Les forces de sécurité intérieure, englobant les unités de la Garde nationale et les agents de l'ordre ainsi que la Brigade anti-terroriste (BAT) sont en colère et n'entendent plus se laisser faire. Ils réclament des moyens et des garanties pour l'accomplissement de leur devoir et menacent de recourir à des formes de protestations inédites. Et ce après avoir adressé, dans une première tunisienne, voire mondiale, un « dégage » à l'adresse des trois présidents. Il faut dire que le mécontentement et la colère des agents de la Garde nationale étaient visibles depuis plusieurs mois. On se rappelle les déclarations de certains officiers et agents de ce corps dès l'enregistrement des premières victimes suite à l'explosion des mines au Mont de Chaâmbi. Ils avaient crié leur désaccord avec la hiérarchie qui, soit, les envoyaient dans les labyrinthes montagneuses sans les moyens d'action adéquats, soit, ne leur donnaient pas les ordres à temps pour s'en prendre aux éléments terroristes. On connaît la suite : un bilan de plus en plus élevé dans les rangs de nos militaires et sécuritaires et qui a culminé à la fin du mois de juillet 2013 lorsqu'une dizaine de soldats ont été horriblement tués dans un guet-apens inexpliqué jusqu'à ce jour, dans le sens où tout laissait entendre que les terroristes étaient tellement bien informés de la présence de ce groupe de soldats, qu'ils avaient pu préparer, planifier et exécuter leur lâche action sans qu'ils n'aient à subir la moindre perte. Après une accalmie relativement longue, il y a eu ce nouveau triste épisode dans la zone de Goubellat où d'autres éléments de la Garde nationale ont été tués dans des conditions confuses. Certaines sources indiquent qu'un petit groupe du poste de la Garde a été envoyé vérifier la présence de personnes suspectes dans une maison du voisinage sans en évaluer l'ampleur, alors qu'il fallait recueillir davantage d'informations pour décider de la taille de l'opération à entreprendre. Tout en prenant le taureau par les cornes, comme on dit, les responsables de la Garde nationale, aidés par des renforts de l'Armée nationale, ont mis au point un plan d'action avec les moyens adéquats qui leur a permis d'infliger des coups décisifs aux groupes terroristes qui comprenaient des éléments des plus dangereux dont notamment Lotfi Ezzine, impliqué dans les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Ainsi, en ces moments douloureux et cruciaux pour les forces sécuritaires, les trois présidents tenaient à se « pavaner » et marquer leur présence aux obsèques des martyrs tombés sur le champ d'honneur, une présence mal vue et considérée comme un acte de « populisme » déplacé en ces instants graves. Plus encore, messieurs les présidents se sont fait attendre 75 minutes durant alors que les dépouilles se trouvaient sous un soleil de plomb! Mais le résultat ne s'est pas fait attendre. Dans une première historique, ils ont été accueillis par les inévitables slogans de « Dégage » et autres « Allez vous-en ». L'incident est d'une extrême gravité dans la mesure où des centaines, voire pratiquement tous les membres de la caserne d'El Aouina qui étaient de la partie y ont pris part. Ils agissaient à visage découvert et assumaient pleinement leurs actes. L'un d'eux s'est même avancé vers la tribune des trois présidents pour parler au nom de tous ses collègues et exprimer leur refus de les voir sur les lieux : «on n'a pas besoin de votre venue, seul le ministre de l'Intérieur a sa place ici », disait-il en substance. Et encore une fois, au lieu d'évaluer la situation et de bien comprendre les tenants et les aboutissants de l'incident, les premiers responsables, à savoir le chef du gouvernement, Ali Laârayedh, et le nouveau commandant de la Garde nationale, Mounir Ksiksi, dont le passé serait entaché sous l'ancien régime, ont eu des réactions à chaud qu'ils risquent de regretter dans un proche avenir. Les deux hauts responsables ont, purement et simplement, menacé et « promis » de prendre les dispositions administratives et judiciaires nécessaires contre TOUS ceux qui avaient crié les slogans de « Dégage ». C'est-à-dire, contre tous les gardes occupant la caserne d'El Aouina. C'est dire que ni M. Laârayedh ni M. Ksiksi n'ont pesé leurs mots ni mesuré la gravité de leurs menaces envers un corps, considéré comme étant un pilier déterminant dans la défense de la patrie. La réaction du syndicat national des forces de sûreté intérieure (SNFSI) ne s'est pas fait attendre. Mais elle a été, de loin, mieux étudiée. En effet, tout en réclamant certaines demandes quant à la bonne marche de leurs actions en matière de lutte contre le terrorisme, ils ont eu la présence d'esprit de ne rien annoncer à chaud et de prendre le temps de peaufiner leur riposte qui sera annoncée lors d'une prochaine assemblée générale dudit syndicat. Mais les termes utilisés dans le communiqué du SNFSI sont empreints de menaces claires laissant entendre que les forces de sécurité intérieure ne se laisseront pas faire. Ils n'ont même pas fait allusion aux menaces proférées par Ali Laârayedh et Mounir Ksiksi pour montrer qu'ils accordent peu de crédit à leurs propos irréalisables. Ils ont voulu démontrer, par là, qu'ils se trouvent en position de force tout en réitérant qu'ils sont prêts à mourir pour la patrie et pour la défense des Tunisiens. Imed EL Haj Khelifa et Chokri Hamada, pour ne citer que ceux-là, ont répété, pour la énième fois, qu'ils n'ont d'allégeance que pour la Tunisie et pour le drapeau tunisien. Parlant au nom de leurs collègues, ils ont montré une détermination telle dans leurs regards et leurs propos qu'aucun politicien ne peut les arrêter dans leur mission de protection du pays contre les dangers aussi bien intérieurs qu'extérieurs. Faut-il rappeler qu'en 1987, ce furent les colonnes de la Garde nationale qui avaient pris le contrôle et assuré la sécurisation des principaux bâtiments de décisions dans le pays et faire tomber, ainsi, Bourguiba ! Faut-il rappeler que les 13 et 14 janvier 2011, ce sont les forces de sécurité intérieure qui avaient, largement, encouragé et soutenu la population à faire tomber Ben Ali ! En tout état de cause, le ministère de l'Intérieur, par le biais de son communiqué officiel, même s'il a évoqué une éventuelle enquête administrative à propos de l'incident du « dégage », n'en a pas moins rendu un vibrant hommage au corps de la Garde nationale et à son action syndicale. Il n'a point parlé de poursuites judiciaires, ce qui constitue un camouflet à M Laârayedh et au nouveau commandant de la Garde nationale.