Il ne faut pas dissoudre l'ANC, c'est une ligne rouge à ne jamais franchir. Rached Ghannouchi et ses marionnettes d'Ettakatol et du CPR n'ont cessé de répéter cela depuis l'assassinat du martyr Mohamed Brahmi et les manifestations qui ont suivi puis l'assassinat de 8 soldats au mont Chaâmbi. Pourtant, à réfléchir un peu, il y a de bonnes raisons pour dissoudre cette assemblée et de ne pas croire, un instant, les promesses de la troïka pour que cette ANC achève sa mission le 23 octobre 2013, soit avec un an de retard. 1/ Sur le plan strictement légal, cette ANC a perdu sa légitimité depuis le 22 octobre 2012 puisqu'elle a été élue pour un an ferme. Comment peut-on faire confiance à des députés qui ne respectent pas la loi ? 2/ Les députés ont été élus pour une mission bien déterminée, à savoir la rédaction d'une constitution. Ils ont cependant élargi leurs prérogatives et se sont accordés la mission de légiférer sur tout et rien, au point qu'ils ont été rapidement débordés et ont dû reléguer au second rang la rédaction de la Constitution. Comment peut-on faire confiance à des députés désorganisés ? 3/ La rédaction de la Constitution a été accompagnée par plusieurs graves incidents, parmi lesquels des opérations de falsification dont a été accusé Habib Khedher, le rapporteur général de la Constitution. Comment peut-on faire confiance à des députés fraudeurs ? 4/ Plusieurs députés ont été convoqués par la justice, mais ont profité de leur statut (qui a perdu sa légitimité) et de leur immunité pour ignorer les convocations du juge. Comment peut-on faire confiance à des députés qui méprisent la justice et les magistrats? 5/ Plusieurs députés ont lancé des appels à la haine, voire au meurtre. Sahbi Atig, Habib Ellouze, Sadok Chourou… Ils n'ont pas été inquiétés et leurs propos n'ont même pas été officiellement condamnés par la présidence de l'ANC. Comment peut-on faire confiance à des députés qui sèment la discorde et veulent faire baigner la Tunisie dans le sang ? 6/ Plusieurs députés ont profité de leurs prérogatives pour pondre un projet de loi ciblant l'exclusion de leurs adversaires politiques. Comment peut-on faire confiance à des députés qui ne respectent pas la démocratie et considèrent les électeurs comme des mineurs ? 7/ Plusieurs députés ont profité de leurs prérogatives pour s'accorder des primes démesurées et des salaires exorbitants, dont certains en devises alors que la Tunisie se débat dans l'étau d'une crise économique majeure. Comment peut-on faire confiance à des députés aussi cupides ? 8/ Plusieurs députés ont fait par le passé, en moment de crise, des promesses mirobolantes et des engagements fermes qu'ils n'ont pas tenus quand le calme est revenu. Comment faire confiance à des députés qui ne respectent pas leurs engagements ? 9/ Rien ne garantit que ce qui n'a pas été fait en plus d'un an et demi va pouvoir se faire maintenant en moins de trois mois. Pourquoi doit-on croire que les différends de tous genres d'hier ne seront plus d'actualité demain ? 10/ L'ANC a perdu beaucoup de temps en raison des interventions clownesques ou des règlements de compte de certains de ses députés. Pourquoi doit-on penser que ces élus vont cesser leur manège une fois la tension partie ? 11/ Les députés du bloc Ennahdha ont toujours imposé leur diktat parce qu'ils représentent, à eux seuls, plus du tiers et qu'ils répondent systématiquement ou presque en un seul bloc. Pourquoi doit-on penser qu'ils vont désormais mettre de l'eau dans leur vin ? 12/ A la publication du projet de constitution, certains élus l'ont qualifié de « meilleure Constitution au monde » et d'autres de « Constitution honteuse qui ne les représente pas ». Pourquoi devrait-on garder des élus qui ne s'entendent pas, eux-mêmes, sur la nature du document qui doit régir la Tunisie de demain ? 13/ L'Assemblée nationale constituante travaille sans aucun contrôle, sans aucune autorité de régulation ou de vérification des lois et des propositions présentées. Comment peut-on faire confiance à une assemblée qui travaille dans l'improvisation et sans contrepouvoir ? 14/ Les élus de cette assemblée ont brillé par leur amateurisme mais également par leurs absences y compris pour des séances plénières décisives provoquant même, dans certains cas, l'ajournement des séances pour absence de quorum. Pourquoi devrait-on continuer à faire confiance à des élus qui ne se présentent même pas à leur lieu de travail ? 15/ Toutes les raisons précédentes prouvent l'incompétence de plusieurs de ces élus. Il est donc hors de question que la Constitution de la IIème République tunisienne soit confiée à des incompétents et que l'on croie un instant qu'ils vont, par miracle, devenir des génies. * Marouen Achouri, journaliste à Business News