquement sa condamnation, de demander l'ouverture d'une enquête – et tout le monde sait le destin de ce genre d'enquête – tout en appelant les élus à rejoindre l'ANC. A entendre parler M. Ben Jaâfar ainsi, on a l'impression qu'il est déconnecté de la réalité et de ce qui se passe dans le pays. Pour lui, l'affaire de l'assassinat du martyr Mohamed Brahmi fait partie du passé et que les élus doivent, selon lui, achever leur mission qui se trouve dans sa dernière ligne droite. Abdellatif Mekki, ministre de la Santé, parlant au nom d'Ennahdha, présente, quant à lui, un échéancier-miracle : Mise sur pied de l'ISIE dans deux jours ! Achèvement de l'élaboration de la constitution en 15 jours et élections avant la fin de l'année ! Sans entrer dans les mêmes détails, Ali Laârayedh avait présenté les mêmes grandes lignes. Mais aussi bien le président de l'ANC que tous ces cadres nahdhaouis semblent oublier l'essentiel : Ils n'ont plus la confiance des différentes formations politiques démocratiques et de l'opinion publique qui n'acceptent pas d'aller aux urnes avec une administration gravement noyautée par les partisans du parti islamiste. Ce parti islamiste au pouvoir ne veut rien entendre sur la nécessité de procéder à la révision des nominations partisanes. Pourtant, c'est une condition sine qua non pour pouvoir terminer cette dernière ligne droite de l'étape transitoire. Tous les partis politiques l'ont clairement dit et exigé : pas d'urnes sans une révision radicale et réelle desdites nominations. Les responsables d'Ennahdha, conscients de la gravité de l'heure, font semblant qu'ils sont prêts à lâcher du lest, mais sans plus. Histoire de se dire qu'ils sont capables de rééditer le coup anesthésiant qu'ils avaient réussi à faire« gober » à l'opposition après l'assassinat de Chokri Belaïd en accouchant, après plus d'un mois de tergiversations, d'un gouvernement Jebali-bis. En tous les cas, cette fois-ci, l'opposition ne l'entend plus de cette oreille. Elle est déterminée à se montrer vigilante et à aller jusqu'au bout pour mener la Tunisie vers des élections libres et démocratiques avec, surtout, une administration neutre.